"Du sang dans les plumes" - Joel Williams
"Le plus dur, c'était de vivre."
Dans la première partie de l’ouvrage, introduction qui se mue en texte à part entière, l'auteur se présente. Joel Williams a alors 46 ans, et est incarcéré depuis qu’il en a 22, condamné à perpétuité pour le meurtre de son père.
Il nous explique "comment tout a commencé", remonte le temps jusqu’à son enfance douloureuse.
Ses parents divorcent lorsqu’il a deux ans, sa mère quitte le foyer et un mari maltraitant. Le père emmène alors ses deux enfants (Joel et sa sœur aînée) en Californie, pour se soustraire aux recherches de la police, ainsi que son fils l’apprendra bien plus tard. Les jeunes Williams sont élevés par une belle-mère originaire du Honduras pendant que le père enchaîne des emplois de soudeur. Une tranche de vie dont la banalité et la relative tranquillité ont laissé des souvenirs heureux. Puis le père se retrouve au chômage et le climat entre ses parents se tend. Le couple prend l’habitude de se défoncer à l'herbe ou aux amphétamines. Joel est corrigé à coups de planche au moindre prétexte. L'école devient son refuge, le garçon est doué en sport, et dévore l'encyclopédie ; mais les violences et la terreur qu’impose le père à toute la famille, et la passivité des adultes (à l’école ou dans le voisinage) face aux bleus dont il est régulièrement couvert, font de lui un enfant angoissé, qui perd ses cheveux et fait pipi au lit. Adolescent, il commence à boire puis à dealer des amphétamines. Il rencontre sa mère, qu'il n'avait pas revue depuis la séparation de ses parents. Il apprend alors ses origines indiennes, sa mère étant une authentique shoshone-païute. De retour en Californie, lycéen émotionnellement et socialement handicapé sans perspective d’avenir, il mène une existence chaotique, en grande partie dans la rue, jusqu’à sa condamnation.
La deuxième partie de l’ouvrage est constituée de deux séries de courts textes, respectivement intitulées "Dérives urbaines" et "Derrière les barreaux".
On y part d’abord, aux côtés de Jack Wallace, sorte d'alter ego de l'auteur, dans un univers sordide où règnent la misère, la crasse, la drogue et l’alcool, celui des laissés-pour-compte de l'Amérique. Un univers d’où semble absente toute possibilité de salut, où les existences, régies par d’iniques contingences, sont focalisées sur la violence et sur le manque.
"La ville est comme ça, elle gare toujours nos désirs et nos besoins dans des parkings différents."
La seconde partie des textes se déroule en prison. Joel Williams y décrit les techniques de survie (qu’il s’est bien appropriées), le bruit incessant, les cadences infernales du travail, les petites intrigues, le délitement de l'âme, les "passions qui se font la malle", mais aussi l’inattendue survenance de l’amour, puis les désillusions qui s’ensuivent...
J'ai lu ce texte il y a un certain temps, à sa sortie je pense et je m'en souviens encore : quelle injustice cette condamnation (je repense à Dominique Cottrez qui a fait 4 ans de prison pour le meurtre de ses 8 enfants... pas la même situation, pas le même pays, mais quand même...).
RépondreSupprimerJ'ai trouvé ce texte très fort, il s'en dégage une sincérité poignante. Et oui tu as raison de le souligner et j'aurais dû le préciser dans ce billet, Joel Williams s'est vu refuser (nous apprend la note de l'éditeur) pour la 3e fois en 2011, la liberté conditionnelle, sous prétexte que : "Le détenu devrait travailler sur lui-même plutôt que perdre son temps à écrire"... je ne sais pas s'il est sorti aujourd'hui..
SupprimerIntéressant sans doute mais bien noir, non?
RépondreSupprimerC'est les deux oui, et aussi très émouvant.. je ne sais pas s'il est facile à trouver, cette maison d'éditions a malheureusement fait faillite, je l'ai trouvé d'occasion en bouquinerie.
SupprimerCe texte m'a l'air fort. Je n'ai pas réussi à le situer dans le temps mais j'ai vu dans ton commentaire que tu as mentionné l'année 2011. Sais-tu depuis quand exactement il est incarcéré?
RépondreSupprimerIl l'a été à l'âge de 22 ans et il est né en 1964, donc c'est depuis 1985 ou 1986...sa condamnation à perpétuité a été assortie d'une peine plancher de vingt-sept ans. Et oui, c'est un texte fort, mais aussi glauque et en même temps à la fois cru et poétique, par moments.. à lire, en tous cas.
SupprimerC'est tout pour moi, là ! Je vais tenter de le trouver ...
RépondreSupprimerJ'ai fouillé un peu sur internet, et il semble malheureusement indisponible même d'occasion. Il n'y a plus qu'à espérer tomber dessus en bouquinerie ou en bibliothèque. Sinon je peux te l'envoyer (mais exceptionnellement, et bien que je n'aime pas faire ça, en te demandant de me le retourner ensuite, car c'est un livre que j'aimerais garder..) ?
SupprimerEffectivement, je n'arrive pas à le trouver, mais on ne sait jamais ... C'est gentil pour le prêt en tout cas !
SupprimerTu me diras si tu veux que je te l'envoie (il est petit et peu épais)..
SupprimerMa foi, je cède à la tentation ... Tu as toujours mon adresse ?
SupprimerOui, je dois pouvoir la trouver, je te dis sinon.
SupprimerMa bibliothèque ne l'a pas et de toute façon, je ne sais pas si j'aurais le cran de le lire. C'est dingue ce genre d'histoire.
RépondreSupprimerOui, c'est ébahissant... Joel Williams étant à moitié indien (son père était blanc), il est probable que cela ait pesé dans les décisions, injustes, ayant empêché sa libération.
SupprimerUn genre qui me parle. Dommage pour la maison d'édition...
RépondreSupprimerC'est d'ailleurs presque une absence de genre, qui donne à l'ensemble une vraie spontanéité, une sincérité qui fait sa force. Et oui, dommage pour 13e Note, j'ai lu plusieurs de leurs publications, et ai rarement été déçue..
SupprimerJ'en garde un excellent souvenir !
RépondreSupprimerJe ne suis guère étonnée que tu l'aies lu, et aimé... je crois que je l'avais noté chez Marie-Claude.
Supprimer