"America" - T.C. Boyle
Rêve américain.
Dans "America", T.C. Boyle met en relation deux mondes qui s’affrontent et s’opposent. Nord contre Sud, riches contre pauvres, blancs contre basanés… peu importe l’angle sous lequel on aborde cette confrontation, les différences entre les deux communautés restent insurmontables, et les gagnants en sont toujours les mêmes.
Candido et America, eux, représentent les perdants. Originaires d’un village mexicain, ils sont passés clandestinement aux États-Unis, où ils campent plutôt qu’ils ne vivent au bord d’un ruisseau longeant un canyon aux alentours de Los Angeles. America, âgée de dix-sept ans seulement, est enceinte. Non loin de leur campement sommaire, se tient le domaine de l’Arroyo Blanco, quartier résidentiel de "standing" pour riches américains lassés de la trépidation et de l’insécurité du centre ville, qui veulent se préserver des tagueurs, des tueurs de gangs et des voleurs de voitures.
C’est là que vit Delaney, quadragénaire "bon teint" qui pratique le jogging, ne boit que dans les réceptions, veille à limiter sa consommation de graisse animale, trie ses déchets, pleure à l’idée des espèces en voie de disparition… Delaney, aux sympathies démocrates, qui se sent profondément humaniste et tolérant. Il est d’ailleurs l’un des seuls à protester contre le projet de pose d’un portail à l’entrée du domaine de l’Arroyo Blanco, censé protéger les 4X4, le matériel Hi-Fi et autres tapis d’Orient des résidents, projet qu’il qualifie d'antidémocratique et de réactionnaire.
Les belles convictions de Delaney vont être ébranlées à partir du jour où, ayant blessé accidentellement Candido en le heurtant avec son véhicule, il va s’ensuivre une série d’événements qui vont mener au désastre…
J’avais bien été prévenue ici, qu’ "America" est un roman très noir, mais cela ne m’a pas empêchée d’être effectivement atterrée par la dureté et le désespoir qui en émanent.
Les conditions de vie, tout d’abord, des immigrés clandestins, sont effroyables, et pire, la façon dont ils sont traités par les habitants du pays qui les accueillent –bien qu’involontairement-, est révoltante.
Force est de constater à quel point les individus qui ont eu la chance de naître dans un pays ou un milieu privilégié, se montrent incapables d’une quelconque compréhension, pour ne même pas parler de générosité, envers les plus démunis. Au contraire, ils profitent de la situation pour les exploiter, les faisant travailler pour une misère, n’hésitant pas à faire appel ensuite aux services de l’immigration pour les renvoyer chez eux dès qu’ils n’ont plus besoin de leurs services. L’auteur nous fait bien comprendre l’amère ironie de cette situation, par des exemples éloquents : ce sont des immigrés clandestins, notamment, qui sont chargés de bâtir le mur censé protéger la résidence où vit Delaney de leur propre intrusion...
Là où T.C. Boyle va plus loin, à mon sens, c’est en testant, en quelque sorte, la sincérité et la solidité des principes dont se prévalent les soi-disant humanistes. Il semble vouloir démontrer que même doté des meilleures intentions, lorsque l’homme doit mettre à l'épreuve la sincérité des dits principes, ces derniers ne font pas long feu. Ainsi Delaney, qui pour une voiture volée, oublie bien vite ses préceptes de tolérance…
Candido et America, eux, représentent les perdants. Originaires d’un village mexicain, ils sont passés clandestinement aux États-Unis, où ils campent plutôt qu’ils ne vivent au bord d’un ruisseau longeant un canyon aux alentours de Los Angeles. America, âgée de dix-sept ans seulement, est enceinte. Non loin de leur campement sommaire, se tient le domaine de l’Arroyo Blanco, quartier résidentiel de "standing" pour riches américains lassés de la trépidation et de l’insécurité du centre ville, qui veulent se préserver des tagueurs, des tueurs de gangs et des voleurs de voitures.
C’est là que vit Delaney, quadragénaire "bon teint" qui pratique le jogging, ne boit que dans les réceptions, veille à limiter sa consommation de graisse animale, trie ses déchets, pleure à l’idée des espèces en voie de disparition… Delaney, aux sympathies démocrates, qui se sent profondément humaniste et tolérant. Il est d’ailleurs l’un des seuls à protester contre le projet de pose d’un portail à l’entrée du domaine de l’Arroyo Blanco, censé protéger les 4X4, le matériel Hi-Fi et autres tapis d’Orient des résidents, projet qu’il qualifie d'antidémocratique et de réactionnaire.
Les belles convictions de Delaney vont être ébranlées à partir du jour où, ayant blessé accidentellement Candido en le heurtant avec son véhicule, il va s’ensuivre une série d’événements qui vont mener au désastre…
J’avais bien été prévenue ici, qu’ "America" est un roman très noir, mais cela ne m’a pas empêchée d’être effectivement atterrée par la dureté et le désespoir qui en émanent.
Les conditions de vie, tout d’abord, des immigrés clandestins, sont effroyables, et pire, la façon dont ils sont traités par les habitants du pays qui les accueillent –bien qu’involontairement-, est révoltante.
Force est de constater à quel point les individus qui ont eu la chance de naître dans un pays ou un milieu privilégié, se montrent incapables d’une quelconque compréhension, pour ne même pas parler de générosité, envers les plus démunis. Au contraire, ils profitent de la situation pour les exploiter, les faisant travailler pour une misère, n’hésitant pas à faire appel ensuite aux services de l’immigration pour les renvoyer chez eux dès qu’ils n’ont plus besoin de leurs services. L’auteur nous fait bien comprendre l’amère ironie de cette situation, par des exemples éloquents : ce sont des immigrés clandestins, notamment, qui sont chargés de bâtir le mur censé protéger la résidence où vit Delaney de leur propre intrusion...
Là où T.C. Boyle va plus loin, à mon sens, c’est en testant, en quelque sorte, la sincérité et la solidité des principes dont se prévalent les soi-disant humanistes. Il semble vouloir démontrer que même doté des meilleures intentions, lorsque l’homme doit mettre à l'épreuve la sincérité des dits principes, ces derniers ne font pas long feu. Ainsi Delaney, qui pour une voiture volée, oublie bien vite ses préceptes de tolérance…
Fait-il preuve d’une réelle mauvaise foi ou s’agit-il simplement d’une méconnaissance de soi ? L'évolution de son mode de pensée se fait assez subrepticement : il ressent une sorte de malaise latent, sur lequel il ne parvient pas à mettre de mots. En tout cas, à aucun moment il n’effectue de remise en question consciente face à la faiblesse de ses convictions, qu'il abandonne avec une relative facilité.
Dans une société où le bonheur se mesure à la taille de votre maison ou au modèle de votre voiture, la compassion et le partage ne sont que de belles valeurs théoriques qui s'avèrent trop contraignantes… L’ironie de la situation voulant que ce soit ce modèle qui fait rêver les migrants et leur fait traverser les frontières au péril de leurs vies !
S'autoprotéger, tout aseptiser, cacher la misère, telles sont les impératifs de ce monde d'apparences où l'on se soucie davantage de la mort d'un chien que de celle d'un homme, où l'on s'émeut tout autant de la ligne d'une auto que de la beauté de la nature !
Dans une société où le bonheur se mesure à la taille de votre maison ou au modèle de votre voiture, la compassion et le partage ne sont que de belles valeurs théoriques qui s'avèrent trop contraignantes… L’ironie de la situation voulant que ce soit ce modèle qui fait rêver les migrants et leur fait traverser les frontières au péril de leurs vies !
S'autoprotéger, tout aseptiser, cacher la misère, telles sont les impératifs de ce monde d'apparences où l'on se soucie davantage de la mort d'un chien que de celle d'un homme, où l'on s'émeut tout autant de la ligne d'une auto que de la beauté de la nature !
C'est sans concession, ainsi que vous l'aurez compris, que T.C. Boyle dépeint la rencontre de ces deux mondes entre lesquels aucune communication ne semble envisageable. On ne peut s'empêcher, à la lecture de ce roman, de s'interroger sur la propre validité de nos beaux principes : que deviendraient-ils, confrontés à la sordide réalité, quand l'objet de notre humanisme n'est plus un individu imaginaire, mais un pauvre, en chair et en os, qui ne s'est pas lavé depuis des semaines et qui se montre peut-être agressif ?
"America" est un roman certes difficile, dénué de tout espoir, qui éventuellement met mal à l'aise, mais c'est bien pour cela qu'il faut le lire.
Tiens, du coup j'ai bien envie de le lire ce roman, même si il semble très sombre en effet. Mais intéressant, à te lire ! Beau billet en tout cas ;-)
RépondreSupprimerOui, il est très intéressant et aussi très fort. Je crois que c'est un roman qui ne peut pas laisser indifférent dans la mesure où il nous renvoie aux limites de notre propre altruisme... Bien qu'il se passe aux Etats-Unis, (et T.C Boyle se montre particulièrement cynique avec cette société américaine basée sur l'apparence et l'obsession de l'autoprotection) la même histoire me semblerait tout aussi crédible si elle se déroulait dans n'importe quel autre pays dit "civilisé"...
RépondreSupprimerle monde parfait serait imparfait,
RépondreSupprimertel est le deal dilemme,
qui m' améne à pleurer de bonheur
au malheur de la vie qui meurre.
Et à pleurer à la fin de
america, juste des mots juxtaposés,
mais si justement, face à ma ta
gueule.
Il y a du Jésus crie dans ce roman
j'ai etudié ce roman en cours de francais, les sujets traités son tres interessants mais je trouve que ce roman est mal traduit...
RépondreSupprimerCe défaut ne m'a pas sauté aux yeux lors de ma lecture...
SupprimerEn effet, ce livre a beaucoup en commun avec celui que tu commentes actuellement "Réveillez les lions".
RépondreSupprimerEn lisant cette phrase : "On ne peut s'empêcher, à la lecture de ce roman, de s'interroger sur la propre validité de nos beaux principes",je ne peux m'empêcher de penser, moi, à ceux qui, à Paris, ont vécu avec les tentes des Sans-abris sous leurs fenêtres, et qui, même s'ils approuvaient cette initiative au départ, n'ont pu supporter longtemps, le bruit de ces gens alcoolisés, l'odeur, la saleté et les agressions.
Eh oui, quand le "pauvre" ou le "migrant" devient une vraie personne, avec tout ce que cela suppose d'incommodant, il est plus difficile de se montrer ouvert et généreux... mais moi la première, je ne sais pas comment je réagirais...
SupprimerCes romans ont en tous cas le mérite de nous mettre dos à nos grands principes..