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"Pastorale américaine" - Philip Roth

Il y a quelque chose de pourri au royaume de l'Oncle Sam...

"Pastorale américaine" est le premier des trois romans qui composent La trilogie américaine de Philip Roth… et c’est celui que j’ai lu en dernier ! J’ai en effet découvert cet auteur avec "La tache" il y a quelques années, lecture qui m’avait laissée quelque peu perplexe, dans la mesure où cette œuvre, que j’aurais volontiers qualifiée de géniale, m’avait parfois semblé inutilement trop complexe. Je fus en revanche absolument conquise par "J’ai épousé un communiste", et cette "Pastorale américaine" m’a définitivement convaincue que Philip Roth est bien un auteur incontournable.

Dans ces trois romans, il explore les failles du rêve américain, en mêlant intelligemment l’Histoire aux destinées individuelles.

C’est en l’occurrence sur celle de Seymour Levov qu’il s’attarde ici. Petit-fils d’immigrés juifs installés à Newark, New Jersey, Seymour a toujours suscité l'admiration de ceux qui l'ont côtoyé. Sportif doué, individu charismatique, son physique de scandinave lui a valu d'être surnommé "Le suédois" par ses camarades d'études. Et tout semble lui réussir : marié à une femme belle, aimante et intelligente, père comblé d’une petite Merry, il a repris et développé avec succès l’affaire de son père, spécialisé dans le commerce du gant et vit avec sa petite famille dans la maison de ses rêves. Et puis un jour, un grain de sable vient enrayer la belle mécanique : devenue une adolescente obèse et vindicative, révoltée par la guerre du Vietnam, Merry se mue en terroriste, provoquant la mort d'un homme, et disparaît

La vie de Seymour bascule.

En plus de la douleur et de l'angoisse d'un père, il y a l’incompréhension d'un homme face à la terrifiante prise de conscience qu'en dépit de tous les efforts déployés pour se protéger d’un monde dont il avait jusqu'à présent feint de ne pas voir la laideur, personne n'est à l'abri du malheur.

L'acte de Merry symbolise en quelque sorte le tournant que subit la société américaine de cette fin des Trente Glorieuses. Après les générations qui embrassèrent sans retenue l'idéal de "l'American way of life", participant ainsi à l'élaboration du melting pot, est arrivée celle qui, ne doutant plus de son appartenance à la nation américaine, put se permettre d'en renier les valeurs, et de remettre en cause son hégémonie. Il faut avouer que l’époque donne du grain à moudre aux flambées contestataires, avec bien sûr la guerre du Vietnam, mais aussi les émeutes raciales (dont Newark, notamment, fut le théâtre) liées à l'apparition du mouvement des droits civiques américains, ou encore, quelques années plus tard, l'affaire du Watergate. Et pourtant... malgré tous ces événements qui mettent en lumière la vacuité de ses aspirations à vivre comme un "américain modèle", en dépit de la prise de conscience de sa solitude et de sa vulnérabilité, jamais Seymour ne se défera de sa façade d'homme toujours conciliant et égal à lui-même, de mari fiable et de patron exemplaire. Sans doute parce qu'il s'agit là de la seule façon pour lui de survivre ?

Avec l'histoire du suédois, Philip Roth aborde des problématiques à la fois individuelles et universelles telles que la solitude inhérente à la condition humaine, la peur de la mort, de la vieillesse et de la maladie, tout en ne perdant jamais de vue l'influence que les mutations sociétales et les soubresauts de l'histoire peuvent avoir sur la trajectoire des destins personnels.

Commentaires

  1. Ce premier volume de la trilogie de Roth est excellent, j'ai aimé ce portrait d'un homme déboussolé dont les valeurs s'effondrent et qui est démuni devant les changements profonds autour de lui
    Je vous envie si vous n'avez pas encore lu "la tâche" qui est le meilleur de cette trilogie

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  2. Bonjour Dominique,

    Ainsi que je le précise en introduction, La tâche est le premier roman que j'ai lu de cet auteur, mais il y a assez longtemps, et sans ne l'ai-je pas apprécié autant qu'il le mérite...
    Il est toujours dans ma bibliothèque, et qui sait, peut-être le relirais-je un jour !

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  3. Merci de m'avoir rappelé ce roman, dont finalement il ne me restait pas grand chose... mon préféré reste "La tache" qui m'a marqué davantage (sans jeu de mots !)

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  4. Je n'ai jamais lu Roth, tare sans aucun doute. Celui-ci me parle un peu mais je n'arrive pas à me convaincre à lire cet auteur. Je ne sais pas pourquoi.

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  5. >>>Kathel : moi, c'est de La tache qu'il ne me reste pas grand-chose, l'ayant lu il y a longtemps. Je commence à envisager de le relire, au vu de tous les commentaires élogieux qu'il suscite...

    >>>Béné : il faut se lancer, je suis sûre que tu ne le regretteras pas... maintenant, de là à dire que c'est une tare de ne pas avoir lu Roth, je te trouve quand même bien sévère avec toi-même !

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  6. c'est fou, je suis sûre de l avoir lu et pourtant je n'en garde aucun souvenir...Bizarre...Peut être que je l ai acheté, posé sur l'étagère et oublié...d'après ce que tu en dis, ça n a pas l air d'être le genre de livre qu'on oublie comme ça...ça m inquiète un peu...
    En tout cas on m a recommandé 'ligne de sang' - il est dans un coin de ma pile à lire, j'attends ton avis :)

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  7. Intéressant! J'ai lu "Le complot contre l'Amérique", et prévois de lire "La tâche" au mois de décembre pour une lecture commune. Ce que tu dis de ce titre-ci (globalement reconnu comme "grand roman") attise ma curiosité, la thématique de l'enfant qui secoue les certitudes de ses parents me plait bien! ;-)

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  8. >>>Gridou : je pense en effet que si tu l'avais lu, tu t'en souviendrais !!
    Quant à Ligne de sang, je te le conseille vivement moi aussi : c'est un polar passionnant qui se dévore en un clin d'oeil...

    >>>Nymphette : je suis sûre qu'il te plairait...

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  9. Ca y est j'ai lu La tâche (enfin, je ne l'ai pas complètement terminé! J'ai trouvé que c'était assez confus, malgré de grandes qualités, pê ne l'ai-je pas lu au bon moment!

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  10. J'ai eu ce sentiment, moi aussi, d'un récit parfois confus, concernant La tache.
    Pastorale Américaine et J'ai épousé un communiste, bien que riches, sont des récits qui m'ont semblé beaucoup plus abordables.

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  11. Je découvre ton blog par l'intermédiaire du commentaire que tu as laissé chez Marécages pour sa critique de Tombouctou de Paul Auster, et après un tour d'horizon très très rapide, je tombe sur cet article.
    Je partage ton opinion pour ce roman, mon préféré de Philip Roth (avec Le complot contre l'Amérique, mais en l'occurence il y a une part de tendresse dûe au fait que c'est le premier de cet auteur que j'avais découvert).
    Je trouve surtout que Pastorale américaine est un portrait bouleversant de l'amour d'un père pour sa fille. Cette dimension du roman m'avait, à l'époque où je l'ai lu, beaucoup touché. Peut-être parce que je suis père moi même?
    En tout cas, c'est vraiment un roman majeur d'un auteur majeur de la littérature contemporaine.

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    1. Bonjour Barnum Nilsen,

      C'est vrai que la relation père/fille décrite dans ce roman a quelque chose de poignant et de très touchant, d'autant plus que l'on sait qu'elle est vouée à l'échec.
      Je n'ai pas lu Le complot contre l'Amérique (mais cela viendra). A part celui-là, J'ai épousé un communiste m'avait aussi beaucoup marquée.

      A bientôt.

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