LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"1Q84" - Livres 1 et 2 - Haruki Murakami

Un petit problème de dosage...

Dans l'univers d'Haruki Murakami, un morceau de musique classique peut être la porte qui ouvre sur un autre monde... la sonnerie du téléphone peut retentir de différentes manières selon la personne qui vous appelle... vous pouvez soudainement constater que deux lunes brillent dans le ciel...

Les personnages des romans d'Haruki Murakami possèdent souvent une étrange sérénité et un sens de l'introspection qui leur permettent de garder en toutes circonstances le contrôle d'eux-mêmes. Les décisions qu'ils prennent, les choix qu'ils font, le sont toujours en accord avec une éthique personnelle qu'ils suivent sans férir, et qu'ils espèrent juste et honnête. Leur autonomie leur est précieuse ; pour cela, ils évitent de se laisser envahir par toute forme de dépendance, qu'elle soit affective ou matérielle. De même, ils ne se laissent entraver par le poids d'aucun tabou, d'aucune idée préconçue.
Ils assument avec naturel leurs besoins physiologiques, dont sexuels, et se montrent en échange respectueux de leur intégrité physique.

Ce que j'aime par-dessus tout dans les romans d'Haruki Murakami, c'est la façon dont il mêle adroitement à la trivialité du quotidien des petites touches surnaturelles, inattendues, qui donnent à ses récits cette texture si particulière, et cette impression qu'à chaque instant il peut survenir un événement incroyable, sans que cela soit jamais vraiment dangereux ou complètement loufoque.
C'est comme si vous pénétriez dans un monde qui oscille doucement entre imaginaire et réel, sans que la frontière entre les deux ne soit jamais clairement définie.

Nous retrouvons avec "1Q84" cette volonté d'introduire dans le réel une part de fantastique, l'auteur y superposant deux univers non pas vraiment parallèles, mais qui en quelque sorte se chevauchent à certains endroits, permettant ainsi à certains individus de passer de l'un dans l'autre.
C'est le cas de Tengo et d'Aomamé, les deux héros de ce roman dont nous suivons en alternance les (més)aventures à partir du moment où certains événements s'introduisent dans leurs existences, les impliquant dans des phénomènes étranges et surtout de plus en plus inquiétants.

Comme d'habitude, les personnages mis en scène par l'auteur sont attachants. Bien que pourvus dans l'ensemble des caractéristiques énoncées plus haut, ils m'ont semblé un peu plus vulnérables que les protagonistes ordinairement rencontrés dans les romans de Murakami. Par moments, la solitude qui les entoure, qu'ils ont a priori choisie, semble leur peser, et ils peinent alors à trouver un sens à leur vie. L'atmosphère du récit s'en trouve ainsi empreinte d'une sorte de mélancolie.

L'écriture de Murakami est toujours aussi fluide, à la fois simple et précise, presque en contradiction avec l'aspect insolite de son histoire, comme s'il avait voulu rendre l'impossible crédible en le dépeignant sans fioriture ni effet de style, l'incorporant ainsi à la banalité du quotidien.
Et pourtant, j'ai trouvé, dans "1Q84", que les intrusions d'éléments surnaturels se faisaient avec moins de subtilité que dans les autres romans que j'ai lus de l'auteur. Au lieu de flirter avec le fantastique, comme il nous a accoutumé à le faire, il nous livre ici un véritable ouvrage de science-fiction, qui verse sans réserve dans l'invraisemblance la plus totale.
Attention, j'aime bien les bons récits de science-fiction, et on ne peut pas dire que celui-ci soit mauvais. Seulement, je préfère les histoires de Murakami lorsqu'elles sont juste assez incroyables pour nous étonner et nous transporter dans un ailleurs légèrement décalé, tout en restant (presque) plausibles.

L'aspect fantastique occupe ici une place prédominante, et ne laisse à mon avis pas assez d'espace où laisser s'exprimer l'esprit poétique auquel nous a habitué l'auteur.
Cela ne m'empêchera pas de lire le dernier tome de "1Q84"(1), puisque j'ai tout de même envie de savoir ce qu'il va advenir de Tengo et d'Aomamé !

>> Les avis de La Ruelle Bleue et de Voyelle et Consonne.
>> D'autres titres pour découvrir Haruki Murakami :
"Chroniques de l'oiseau à ressort"
"La fin des temps".


(1)La parution du livre 3 est prévue pour le mois de mars 2012.

Commentaires

  1. Totalement d'accord :)
    Peut-être bien les héros les plus réussis de Murakami, et son histoire la moins réussie?

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  2. Oui, on pourrait effectivement le résumer ainsi.

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  4. Merci pour le lien.
    Comme je n'ai encore lu que le premier tome, je n'ai pas encore vraiment découvert tous les aspects fantastiques. À suivre...

    PS: il y a 4 tomes? Dans l'édition japonaise, il n'y en a que 3.

    PS bis: j'ai effacé mon premier message pour cause de grosse faute d'orth! ;-)

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  5. C'est vrai que l'aspect fantastique est surtout développé dans le 2ème livre (j'avoue d'ailleurs avoir préféré le premier).

    Et tu as raison, il n'y a que trois tomes. C'est moi qui m'étais mis en tête qu'il y en avait quatre, parce que les 2 premiers sont parus en même temps ! Je m'en vais corriger cette erreur de suite ...

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  6. je suis en plein dans le tome 1 et j'aime bien pour l'instant, je prévois effectivement des aiguillage un tantinet plus marqué qu'à l'habitude !!!!

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  7. C'est vrai que l'on sent venir dès le premier tome le caractère franchement surnaturel du récit, avec l'évocation de ces "little people"...

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  8. Patti Smith aussi dit grand bien des "Chroniques de l'oiseau à ressort", un roman dont je suis sortie avant la fin. Pourtant il est plein de belles trouvailles, comme l'oiseau du titre par exemple. La délicatesse de certains portraits ou dialogues contraste avec des scènes cruelles dont je ne comprends pas bien l'apport, peut-être parce que je ne connais pas assez la culture japonaise.

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    1. Ces "excès" de cruauté m'ont justement paru assez surprenants compte tenu du peu que je connais de la littérature japonaise, qui fait généralement dans la subtilité et l'ellipse. D'ailleurs dans la plupart de ses romans Murakami lui-même adopte un ton distancié, et des intrigues plus mélancoliques que violentes... sauf dans Les chroniques (et dans Kafka sur le rivage, il y aussi un passage très dur). Bien que difficiles à lire, j'ai trouvé qu'ils n'étaient pas "gratuits", qu'ils contribuaient à la singularité et à l'intensité du roman...
      Maintenant que j'y pense j'avais lu un titre japonais très dur aussi, de l'homonyme de Murakami, Ryu : Les bébés de la consigne automatique.

      Merci pour ta visite !

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