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"Parce que les fleurs sont blanches" - Gerbrand Bakker

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"On dit parfois que le temps guérit toutes les blessures. Un cliché terrible, que les gens sortent quand ils ne savent vraiment plus quoi dire. C'est strictement faux en plus. Il y a des gens qui meurent de leurs blessures et, quand vous êtes mort, il n'y a plus grand-chose à guérir." Depuis le départ de la mère, leur cellule familiale est devenue exclusivement masculine. Elle est partie à l’étranger, paraît-il, avec un autre homme, sans doute en Italie, d’où elle leur envoie, cinq fois par an, à l’occasion de Noël ou des anniversaires, des cartes postales. Même le chien Daan, qui a tant pleuré son absence -comme pour les garçons, elle était sa préférée -, a fini par comprendre qu’elle ne reviendra pas. C’est donc leur père Gerard qui s’occupe d’eux, assurant le quotidien, les visites aux grands-parents dan leur maison au bord d’un lac et l’organisation des grandes vacances, dans une région de France chaque fois différente où ils se rendent à bord d’une vieille guimba...

"L’île des âmes" - Piergiorgio Pulixi

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"Les bons flics sont de méchants flics." Ah, la Sardaigne… ses criques aux eaux turquoise et ses pittoresques petits ports, ses grottes secrètes et ses ânes albinos… Eva Croce aurait pu y venir en touriste. Elle apprécie d’ailleurs la beauté de l’île et la manière dont le temps s’y écoule, comme s’il était plus distendu… Mais c’est pour des raisons un peu moins folichonnes qu’elle a quitté l’agitation turinoise pour Cagliari. Enquêtrice anciennement spécialisée dans les crimes sanglants, elle s’occupe dorénavant des affaires non élucidées. Officiellement, sa mutation dans la capitale sarde a pour objectif d’aider la police locale à mettre en place sa propre unité de cold cases . Officieusement, sa hiérarchie n’a guère apprécié sa tentative de dévoiler les magouilles d’une huile intouchable, et à vrai dire, cela arrangeait bien Eva de partir, pour laisser derrière elle la dévastation de sa vie personnelle. Mara Rais a aussi, en quelque sorte, été mise au placard. Son caractère...

"La neige en deuil" - Henri Troyat

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"A ce niveau de haute solitude, l'existence était belle sans raison. Le bonheur n'avait pas de cause. Tout était clair et sûr, sans qu'il fût possible d'expliquer pourquoi." Isaïe était l’un des guides alpins les plus chevronnés du pays, l’un des meilleurs. Mais il y a dix ans, un terrible accident a mis brutalement fin à sa carrière. Il a dû se soumettre au jugement sans appel de la montagne, annihilant jusqu’à l’envie même de "monter là-haut." Ce drame lui a aussi coûté une partie de son intégrité intellectuelle. Il est devenu ce qu’on appelle un homme "simple", oubliant celui, heureux et déterminé, qu’il a été. Dorénavant pétri d’angoisses, hanté par le traumatisme de sa chute, il se contente de peu : ses brebis, sa maison, et le spectacle de ces montagnes qu’il aime toujours autant, et auxquelles il ressemble un peu d’ailleurs, avec sa grande silhouette sèche mais solide et son torse large. Ce n’est pas le cas de Marcelin, de vingt-deux...

Sous les pavés, les pages - Quatrième édition !

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Villes sanctuaires, gentrification, quartiers populaires : la littérature des villes nous parle d’immigration et de résistance, de clivages sociaux, de politiques sécuritaires, de changements climatiques, des croisements des cultures aussi, qui dépassent les murs ou s’y exposent. La ville est dichotomie et utopie, elle est transgression et progression, elle dit les fractures et les liens. C’est pour encore une fois arpenter ces espaces urbains si riches, surprenants, prenants, qu' Athalie et moi organisons cette quatrième édition des lectures urbaines. L’année dernière, on pense avoir trouvé le bon rythme, celui de deux mois, entre rentrée littéraire, Feuilles Allemandes, et les pérégrinations de l’été qui peuvent être contées. Nous rappelons simplement que les participations peuvent être multiformes : balades en ville, voyages en architecture, podcasts, films, séries, fictions, non fictions, incursions photographiques ou picturales … N’hésitez pas à consulter les bilans des année...

"Le voyage de Hilary Byrd" – Carys Davies

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"L’opinion de Jamshed, c’était que Mr Byrd ressemblait à un scarabée. Un scarabée sur le dos, agitant en tous sens ses bras et ses jambes, se balançant d’un côté, puis de l’autre pour tenter de se remettre à l’endroit." Hilary Byrd est décalé. Décalé par rapport à son époque, et sans doute l’était-il aussi dans la petite ville du Royaume-Uni qu’il a quittée pour une ancienne station britannique du sud de l’Inde. On s’étonne d’ailleurs de cet exil volontaire, en constatant sa naïveté, son absence d’aisance dans les relations sociales, sa détestation des conflits et de toute complication. Mais l’on comprend, grâce aux longues lettres qu’il écrit à sa sœur Wyn -qui s’est toujours occupée pour lui " de tous les désagréments "-, qu’affronter la modernité et l’incivilité croissante du monde occidental était devenu une trop grande source d’anxiété.  Sa rencontre avec le Padre, dans le train à destination de Mettupalayan, a été une bénédiction. L’homme lui a proposé de loge...

"La plus secrète mémoire des hommes" - Mohamed Mbougar Sarr

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"(Mais Dieu n'entendait rien car Dieu s'était crevé les tympans pour survivre et sauver sa santé mentale.)" Entendre Mohamed Mbougar Sarr se revendiquer de Roberto Bolaño en évoquant ce roman en a rendu la lecture évidente… Son titre est d’ailleurs extrait d’un passage du remarquable " Les détectives sauvages ". Comme dans le roman de l’auteur chilien, l’intrigue de "La plus secrète mémoire des hommes" a pour cœur une quête littéraire, qui se matérialise par celle d’un écrivain mystérieux. T.C. Elimane n’aura laissé à la postérité, en plus de ses mystérieuses initiales, qu’un seul livre, "Le labyrinthe de l’inhumain", avant de disparaître sans laisser de traces. Né au Sénégal, c’est grâce à une bourse d’études qu’il arrive à Paris en 1938. La parution de son ouvrage, "chef-d'œuvre d'un jeune nègre d'Afrique", suscite de vives réactions. Davantage considéré comme un phénomène littéraire que comme un écrivain, on le re...

"Disparition inquiétante d’une femme de 56 ans" - Anne Plantagenet

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"… ce n’est pas la personne de Letizia qui a attiré l’attention, c’est son absence." C’est parce qu’elle a entamé un travail de recherche sur son grand-père italien et ouvrier qu’Anne Plantagenet suit le tournage du film En Guerre, de Stéphane Brizé. C’est là qu’elle rencontre, fin 2017, Letizia Storti. Ouvrière à l’usine pharmaceutique UPSA d’Agen, elle fait partie des acteurs non professionnels engagés par le réalisateur. Sans qu’elle sache trop pourquoi, cette femme un peu ronde qui porte des écharpes colorées et des lunettes ostentatoires la touche. Si elle la remarque, c’est parce que Letizia, au départ simple figurante, se met en première ligne, exprimant un besoin d’exister coûte que coûte, de sortir du lot au risque de se faire détester par le groupe. Ça plait bien, en revanche, à Stéphane Brizé, qui laisse faire. Elle la revoit à Cannes où le film est nominé, mais c’est plus tard que nait leur relation, à l’occasion d’un récit que l’auteure prépare pour la revue XXI,...