"Le Maître et Marguerite" - Mikhaïl Boulgakov
"Pour quelle raison garderait-on en clinique un homme sain d'esprit ?"
La notion de classique -voire de chef d’œuvre-,
en littérature, est souvent associée à l'idée d'une accessibilité
difficile. On imagine les grands textes ardus, souvent longs,
et surtout, extrêmement sérieux.
J'ai moi-même
longtemps été victime de cet a priori. Puis j'ai découvert, entre
autres, Céline, et j'ai compris qu'une œuvre peut être complexe sans
être compliquée, intelligente sans être élitiste, mais surtout, j'ai
découvert qu'écrire un chef-d’œuvre peut se faire avec humour et fantaisie, même si le propos en est tragique et sérieux.
La
lecture de ce roman considéré comme un classique de la littérature
russe qu'est "Le Maître et Marguerite" n'a fait que renforcer cette
conviction.
Tout commence avec une tête malencontreusement coupée par un tramway...
Cette
tête, c'est celle de Berlioz, président de l'association littéraire de
Moscou (MASSOLIT). Cet étêtage ne serait pas si extraordinaire s'il
n'avait été prédit quelques instants auparavant par un étrange
personnage qui avait abordé Berlioz et son camarade Yvan lors de leur
promenade. Non moins étrange, l'assertion du même personnage selon
laquelle il aurait connu Ponce Pilate, avec lequel il aurait entretenu
de longues conversations !
Et cet abracadabrantesque épisode n'est
que le début d'une longue série d'événements étranges, voire
complètement loufoques, et néanmoins inquiétants...
Il s'avère en
effet que le curieux protagoniste rencontré avant sa mort par le
directeur du MASSOLIT ne se contente pas de ses dons extralucides.
Woland -puisque tel est son patronyme- semble en effet doté de tout un
arsenal de pouvoirs surnaturels, et les malheureux qui croisent sa route
et celle de ses acolytes -parmi lesquels un énorme chat qui se conduit
comme un humain, et un grand échalas arborant pantalon à carreaux et
monocle brisé- font les frais de ses tours diaboliquement malicieux.
On
peut ainsi se contenter de suivre les tribulations de cette bande
infernale, rire des mésaventures de leurs victimes (souvent autant dues à
la cupidité et autres vices de ces dernières, qu'à l'intervention de
Woland et de ses compagnons), s'attendrir à l'évocation des amours
improbables du Maître et de Marguerite. Ce sera la certitude de passer
un moment fort réjouissant, porté par le rythme endiablé -c'est le cas
de le dire- que Mikhaïl Boulgakov insuffle à son récit.
On
peut aussi deviner, entre les lignes, la critique, par l'ironie et le
burlesque, d'un système dont l'auteur fut une des victimes.
L'omniprésence
de la milice, les nombreuses allusions aux passe-droits dont
bénéficient les artistes officiellement "reconnus", la corruption qui
règnent au sein des institutions, la médiocrité de concitoyens délateurs
et vénaux, la négation, enfin, de l'art et de sa liberté d'expression,
au profit d’œuvres politiquement correctes... sont autant d'éléments qui
traduisent la volonté de l'auteur de fustiger un régime dont il eut à
subir la censure tout au long de sa carrière.
Mais après tout, peu importent les motivations qui nous poussent à aimer, à admirer une œuvre telle que "Le Maître et Marguerite".
L'essentiel, c'est le plaisir qu'elle nous procure.
Oh je ne m'étais jamais penchée dessus et je n'avais pas vu que c'était un peu loufoque, ton avis me donne franchement envie de m'y plonger :)
RépondreSupprimerBonjour Mivava, et bienvenue ici...
RépondreSupprimerJe te conseille effectivement cette lecture, je suis sûre qu'elle te fera passer un bon moment.
Certains passages sont vraiment drôles et inattendus..
Bonne journée.
Bonsoir,
RépondreSupprimerLes classiques, je suis tombée dans le tonneau quand j'étais petite ... Et j'ai toujours mon Emma pas loin, en cas de rechute. Mais, celui-ci, je n'y suis pas arrivée, trop de loufoque pour moi, sans doute, mais le souvenir d'une écriture très, très incisive, comme tu le dis.
Bonsoir Athalie,
RépondreSupprimerLe tout, c'est que chacun puisse trouver, en littérature, celle qui lui convienne...
J'aime bien le loufoque, et j'aime aussi Madame Bovary !
J'ai beaucoup aimé ce roman, ça a été une belle découverte de mon année.
RépondreSupprimerIdem pour moi, comme tu as pu le comprendre en lisant ma note !
SupprimerCa me fait plaisir de voir ici, parmi les coups de coeur, l'un de mes romans favoris - il trône toujours au sommet pour moi :-)
RépondreSupprimerJe crois d'ailleurs que c'est un titre que j'avais noté suite à la parution de ton billet...
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