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"Au soleil couchant" - HWANG Sok-yong

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"Dans cent ans, en effet, quasiment tous ceux qui cohabitent aujourd’hui sur cette terre auront disparu. Le monde sera peuplé de têtes nouvelles. Les architectes, eux, ont une consolation : ils laissent des constructions derrière eux. Mais ce qu’ils laissent, ce peut n’être rien d’autre qu’une figure hideuse de la cupidité." La vie de Park Minwoo est un exemple de réussite sociale. Issu d’un milieu modeste, fils d’un obscur fonctionnaire de mairie, il est aujourd’hui le directeur d’un célèbre cabinet d’architecture de Séoul, à la tête de plus d’une centaine de collaborateurs. Il a plus précisément grandi dans la ville de Yeongsan où sa mère, contrainte de subvenir à leurs besoins suite à un accident cérébral ayant rendu son père invalide, avait monté un petit commerce de pâtes de poissons. Les habitants du quartier de son enfance, qui tiraient le diable par la queue, vivaient d’expédients et dans des conditions très rudimentaires, ne disposant pas toujours de l’eau courante. ...

"Thérèse Raquin" - Emile Zola

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"Que se passait-il dans cette misérable créature qui vivait juste assez pour assister à la vie sans y prendre part ?" Le passage du Pont-Neuf, à Paris, est un corridor obscur, étroit, et suintant d’humidité, qui reste sordide même les jours de soleil. C’est là que se trouvait la mercerie "Thérèse Raquin", où s’est joué le drame dont il est ici question. Née en Algérie d’une indigène et d’un soldat français, Thérèse a été confiée par son père à la sœur de ce dernier trop tôt pour avoir gardé quelque souvenir de ses parents biologiques, tous deux défunts. Elle a ainsi été élevée avec son cousin Camille, enfant maladif et surprotégé par sa mère, préfigurant l’adulte malingre à l’esprit inquiet et mesquin qu’il allait devenir. A l’inverse, Thérèse a toujours été de santé robuste, sujette à des emportements qu’elle a dès son plus jeune âge naturellement réfrénés afin de ne pas troubler le calme mortifère de la chambre à l’air tiède et nauséabond dans laquelle elle a gran...

"Amiante" - Sébastien Dulude

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"La saison avait sécrété tous ses sucs. Le lourd feuillage des arbres bruissait de nonchalance, la faune était grasse. Tout semblait recouvert d’une infime brume de lait. Les vapeurs légères de nos corps transitaient dans l’air, échangées contre les caresses de la brise. La mine se taisait." Au mi-temps de la décennie 1980, Thetford Mines est la ville phare de l’industrie de l’amiante québécoise, activité qui non seulement sculpte son paysage, mais peut aussi déterminer la manière dont on y vit, dont on y souffre, dont on y joue. Chaque jour de la semaine à 16 heures précises, la sirène de la mine hurle la fin de la journée de travail en même temps que le moment de la faire exploser pour élargir son cratère. Ses montagnes de résidu rocheux, ses collines de poudre grise et de gravier à la fois doux et coupant, sont le terrain de jeu de Steve et de ses camarades. A environ une heure de pédales, l’un de ses terrils (on les appelle ici des dompes) abandonnés, cimetière de pneus d...

"Nos insomnies" - Clothilde Salelles

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"Une partie de mon enfance se déroula dans une ambiguïté fondamentale : à ne pas savoir si mon père était ou non de l’autre côté de la cloison." Essonne, années 1990. Un espace urbain en voie d’expansion, les projets de construction de lotissements grignotant peu à peu les résidus de verdure. Le quotidien y est délimité et calfeutré, les extérieurs souvent déserts. Aucun lien solide n’en soude les habitants, que l’on reconnaît à leurs voitures. Malgré les envies de départ, personne ne semble quitter cette banlieue, que ses voies de passage -le RER vers Paris, le chemin devant la maison, la départementale menaçante…- isolent plus qu’elles ne l’ouvrent à l’ailleurs. C’est là qu’est la maison. Ses habitants sont innomés, ramenés à leur place dans la composition familiale : "la mère", "le père",  "les jumeaux" et le "je", tout aussi anonyme, de la fille aînée, âgée de huit ans au début du récit. La maison abrite un secret, qui est aussi un ...

"Sarek" - Ulf Kvensler

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"Je savais que je n’aurais plus jamais chaud." Repéré sur les blogs de Kathel , Alexandra et Violette , j’ai fourré au dernier moment ce titre dans ma valise, puisqu’il y est question de randonnée en montagne, et que cela correspondait à mon propre programme de vacances… Sauf que ce n’est pas dans le sud d’un Vercors aux températures clémentes et au dénivelé raisonnable que s’aventurent les personnages d’Ulf Kvensler, mais dans le nord de la Suède. Au moment où débute le récit, la randonnée est terminée. Anna Samuelsson, l’une des marcheuses, retrouvée par les secours en partie inconsciente et portant des marques de strangulation dans le cou, a été hospitalisée. Elle est auditionnée par un agent de police qui tente de faire la lumière sur les événements à l’origine de cette issue tragique. Son témoignage, détail des évènements ayant jalonné la randonnée, alterne avec l’évocation de souvenirs qui éclairent peu à peu le contexte et les enjeux relationnels qui les ont déterminé...

"Territoires" - Olivier Norek

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"Nous sommes le paillasson de Paris." Où l’on retrouve Victor Coste, rencontré dans "Code 93", ainsi que son équipe de choc : Ronan et ses airs de "mauvais garçon", Sam, génie informatique et des nouvelles technologies plus à l’aise derrière un écran que sur le terrain, et Johanna, la dernière arrivée, dont le physique d’armoire à glace abrite sensibilité et finesse d’esprit. L’action se déroule à Malceny, ville fictive dont la ressemblance avec certaines communes de Seine-Saint-Denis est totalement volontaire… plaque tournante de la drogue pour l’Ile-de-France, elle concentre dans ses cités d’immeubles décrépis et insalubres voués à la destruction une population majoritairement immigrée, casée là par la municipalité. C’est un monde clos et sous pression, où la pauvreté et l’exclusion condamnent à rester. Une seule loi y règne, celle du trafic, à laquelle même les plus innocents n’ont d’autre choix que de se soumettre. Alors que la brigade des stupéfiants ...

"Pantagruel" - François Rabelais

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"Quand tu mettras ton nez dans mon cul, dit panurge, n’oublie pas d’enlever tes lunettes." Pour ce troisième rendez-vous de la Saison 6 des "Classiques fantastiques", Moka nous invitait à lire un titre figurant dans les programmes français du baccalauréat ou de l’agrégation, sections lettres ou philosophie. Le "Pantagruel" de Rabelais, écrit en 1532, figure dans le second (Lettres Classiques), et était également présent, par un heureux hasard, dans l’une de mes piles (celle que je garde pour ma retraite, qui compte entre autres une édition quarto Gallimard bilingue regroupant Les cinq livres des faits et dits de Gargantua et Pantagruel). J’ai entamé ce texte un peu intimidée, et avec quelque appréhension quant à son accessibilité… j’ai vite été rassurée, notamment grâce au travail des traducteurs qui ont converti la langue de Rabelais en français moderne. Sans doute ai-je lu, à l’occasion de mon cursus scolaire, des extraits de Pantagruel ou de Gargantua, ...