LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Chlorophylle & Bêtes de villes" - Nicolas Gilsoul

De quoi en prendre de la graine…

Voici donc la suite des aventures éco-urbaines de Nicolas Gilsoul. Comme son titre l’indique, ce deuxième opus ajoute à l’observation des espèces animales celle d’un autre vivant tout aussi capital : le végétal, et démontre surtout que les deux sont indissociables.

Cette fois encore, nous parcourons l’ensemble des continents en un tour du monde aussi instructif que réjouissant.

La formule qui pourrait définir chacune des courtes séquences du recueil est TOUT EST LIE, formule dont le premier texte est quasi emblématique, où il est question de l’histoire d’un serpolet qui est inévitablement celle du papillon azuré, qui est forcément celle d’une certaine fourmi rouge, qui est obligatoirement celle du lièvre... Et la relation qui unit les fleurs et les plantes aux insectes, oiseaux, et autres animaux ne se limite pas à un simple rapport de consommateurs à garde-manger. Le monde végétal met en place de multiples et incroyables stratégies pour communiquer avec les bêtes, les séduire ou les repousser, les recruter comme jardiniers… le tout formant une relation donnant-donnant ; chacun y trouve son compte et participe ainsi au maintien de l’ordre aussi mystérieux qu’extraordinaire qui préside à tout écosystème, que ce dernier se déploie en pleine forêt ou sur un bout de trottoir, et qu’y œuvrent des raretés animales/végétales ou des espèces communes -du moins à nos yeux réducteurs d’humains-, Nicolas Gilsoul ne s’abaissant à aucune tentation de hiérarchisation, se passionnant tout autant pour la différence entre pissenlit des villes et pissenlit des champs que pour l’avenir du perroquet Kéa de Nouvelle-Zélande.

Dans ces histoires de collaboration les parfums jouent un grand rôle, mais aussi les couleurs, les bruissements… tous les moyens sont bons pour attirer le papillon et l’abeille, ou pour appeler le bourdon à l’aide en cas d’attaque de chenilles, comme le fait le maïs (à condition qu’il ne soit pas transgénique).

Tout est finalement une question de survie, de perpétuation, la géométrie des villes participant parfois de certains de ces processus. Ainsi, les canyons formés par les immeubles créent des masses d’air faisant voyager les graines, ajoutant ce mode de transport à la pléthore de ceux déjà imaginés par le royaume végétal : fourmis-taxis, oiseaux-semeurs ou moutons-autobus, harponnages et feux d’artifice…

L’inventivité et la coopération employées par toutes ces espèces, tout comme leurs facultés d’adaptation, sont prodigieuses. Et s’adapter est vital, notamment face à la dévastation environnementale imputable à l’homme.

Déforestation, changement climatique, utilisation des pesticides réduisent voire éradiquent certaines espèces végétales ou animales, avec des réactions en chaine impactant tout un milieu. La sagesse et l’humilité voudrait que l’homme respecte et suive les mécaniques complexes à l’œuvre dans le monde naturel, et qui lui sont non seulement profitables mais indispensables à sa propre survie. Au lieu de ça, obsédé par sa volonté de contrôle et de possession, il détruit, transforme, accapare, décide de ce qui est nécessaire ou superflu, selon ses propres critères esthétiques et, surtout, de rentabilité. Il est ainsi question dans l’ouvrage des conséquences de notre gestion du débit de l’eau ou de l’introduction d’espèces étrangères sur des territoires qu’elles déséquilibrent, des plantes méprisées dont certaines, finalement jugées fort utiles, sont soudain réhabilitées. Certaines des forêts qui jouxtent nos villes sont quant à elles atteintes de burn-out, sommées de répondre à la double mission d’accueil des visiteurs et d’approvisionnement en bois, et servant en sus de dépotoirs aux artisans réticents à payer pour se débarrasser de leurs déchets de chantiers ou aux particuliers pris par la flemme à l’idée de se rendre à la déchetterie pour y déposer leur vieux lave-linge.

Le ton facétieux de Nicolas Gilsoul, qui conclue à la manière d’un La Fontaine chacun de ses petits concentrés de science naturelle d’une brève "morale" pleine d’humour et de bon sens, rend la lecture néanmoins légère et surtout passionnante. L’anecdotique s’y mêlant sans cesse au savoir, "Chlorophylle & Bêtes de villes" vous instruit notamment sur les records du nombre de battements d’ailes à la minute ou du rapport poids/kilomètres parcourus pendant une migration (celui du papillon monarque : un demi gramme pour 4800 kilomètres !), ou vous apprend comment un lézard a tenu tête à Elon Musk. 

Et puis, en ce qui me concerne, rien que lire les jolis noms de ces fleurs et plantes -eragrostis faux pâturin, pariétaire des murs, renouée des oiseaux, bec de grue…- aurait je crois suffit à mon plaisir !


Un autre titre pour découvrir Nicolas Gilsoul : Bêtes de villes


Commentaires

  1. Ton billet est plus détaillé que le mien, je me suis contentée d'apprécier fortement l'écriture de l'auteur, il pourrait me lire le bottin, ça m'amuserait! A h oui, cette histoire avec elon Musk!

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    1. Comme toujours avec les lectures communes, nos avis se complètent, tu as de ton côté davantage évoqué l'aspect "urbain" du recueil, tu es bien dans le thème !

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  2. Comme le précédent, ce titre a tout pour me plaire. Mais à la bibliothèque, il n'y a que "Peurs bêtes" de cet auteur, sans doute pas mal aussi.

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    1. Oui, celui-là me tente aussi... ce sont des lectures très plaisantes, faites de courts épisodes qui nous apprennent souvent des choses incroyables y compris sur des espèces qui nous sont familières. Et puis le ton de l'auteur, qui aime les jeux de mots et se montre souvent facétieux, est un régal.

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  3. Ah, une lecture commune qui sort des sentiers battus. Tu es aussi enthousiaste de Keisha. Ma bibli proposent Bêtes de villes et Désir de villes du même auteur

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    1. Ah, c'est la première fois que j'entends parler de "Désir de villes", mais vu le titre, c'est une idée à noter pour la prochaine édition des lectures urbaines !

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  4. Je me le garde pour l'année prochaine ...
    Depuis que mon quartier a été refait (plus de trottoirs, remplacés par de gros cailloux, des arbres plantés sur la chaussée pour faire ralentir les voitures), on observe encore mieux cette migration des graines, qui vont d'un côté et de l'autre des rues, végétalisant les cailloux selon le sens du vent ... C'est assez réjouissant.

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    1. Oui, il montre qu'il ne faut souvent pas grand-chose pour que la nature reprenne, dans une certaine mesure, ses droits.. tu avais apprécié le premier opus, alors celui-là te plaira aussi, on y retrouve le même ton, et le même genre d'anecdotes passionnantes.

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  5. C'est vrai que ces noms de plantes sont un vrai ravissement... plus les plantes sont modestes, plus elles ont de jolis noms ! J'aime bien que l'auteur démontre que tout est lié.
    Je lirais bien ce deuxième opus après avoir été passionnée par Bêtes de ville (si mes biblis l'avaient !)

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    1. Ca viendra peut-être, il est sorti en poche depuis un moment maintenant...

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  6. Ma bibliothèque a "Bêtes de ville" et "désir de ville". De quoi déjà découvrir son écriture. Vous en dites du bien Keisha et toi.

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    1. Fréquenterais-tu la même bibliothèque que Doudoumatous ?! A lire oui, et ce format en succession de courts épisodes fait qu'on peut aussi le "picorer"...

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  7. Je ne lis pas ce genre de livres, pas par manque d'intérêt, mais par manque de temps. Je préfère regarder des documentaires sur la nature à la télé après le repas de midi...et souvent, je m'endors !

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    1. Les documentaires TV, c'est bien aussi ... mais un peu soporifique alors ? :)

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  8. J'adore ce genre d'ouvrages très instructifs qui mêlent anecdotes et savoir, le tout avec humour. Un auteur qui vaut visiblement le détour.

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    1. Oui, je vais me renseigner sur ses autres ouvrages, j'aime beaucoup aussi m'instruire de manière aussi ludique.

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  9. J'adore ce genre de petites informations qui en disent long sur la beauté de la nature et qui devraient nous pousser à un peu d'humilité devant tant d'intelligence...

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    1. C'est sûr, et au lieu de ça, on fait preuve d'une suffisance et d'une bêtise délétères, c'est assez désespérant... Mais l'ouvrage ne l'est pas !

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  10. je sais que je dois revenir sur mon avis , j'avais commencé son premier livre sans accrocher , je crois quej'ai eu tort.

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    1. L'avantage, c'est que tu n'es pas obligée de tout lire d'une traite... tu peux te contenter d'y piocher une séquence de temps en temps.

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  11. Keisha m'avait déjà tenté avec un autre titre de l'auteur et là vous enfoncez le clou toutes les deux ! Le problème est que cet auteur est totalement inconnu de mes deux médiathèques, dommage, je l'ai mis en pense-bête dans Babelio pour ne pas l'oublier, je verrai plus tard si je le trouve en poche ou par un autre moyen.

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    1. J'ai aussi lu celui avec lequel Keisha t'as tentée, et je recommanderais d'ailleurs de commencer par celui-là... je m'étonne de l'absence de ces ouvrages, parus en poche, dans les bibliothèques..

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