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LIRE (SUR) LES MINORITES ETHNIQUES

"Les nuits que l’on choisit" - Elise Costa

"La justice n’est-elle pas là pour empêcher les hommes de devenir fous ?" Elise Costa est chroniqueuse judiciaire du magazine en ligne Slate.fr et auteure du podcast "Fenêtre sur Cour" diffusé sur Arte Radio. Son credo, c’est le très long format. Le récit s’appuie sur des affaires qu’elle a suivies, dont certaines, très médiatisées, parleront forcément au lecteur. Elle aborde ainsi ses méthodes de travail, leur aspect matériel et anecdotique – les trajets en train qui cassent le dos et les lits d’hôtels miteux, son format préféré de bloc-notes…- mais aussi et surtout la démarche, intellectuelle et morale, qui les définit. L’expression de sa difficulté à trouver ses amorces est révélatrice de l’objectif qui oriente ses écrits, cette obsession à trouver où et à quel moment " ça a commencé ", puisqu’un procès n’est jamais que la conclusion d’une histoire qui a débuté bien avant. Telle une archéologue des existences, elle traque dans celle des acteurs du drame

"Comme des bêtes"- Violaine Bérot

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"Des enfants qui naîtraient dans la montagne sans être déclarés ? Je vous dirais pas que c'est impossible, vu qu'ici rien n'est impossible, c'est un peu une terre d'expérimentation (...)." C’est un texte dont le contenu est comme livré à l’état brut. On comprend assez vite lire une succession de témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête. On est à Ourdouch, un coin de montagne où cohabitent gens du cru et citadins en quête de retour aux sources, fils de bourges ou marginaux fuyant qui une famille, qui un système, et où tous finissent par avoir la même allure avec leurs pulls en laine, leurs grosses chaussures, leurs cheveux hirsutes et leurs peaux tannées par le soleil. Les auditions tournent autour de L’Ours, jeune homme qui doit ce surnom porté depuis l’enfance au fait qu’il n’a pas de père -une tradition, dans la Vallée- mais aussi parce qu’avec sa force impressionnante, ses pattes trapues et ses grognements, il le porte à merveille. L’Ours est

"Pulp" - Charles Bukowski

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"Prenez les stars de cinéma par exemple, on leur retape le visage avec la peau des fesses. (…) Du coup, ces stars finissent leur existence avec une tête de cul." Autant l’annoncer d’emblée : si je n’avais pas lu ce titre dans le cadre de l’hommage à Goran proposé cette année par Madame Lit , j’aurais très vite jeté l’éponge ! Je n’ai pas découvert Charles Bukowski à cette occasion. J’ai en effet lu il y a quelques années ses "Contes de la folie ordinaire" et " Journal d’un vieux dégueulasse " qui, s’ils m’ont souvent agacé par leur grossièreté et leur misogynie, n’en sont pas moins dotés d’une poésie -dans le genre abrupt- et d’une sincérité qui ont fini par me séduire. "Pulp", dont le synopsis m’avait pourtant mise de bonnes dispositions, ne m’a même pas divertie… L’avantage, avec Charles Bukowski, c’est qu’on sait de suite où l’on est, c’est-à-dire dans l’envers du politiquement correct. Pas de ronds-de-jambe ni de fioritures, dès les première

"Le carnaval des ombres" - R.J. Ellory

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"Peut-être que la seule chose prévisible dans la vie était son imprévisibilité inhérente." Portée par l’enthousiasme suscité par ma lecture récente de "Le chant de l’assassin", je n’ai pas hésité une seconde lorsque je suis tombée sur un autre roman de R.J. Ellory lors d’une flânerie en bouquinerie. Malheureusement, l’expérience a cette fois été moins concluante… Michael Travis est un jeune trentenaire en pleine ascension professionnelle. Depuis huit ans au FBI, il y a intégré une cellule expérimentale, qui s’intéresse à la psychologie de l’esprit criminel. Nous sommes en 1958, et la science comportementale dans le domaine judiciaire en est à ses balbutiements. La première mission qu’on lui confie en tant que responsable le mène à Seneca Falls, où vient de s’installer un cirque ambulant composé d’individus auxquels leurs difformités diverses confèrent des allures surréalistes et perturbantes, et créent une atmosphère par leur simple présence. Un homme a été retrouvé

"Kamik" - Markoosie Patsauq

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"Le monde peut vous donner de belles choses à voir tout en vous faisant mourir de faim." L’intérêt de l’ouvrage réside autant -et même plus, en ce qui me concerne- dans ce que nous apprennent les addendas à l’œuvre elle-même (la préface, les explications sur la traduction et le "Mot de l’auteur") que dans les qualités littéraires de cette dernière. Je dois en effet avouer avoir eu du mal à m’impliquer dans ce récit que sa brièveté et son extrême simplicité m’ont fait paraître expéditif. On y suit Kamik, seize ans, et les dramatiques événements qui vont le faire brutalement devenir adulte.  Cela débute par l’attaque d’un ours blanc qui s’en prend au campement du clan dont Kamik et sa famille font partie. Rapidement, les hommes du groupe décident de traquer l’animal -qui s’est enfui après avoir été blessé à la patte-, ce dernier représentant une menace. De telles attaques sont en effet inhabituelles, et sont généralement perpétrées par des bêtes que les vers ont rendu

"Au-dessous du volcan" - Malcolm Lowry

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"Bon Dieu, si notre civilisation devait dessoûler deux jours de suite, le troisième elle crèverait de remords." Comment convaincre de lire le roman de Malcolm Lowry alors qu’il faut bien, sans doute, avertir le lecteur quant à la dimension d’abord rétive du texte, évoquer l’opposition entre le minimalisme de son intrigue et la lenteur inversement proportionnelle avec laquelle elle se déroule ? Comment rendre ne serait-ce qu’une part de son infinie richesse et de sa virtuosité ? Comment exprimer la manière dont il vous prend aux tripes en même temps qu’il vous enlace de la sombre beauté de ses improbables circonvolutions ? Le premier des douze chapitres (qui compte une centaine de pages), nous emmène dans la ville mexicaine de Quauhnahuac, qui comme chaque année en ce jour de 1939, fête ses morts. Nous y suivons Jacques Laruelle, un producteur de films français, au gré de ses pensées et des réminiscences que suscite le spectacle des festivités. Livrées sur le vif, avec leurs e

"Ciel cruel" - Herbjørg Wassmo

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"La vie étai ainsi faite : le pire mal le qu’on puisse se faire les uns aux autres ne laisse jamais aucun gagnant." C’est avec un pincement au cœur que j’ai laissé Tora à l’issue de la lecture du dernier volet de la trilogie dont elle est l’héroïne. Pour résumer l’opus précédent sans trop en dévoiler, Tora a quitté son île du nord de la Norvège pour aller étudier sur le continent. Elle a ainsi laissé derrière elle un beau-père alcoolique et maltraitant, et une mère trop épuisée, trop recroquevillée sur son sentiment d’infériorité pour s’apercevoir de quoi que ce soit. Traumatisée par ce qu’elle a subi, Tora dérive vers la folie, son mutisme et son apparente indifférence au monde dissimulant des angoisses obsessionnelles et un profond mal-être s’exprimant notamment à l’occasion de cauchemars aussi prégnants qu’effroyables. C’est une fois de plus la tante Rakel qui prend les choses en main en lui rendant visite, inquiète du silence de sa nièce et de son refus de rentrer à Vaere