"Plage de Manacorra, 16h30" - Philippe Jaenada
« Les gens sont mystérieux et fascinants » (Ph. Jaenada)
C’est à Peschici, petit village italien, que Voltaire, sa femme Oum et leur fils Géo sont venus passer leurs vacances en cet été 2007. Au matin du troisième jour de leur arrivée, un gigantesque incendie de forêt se déclare à proximité de leur villégiature, les obligeant à prendre la fuite, en compagnie de dizaines d’autres touristes menacés par les flammes.
Je me réjouissais de découvrir le nouveau roman de ce chouchou des chats. Et je n’ai pas été déçue. Je dirais même que c’est pour moi l’un des meilleurs Jaenada que j’ai lus à ce jour. En effet, autant dans certains de ses romans quelques passages m’ont paru un peu longs, autant j’ai dévoré celui-là. Certes, il est court, mais précisons qu’il parvient à nous tenir en haleine avec un récit se déroulant sur une huitaine d’heures pendant lesquelles les protagonistes fuient un feu de forêt… Ceci dit, –et ses lecteurs le savent bien-, c’est là que réside tout le talent de Jaenada : ce ne sont pas les événements qui ont de l’importance dans ses romans, mais le regard qu’il porte sur les situations, sur les comportements des individus qui doivent y faire face, et toutes les pensées, pêle-mêle, que cela lui inspire. Et comme d’habitude, c’est d’une inimitable drôlerie !
On pourrait se dire qu’il paraît difficile, au premier abord, de faire rire avec un tel thème, d’autant que l’auteur porte sur la nature humaine un regard lucide qui ne l’épargne pas. Et pourtant, il ne donne à aucun moment l’impression de vouloir dénoncer les bassesses ou les lâchetés que peuvent révéler le genre de situation dans laquelle se retrouvent les protagonistes. Il se contente de décrire les gens tels qu’ils sont, sans complaisance mais sans mépris ni amertume non plus. Et finalement, son regard nous amène même à considérer nos semblables –et donc nous-mêmes- avec un certain attendrissement, parce que Jaenada sait que l’homme n’est pas parfait, mais malgré tout, il le fascine et l’émeut. Et s’il sait ne pas se voiler la face concernant cette imperfectibilité, c’est sans doute parce qu’il s’inclut lui-même dans ce grand ensemble qu’est l’humanité, qu’il sait s’accepter et accepter ses proches avec leur défauts, et surtout en rire, toujours…
En effet, le héros a beau se prénommer cette fois Voltaire, j’ai eu le sentiment de retrouver le Halvard du « Chameau sauvage » ou le Hector du « Cosmonaute ». D’un récit à l’autre, ces personnages ont de nombreux points communs (ne serait-ce que le mythique chat Spouque), et surtout, ils font preuve de ce ton drôle et unique, de cette façon d’accorder de l’importance à des détails, pour se moquer comme de l’an 40 de ce qui, pour d’autres, serait capital.
Et je devine que derrière ces héros à la fois ordinaires et pourtant si remarquables, c'est Philippe Jaenada qui "se cache", ce qui me le rend irrémédiablement et définitivement sympathique !
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