"La servante écarlate" - Margaret Atwood
Femmes-objets.
Elle est une servante écarlate dans un monde où les femmes sont réduites à l'état d' "ustensiles". Son rôle est de procréer. Pour cela, elle est placée dans de riches foyers dont le couple ne parvient pas à avoir d'enfant, et qui va ainsi disposer de sa matrice. La stérilité, corollaire d'une extrême pollution de l'environnement, est quasiment devenue une généralité.
Defred -puisque tel est le nouveau patronyme de cette servante écarlate, attribué en fonction du nom de l'homme avec lequel elle doit s'accoupler- est par conséquent une denrée rare et précieuse. En tant que telle, elle doit prendre soin de son corps, considéré comme un bien de la collectivité. Nulle possibilité de fuite, ni même de déroger aux règles drastiques qui sont fixées : les espions sont partout, et le moindre manquement est passible de mort. Elle jouit d'un statut privilégié, si on le compare à celui, par exemple, des "éconofemmes", affectées comme compagnes aux membres des classes les plus miséreuses, et son sort est bien plus enviable que celui de celles qui, considérées comme inutiles -parce que trop vieilles, ou trop rebelles- ont été envoyées aux colonies, où elles accomplissent les travaux les plus ingrats et les plus dangereux, jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Les journées sont souvent longues, s'étirent entre de fréquentes plages d'inactivité -la lecture, l'écriture, les distractions en général sont prohibées- et les tâches qu'imposent son rôle de "réceptacle"... Les souvenirs remontent alors à la surface, ceux d'une existence tellement différente, d'un avant dont les images peu à peu s'estompent. Souvenirs de Luke, son mari bien-aimé, de leur petite fille, dont elle ne sait même pas si elle toujours vivante. Nostalgie d'un monde où les individus étaient libres, d'avoir des enfants, d'épouser l'élu(e) de son cœur, où les femmes avaient accès à l'université, aux clubs de sports, pouvaient faire carrière et porter des tenues légères.
Nous ne sommes ni sur une autre planète, ni au XXXème siècle, mais aux États-Unis, au lendemain des années 80. Un coup d'état a permis l'avènement de cette nouvelle société, sous la forme d'une République baptisée Gilead, et d'éradiquer les fléaux qui avaient transformé le monde en un enfer décadent et voué à la destruction. Finies la pornographie envahissante, l'extrême insécurité... Les hommes ont renoué avec ces valeurs séculaires que sont la famille, la procréation... Les émotions, le désir en tête, sont proscrits, voici venue l'ère du pragmatisme puritain, qui reconnait au corps son utilité fonctionnelle, mais renie ses élans et ses besoins.
Mais on a beau dissimuler les corps sous des voiles, interdire tout contact physique qui n'aurait pas pour but la procréation, on ne peut pas empêcher les êtres de ressentir. Le journal que tient Defred, dans lequel elle relate son triste quotidien, foisonne de sensations. La caresse du soleil sur la peau procure un plaisir immense, les odeurs -corporelles, notamment- sont omniprésentes, certains bruits -comme celui de pages qui se tournent- paraissent amplifiés comme si la jeune femme se raccrochait à la moindre manifestation de ses sens pour se rappeler qu'elle est vivante et unique, et tentait d'assouvir ainsi sa soif de contact physique.
Avec ce roman, Margaret Atwood pose la question du statut de la femme dans une société où elle acquiert de plus en plus d'indépendance. Elle met en avant la difficulté à jouir de sa liberté sexuelle tout en imposant le respect de son intégrité physique, et alerte sur les dérives d'une société ultra libertaire, au sein de laquelle le sexe ne serait plus qu'un bien de consommation. Sa République imaginaire (dictature fondée dans le but de parer à ces dérives) et les fanatiques qui la gouvernent font froid dans le dos, la solitude et le découragement de Defred face à l'implacable système qui annihile son individualité attristent.
On se laisse facilement prendre par "La servante écarlate", curieux de découvrir ce qu'il va advenir de son héroïne, et on se surprend parfois à se demander si Gilead, dans certaines parties du globe, n'existe pas déjà un peu...
Elle est une servante écarlate dans un monde où les femmes sont réduites à l'état d' "ustensiles". Son rôle est de procréer. Pour cela, elle est placée dans de riches foyers dont le couple ne parvient pas à avoir d'enfant, et qui va ainsi disposer de sa matrice. La stérilité, corollaire d'une extrême pollution de l'environnement, est quasiment devenue une généralité.
Defred -puisque tel est le nouveau patronyme de cette servante écarlate, attribué en fonction du nom de l'homme avec lequel elle doit s'accoupler- est par conséquent une denrée rare et précieuse. En tant que telle, elle doit prendre soin de son corps, considéré comme un bien de la collectivité. Nulle possibilité de fuite, ni même de déroger aux règles drastiques qui sont fixées : les espions sont partout, et le moindre manquement est passible de mort. Elle jouit d'un statut privilégié, si on le compare à celui, par exemple, des "éconofemmes", affectées comme compagnes aux membres des classes les plus miséreuses, et son sort est bien plus enviable que celui de celles qui, considérées comme inutiles -parce que trop vieilles, ou trop rebelles- ont été envoyées aux colonies, où elles accomplissent les travaux les plus ingrats et les plus dangereux, jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Les journées sont souvent longues, s'étirent entre de fréquentes plages d'inactivité -la lecture, l'écriture, les distractions en général sont prohibées- et les tâches qu'imposent son rôle de "réceptacle"... Les souvenirs remontent alors à la surface, ceux d'une existence tellement différente, d'un avant dont les images peu à peu s'estompent. Souvenirs de Luke, son mari bien-aimé, de leur petite fille, dont elle ne sait même pas si elle toujours vivante. Nostalgie d'un monde où les individus étaient libres, d'avoir des enfants, d'épouser l'élu(e) de son cœur, où les femmes avaient accès à l'université, aux clubs de sports, pouvaient faire carrière et porter des tenues légères.
Nous ne sommes ni sur une autre planète, ni au XXXème siècle, mais aux États-Unis, au lendemain des années 80. Un coup d'état a permis l'avènement de cette nouvelle société, sous la forme d'une République baptisée Gilead, et d'éradiquer les fléaux qui avaient transformé le monde en un enfer décadent et voué à la destruction. Finies la pornographie envahissante, l'extrême insécurité... Les hommes ont renoué avec ces valeurs séculaires que sont la famille, la procréation... Les émotions, le désir en tête, sont proscrits, voici venue l'ère du pragmatisme puritain, qui reconnait au corps son utilité fonctionnelle, mais renie ses élans et ses besoins.
Mais on a beau dissimuler les corps sous des voiles, interdire tout contact physique qui n'aurait pas pour but la procréation, on ne peut pas empêcher les êtres de ressentir. Le journal que tient Defred, dans lequel elle relate son triste quotidien, foisonne de sensations. La caresse du soleil sur la peau procure un plaisir immense, les odeurs -corporelles, notamment- sont omniprésentes, certains bruits -comme celui de pages qui se tournent- paraissent amplifiés comme si la jeune femme se raccrochait à la moindre manifestation de ses sens pour se rappeler qu'elle est vivante et unique, et tentait d'assouvir ainsi sa soif de contact physique.
Avec ce roman, Margaret Atwood pose la question du statut de la femme dans une société où elle acquiert de plus en plus d'indépendance. Elle met en avant la difficulté à jouir de sa liberté sexuelle tout en imposant le respect de son intégrité physique, et alerte sur les dérives d'une société ultra libertaire, au sein de laquelle le sexe ne serait plus qu'un bien de consommation. Sa République imaginaire (dictature fondée dans le but de parer à ces dérives) et les fanatiques qui la gouvernent font froid dans le dos, la solitude et le découragement de Defred face à l'implacable système qui annihile son individualité attristent.
On se laisse facilement prendre par "La servante écarlate", curieux de découvrir ce qu'il va advenir de son héroïne, et on se surprend parfois à se demander si Gilead, dans certaines parties du globe, n'existe pas déjà un peu...
Pour moi: un grand livre, puissant et intelligent. Et, quand on voit les manifs en France, plus que jamais d'actualité...
RépondreSupprimer(Je ne suis pas trop d'accord avec toi sur la classification en SF. C'est plutôt un roman d'anticipation ou une contre-utopie, selon moi.)
A vrai dire, j'ai hésité à le classer en SF, et c'est pour ça que j'ai laissé aussi le libellé "romans".
SupprimerEt effectivement, il est -malheureusement- d'actualité.
Un livre magistral pour moi aussi, que je recommande toujours très vivement.
RépondreSupprimerSi la plume d'Atwood te plait, tu apprécieras peut-être aussi Captive...
Si je me souviens bien, je crois que c'est d'ailleurs sur ton blog que j'ai noté ce titre.
Supprimer... et va pour Captive, alors !
Cela fait plusieurs fois que j'ai dans les mains ce livre sans le prendre, il va falloir que j'y remédie...
RépondreSupprimerEn effet, il vaut le coup. Désolée pour l'alourdissement de ta PAL !!
SupprimerJ'ai entendu beaucoup de bien sur ce livre ! ton avis me conforte dans mon envie de le découvrir.
RépondreSupprimerJe l'ai lu moi aussi suite à de nombreux avis positifs et je ne le regrette pas, c'est un roman vraiment particulier, et qui ne laisse pas indifférent.
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