"Rue Mexico" - Simone Buchholz
Chastity Riley, procureure à Hambourg, secondée par son collègue Ivo Stepanovic, est chargée de l’enquête, qui les amène à Brême. Ils y découvrent l’emprise sur les trafics en tous genres d’une organisation criminelle opaque et particulièrement violente. Les Mahallami sont une minorité ethnique de Turquie, descendants de tribus guerrières chargées de défendre une partie de l'empire ottoman. Leur clan, auquel appartenait la victime, est parfaitement hermétique, et sa dangerosité semble le rendre invincible. Les enfants y sont élevés dans l'habitude de l'extrême violence dès le plus jeune âge. Les femmes, soumises à la volonté des hommes, y sont muselées, et mariées de force. C’est une communauté qui a la particularité de ne rire jamais, dont les règlements de comptes intestins, toujours très sanglants, dépassent une police disposant de moins en moins de moyens.
Trouver, dans ce contexte, l’assassin de Nouri Saroukhan, renié par les siens, va s’avérer aussi compliqué que périlleux, les enquêteurs devant se colleter tantôt avec des Mahallami franchement hostiles, tantôt avec des zélotes du monde de la finance ayant érigé le fric et les signes extérieurs de richesse au rang de Dieux, et qui ne suscitent pas davantage de sympathie.
Chastity Riley est la narratrice, héroïne mémorable et atypique, qui vit dans un entre-deux permanent -on lui confie des affaires quand personne d'autre n'a le temps de s'en occuper-. Elle est toujours épuisée, boit beaucoup trop et ne prend pas soin de son apparence, mais cela ne l’empêche pas d’être percutante, inventive et toujours sur le pont. Elle nous livre sa parole en toute spontanéité, avec une familiarité souvent drôle. Le flux de ses pensées, constitué de considérations tantôt blasées, tantôt rigolardes, mais toujours lucides, est empreint d’un humour désabusé et d’un grand sens de l’autodérision.
Ses déambulations urbaines nous amènent dans les quartiers délaissés de Hambourg où la décrépitude flétrit autant les murs que les habitants. Tout au long du roman, ville et personnages se mettent à l’unisson, se calquant sur les mêmes rythmes, atmosphère et état d’esprit s’interpénétrant.
"C’était comme si les bâtiments s’écroulaient sur les gens. Un, deux cubes colossaux, carrés gigantesques, tous morts. Des architectes sous speed ont voulu jouer à Tetris mais ont perdu le contrôle. Ici et là, monstrueux, des blocs de béton lavé et d’acier ; dans les années 60 et 70 du siècle dernier, ils étaient blancs et brillants – depuis, la lumière s’écaille par grosses plaques.
Partout des fissures.
Commentaires
C'est vrai que c'est atypique, comme polar. La voix de l'héroïne, en tous cas dans celui-là, y prend beaucoup de place, et ça m'a bien plu. Le ton est également très singulier, entre noirceur et dérision.