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"Les saisons de la nuit" - Colum McCann

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"Qu'est-ce que ça fait d'être vivant ? Ça me plairait, tu crois ?" C’est l’histoire de ceux qui bâtissent la ville, mais l’habitent en ses lieux les plus sordides, les plus rudimentaires, et en subissent la violence. C’est en 1916 que nous faisons la connaissance de Nathan Walker, qui travaille dans ses tréfonds, venu de sa Géorgie natale pour creuser le tunnel ferroviaire qui reliera, sous l’East River, l’île de Manhattan à Brooklyn. Là, sous le fleuve, entre ces forçats du limon qu’on appelle les "gadouilleux" et qui, travaillant sous air comprimé, sont quotidiennement soumis au risque de la maladie des caissons, règne la démocratie d’une obscurité qui occulte les couleurs de peau. La dureté du travail est par ailleurs la même pour tous, irlandais, Polacks, Ritals ou, comme Walker, noirs. A dix-neuf ans, c’est un grand gaillard athlétique qui impressionne par son aisance physique.  En plus de Walker, l’équipe compte Vanucci, un grand italien filiforme qui ...

"La cavale du Dr Destouches"- Christophe Malavoy & Paul et Gaëtan Brizzi

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"Oh maintenant, compromis à fond... Ennazifiés jusqu'à la glotte... Et alors ?... Faut jamais se montrer difficile sur les moyens de se sauver de l'étripade…" En octobre, Moka nous invitait, dans le cadre de la sixième édition des Classiques fantastiques, à se pencher sur la vie de château. Sortir de mes étagères où il dormait depuis des années, le roman de Louis-Ferdinand Céline, D’un château l’autre, était donc une évidence. Mais après cinquante pages d’une lecture rendue pénible par l’aigreur hargneuse et redondante qui caractérise le texte, j’ai jeté l’éponge. Je me suis alors souvenue d’une adaptation graphique acquise il y a quelques années... Plus précisément, "La cavale du Dr Destouches" s’inspire librement de la trilogie célinienne qui regroupe, en plus de D’un château l’autre, Nord et Rigodon. 1944. Les troupes américaines progressent inéluctablement vers Paris, régulièrement bombardé par la RAF. Ça sent le roussi pour l’occupant et ses sympathisan...

"Chronique des jours de cendre" - Mia Couto

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"- Il existe deux types de Noirs : les chaussés et les Noirs." J’ai découvert Mia Couto avec " L’accordeur de silences ", qui m’avait envoutée par sa langue évocatrice et son étrange atmosphère. Le Mois Africain de Jostein et une proposition de lecture commune de Nathalie ont constitué une double occasion de le retrouver. Ça n’a pas très bien commencé, à vrai dire... Mon premier choix s’est porté sur Terre somnambule, dont la dimension énigmatique -symbolique ?- m’a rapidement découragée. Et je dois avouer que, par précaution, mon second choix a essentiellement été dicté par la brièveté de l’ouvrage… par chance, ça a cette fois été une bonne pioche ! 1974, dans le village mozambicain de Moebase, perdu en pleine brousse. Les blancs y sont rares. Parmi eux, Lourenço de Castro qui, comme son père avant lui, est inspecteur de la PIDE, la police politique de Salazar. Un père dont la mort est à l’origine d’un traumatisme : alors qu’il précipitait des prisonniers du haut d...

"Mythologie du .12" - Célestin de Meeûs

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"Les grandes fenêtres bleues renvoyaient les rayons obliques du soleil et l’asphalte du parking fondait, formant de petites flaques de goudron noir, nauséabondes, auréolées de halos jaunes, verts et violets (…)"   Célestin de Meeûs, dans ce texte à la langue aussi souple que précise, fait se rejoindre deux trajectoires que les circonstances vont rendre antagonistes. Celle de Théo est une trajectoire à venir. Il est à l’aube de sa vie d’adulte. Les résultats du Bac, qu’il vient de passer, décideront de sa poursuite d’études ou de son entrée dans la vie professionnelle. Il préfère pour l’instant éviter de faire des plans sur la comète, même s’il se prend à rêver de départ. En attendant, c’est le premier jour de l’été, plus précisément un début de soirée. Il est avec son pote Max sur le parking d’un centre commercial où ils fument des joints et enchainent les bières avant de rouler au hasard, Max racontant avec fanfaronnade sa beuverie de la veille. Théo l’écoute d’une oreille d...

"Les mandragores" - Marius Degardin

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"Moi, j’ai un petit problème avec l’amour. Je m’en méfie comme des prêtres." Une partie de la fratrie Cipriani vit dans les vestiges du restaurant que tenaient leurs parents à Paris, l’ Amore e Gusto . La mère les a élevés à coup de claques et de galères avant de se faire la malle, dix ans auparavant, et le père n’a quant à lui plus donné de nouvelles depuis la naissance de son benjamin, qu’il a tout de même pris le temps de baptiser Benito, ayant viré fasciste depuis sa participation à la Guerre d’Algérie.  Benito, qui préfère se faire appeler Benoît, est le narrateur. Il vient juste d’avoir dix-huit ans, et de louper sa tentative de suicide. Il vit avec sa sœur Chiara, une hyper sensible rebelle qui ne supporte pas l’injustice, aide-soignante à la maternité et affublée d’un bec de lièvre, et son frère Piero, musicien dans un lupanar. Piero est aveugle -sans doute une conséquence de l’alcool dans lequel il a baigné pendant neuf mois-, ce qui ne l’empêche pas de peindre des b...

Petite pause...

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 En grand week-end avec les copines, je validerai vos commentaires à mon retour !

"Au soleil couchant" - HWANG Sok-yong

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"Dans cent ans, en effet, quasiment tous ceux qui cohabitent aujourd’hui sur cette terre auront disparu. Le monde sera peuplé de têtes nouvelles. Les architectes, eux, ont une consolation : ils laissent des constructions derrière eux. Mais ce qu’ils laissent, ce peut n’être rien d’autre qu’une figure hideuse de la cupidité." La vie de Park Minwoo est un exemple de réussite sociale. Issu d’un milieu modeste, fils d’un obscur fonctionnaire de mairie, il est aujourd’hui le directeur d’un célèbre cabinet d’architecture de Séoul, à la tête de plus d’une centaine de collaborateurs. Il a plus précisément grandi dans la ville de Yeongsan où sa mère, contrainte de subvenir à leurs besoins suite à un accident cérébral ayant rendu son père invalide, avait monté un petit commerce de pâtes de poissons. Les habitants du quartier de son enfance, qui tiraient le diable par la queue, vivaient d’expédients et dans des conditions très rudimentaires, ne disposant pas toujours de l’eau courante. ...