"L’histoire secrète de Kate Bush (& l’art étrange de la pop)" - Fred Vermorel
"I want to be in a position where I can function as a human being. Even more so now where you've got this sort of truly silly preoccupation with celebrities. Just because somebody's been in an ad on TV, so what ? Who gives a toss ?" (Kate Bush)
Publiée initialement en 1983, c’est à ce jour, alors qu’il n’y est quasiment pas question de sa vie, la biographie la plus vendue sur l’artiste. Le manuscrit originel de Fred Vermorel s’arrêtait d’ailleurs à la naissance de son sujet ! C’est la première partie du récit, résultat d’une recherche sur les ancêtres de la chanteuse, amenant l’auteur au village de Pebmarsh, dans la région de l’Essex, où les Bush auraient vécu pendant 1400 ans… Il se concentre sur la période à partir de laquelle il a pu obtenir des éléments assez consistants, celle du XIXème siècle. Les Bush sont alors des paysans qui cultivent la terre et élèvent du bétail, dont les enfants meurent fréquemment de faim et de malnutrition. Il digresse sur des considérations prosaïques, qui peuvent paraître hors de propos, et dont "on parle rarement dans les livres d'histoire", mais qui rendent son récit concret et très singulier. Il insiste par exemple sur la boue -son aspect, sa consistance…- qu'il suppose avoir été au centre des préoccupations des Bush à l'époque de la ruralité, ou part littéralement, comme en pèlerinage, sur les traces de la mort d’un des aïeux de la chanteuse, tombé, ivre, dans un fossé d’où il n’a jamais pu s’extirper. Il implante le clan Bush dans un territoire, nous livrant au passage l’histoire de ce village de Pebmarsh, longtemps remarquable pour sa filature de soie qui a permis son expansion et libéré une partie de sa population du labeur agricole, avant sa fermeture, qui à l’inverse a provoqué le départ de nombreux habitants, dont certains Bush.
Une autre partie est consacrée aux premiers objecteurs de conscience, qui firent leur apparition avec la Première Guerre mondiale. Parmi eux Joe, le grand-père de Kate. L’auteur dévie ensuite sur l'étymologie des prénoms Kate et Catherine, évoque des personnages historiques ou des célébrités ainsi prénommés… Là s’arrêtait son texte initial… c’est à la demande de son éditeur -qui "a failli se retourner contre lui"- qu’il a ajouté des chapitres sur la vie de la chanteuse et sur sa musique.
Il nous livre ainsi quelques données factuelles, pour lesquelles il a mené des "recherches sérieuses et irréprochables", organisant plus de cinquante interviews d’amis école ou de membres de la famille de Kate (notamment le père de cette dernière, très amusé par le projet). Mais il les complète à sa manière bien singulière, fondamentalement subjective, l’apparent sujet principal de son ouvrage lui permettant de mener une réflexion, non didactique, mais sous la forme d’une expérience dont il serait lui-même le cobaye, sur le fétichisme.
Les quelques éléments biographiques et musicaux – quelques épisodes d’enfance et de jeunesse, puis l’évocation de ce qui fait la singularité de l’artiste- sont ainsi suivis, ou entrecoupés, des considérations que lui inspirent ce qu’il désigne, dans l’annexe ajoutée à la republication de 2022, comme "une expérimentation absurde pour voir jusqu’à quel point la biographie rock pouvait être tordue sans craquer". Son objectif, précise-t-il encore, était "d’écrire une biographie dont le sujet serait absent", pour "marcher à bout de souffle dans les pas de la présence fugitive de cet objet du désir, la célébrité".
C’est dans l’optique de mettre au jour une partie de ce qui génère la fascination populaire pour les artistes qu’il "se glisse dans la peau (du) plus grand fan de Kate Bush", une fascination dont l’objet est plus précisément l’artiste de la pop culture, courant à propos duquel Fred Vermorel nous livre certains des passages les plus passionnants de l’ouvrage. La pop, notre Art majeur estime l’auteur, y est défini "le mouvement romantique de notre civilisation de consommation (issu de) la seconde révolution industrielle, celle de l'électricité et des industries pétrochimiques". Elle est indissociable de notre contemporanéité vampirisée par le consumérisme, les médias de masse, et l’aspiration à la transcendance de la banalité de nos vies ordinaires. Preuve de la possibilité de cette transcendance, la popstar n’est plus seulement une personne mais une institution, et devient un bien public. Son image, véhiculée par les médias, ne lui appartient plus.
C'est plutôt original comme biographie d'artiste ! NB: J'aime beaucoup Kate Bush moi aussi mais je ne connais que ses chansons les plus célèbres.
RépondreSupprimerC'est même plus qu'original, je suis persuadée qu'il n'existe aucune autre "biographie" de cette sorte...
SupprimerJe suis loin d’être fan de Kate Bush même si comme beaucoup j’ai été charmé en son temps par son single « Babooshka » (1980). Quant aux biographies d’artistes, j’en ai lu beaucoup de mes groupes préférées, elles oscillent entre celles qui sont trop complaisantes, celles qui visent à mettre l’accent sur le côté scandaleux ou choquant et celles qui se lancent dans des analyses « intellectuelles » de l’œuvre des artistes. Il y a du vrai et du faux dans chacune d’elles et finalement n’ont qu’un intérêt moyen, la seule chose qui compte c’est le plaisir qu’on retire des chansons de nos artistes préférés, un plaisir qui subsistera tout au long de notre vie… j’en sais quelque chose !
RépondreSupprimerBabooshka est loin d'être mon titre préféré, sans doute parce qu'on l'a trop entendu.. j'ai lu quelques biographies quand j'étais jeune, mais plutôt orientées cinéma ; j'ai eu ma période "actrices venues du froid" (Ingrid Bergman, Greta Garbo)... depuis, je n'en ai pas lu et je ne suis pas sûre que l'on puisse qualifier le texte de Fred Vermorel de biographie. Je ne l'aurais d'ailleurs pas lu si cela avait été le cas, puisque je te rejoins complètement sur le faible intérêt que présente la vie des célébrités....
SupprimerJ'ai du vérifier ce que je connaissais de la chanteuse, à part le nom (ben, un titre sans doute passé à la radio...)
RépondreSupprimerC'est une chanteuse très discrète, et qui surtout ne chante plus depuis plusieurs années... j'appréciais beaucoup son originalité artistique, et le fait qu'elle compose elle-même ses chansons.
SupprimerPas assez fan, (ne me reviennent que Babooshka et Army dreamers...) pour lire cette biographie, je suis toutefois amusée par son originalité : s'arrêter à la naissance de la personne (et au choix du prénom ;-) ) ce n'est pas commun.
RépondreSupprimerC'est déjà pas mal, je ne suis pas sûre qu'Army Dreamers soit très connu du grand public ! C'est ce parti pris complètement décalé de l'auteur qui m'a intriguée... écrire une biographie dont serait absent le sujet principal, fallait oser (mais comme il le raconte dans la postface, son éditeur n'a pas vraiment apprécié !).
SupprimerJ'aime beaucoup cette idée de contre-pied à la biographie ! Ca semble bien correspondre à Kate Bush en plus, assez inclassable.
RépondreSupprimerOui, je suis d'accord, cette biographie lui va à merveille, mais d'après l'auteur, contrairement à son père qui s'est amusé du projet, la chanteuse n'aurait pas du tout apprécié...
SupprimerJe ne connais d'elle que sa voix cristalline de chanteuse.
RépondreSupprimerC'est en grande partie ce qui fait sa singularité...
SupprimerJe ne sais pas si ça complèterait ou non, mais un livre vient de sortir sur les groupies (versus les fans) : https://editionslesperegrines.fr/fr/books/splendeurs-et-miseres-des-groupies
RépondreSupprimerPour K. Bush, je connais seulement un ou deux titres j'avoue.
Cela semble bien plus sérieux, comme titre, ou du moins plus "conventionnel", mais j'imagine qu'on doit y trouver certains échos au titre de Vermorel, notamment en lien avec son évocation de la pop culture...
SupprimerJ'aimais beaucoup Kate Bush à ses débuts ; j'avais même un album, puis je l'ai perdue de vue. Je ne suis pas très tentée par les biographies d'artistes.
RépondreSupprimerJ'ai continué de la suivre jusqu'à son dernier album, sorti en 2011, et très spécial. Depuis, on ne l'entend plus...
Supprimerce qui est amusant c'est son retour devant les projecteurs avec Running up that hill / pour la série ado Stranger Things. Ma mère l'aimait beaucoup et on avait je crois son album à la maison mais je ne suis pas non plus fan. J'en garde l'image d'une personne effectivement discrète. Ce que tu nous contes est un vraiment étrange, la boue, les origines des prénoms.. mais si tu as trouvé ton compte, tant mieux !
RépondreSupprimerL'ouvrage est assez court, et la plume de Vermorel très agréable : il parvient à rendre toutes les parties de cette pseudo biographie très intéressantes...
SupprimerJe connais peu l'artiste mais la démarche de l'auteur est des plus originales et semble garantir un résultat décalé et donc mémorable.
RépondreSupprimerFinalement, il n'est pas nécessaire de connaître Kate Bush ou de l'aimer pour apprécier ce texte et son approche très originale.
SupprimerJe n'aime pas lire les biographies mais j'ai aimé te lire...Je ne connais cette chanteuse que de nom même si sa voix ne m'est pas inconnue. Donc je ne le note pas mais je retiens que tu as aimé en savoir plus sur elle à travers ce texte original et "fascinant". Merci de ta chronique
RépondreSupprimerCe n'est pas tant sur Kate Bush que j'en ai appris davantage (et ce n'était d'ailleurs pas mon but), que sur la posture du fan d'un artiste de la pop culture. Et je suis ravie de cette découverte !
SupprimerJe ne connais que Babooska, ça ne suffit pas pour avoir envie de lire sa bio.
RépondreSupprimerMais comme indiqué ci-dessus, ce texte va complètement au-delà d'une biographie, et parle finalement assez peu de Kate Bush...
SupprimerComme tout le monde, j'ai marché pour ses tubes mais pas allée plus loin
RépondreSupprimerC'est une artiste qui a beaucoup inspiré ses pairs, et vendu des millions d'albums, et pourtant, elle semble relativement méconnue... une question d'époque, peut-être ?
SupprimerOriginal, en effet ! Je fais figure d'intruse, je connais très mal la chanteuse à part ses tubes.
RépondreSupprimerMais non, au contraire : si je me fie aux commentaires, la plupart des visiteurs sont comme toi...
SupprimerC'est fascinant cette histoire de famille. Je me demande si les épisodes sont vrais ou inventés. Anne-yes
RépondreSupprimerSi j'ai bien compris, rien n'est inventé, mais il faut sans doute se méfier, avec Vermorel...
SupprimerFan de cette chanteuse aussi ! Je connaissais The infant kiss, mais je n'avais jamais regardé le clip ... Beau et troublant quand même ...
RépondreSupprimerCe qui nous fait un point commun de plus ! Et oui, la chanson elle-même est troublante... elle me donne à chaque fois des frissons..
SupprimerLes premières lignes de ton billet m'ont rappelé une époque qui semble désormais si lointaine. Il fallait en fournir des efforts ! Je ne note pas ce livre, certes original, mais je me promets par contre de réécouter Kate Bush (ma chanson préférée est "Running up that hill")
RépondreSupprimerL'un des avantages de cette jeunesse sans internet était de nous faire sortir de chez nous... (et de faire des efforts, comme tu dis !)... Bonne réécoute de KB !
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