LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Les lieux sombres" - Gillian Flynn

Sinistrose...

Que s'est-il passé à la ferme des Day, dans la nuit du 2 au 3 janvier 1985 ?
Libby avait alors sept ans. Son frère Ben, âgé quant à lui de quinze ans au moment des faits, aurait, selon son témoignage, sauvagement assassiné leurs deux sœurs et leur mère Patty, dont les cadavres ont été découverts au petit matin par leur tante Diane.

Vingt-cinq années ont passé... Le "pactole" sur lequel vivait Libby, constitué des dons de compatissants anonymes émus par son histoire, est quasiment réduit à néant. Paresseuse, asociale, elle cherche alors un moyen de gagner de l'argent sans travailler. Contactée par un Kill Club* dont les membres sont persuadés de l'innocence de Ben, elle accepte, à leur demande et moyennant rémunération, de rencontrer son frère, qu'elle n'a pas revu depuis le drame.

Comme avec "Les apparences", Gillian Flynn prend son temps pour dévoiler toute la complexité de ses personnages, jouant sur les sentiments contradictoires qu'elle fait naître en nous. C'est ainsi peu à peu que le lecteur prend conscience du traumatisme béant qui hante Libby, dont le statut de victime ne suffit pas d'emblée à nous émouvoir, tant l'auteure la rend insupportable. Narratrice, elle se définit elle-même comme mesquine. Elle donne l'impression de se complaire dans le statut de victime sur lequel elle s'est construite, allant jusqu'à évoquer une sorte d'adoration pour "ses morts", qui lui ont permis d'acquérir reconnaissance et célébrité.

Et puis, par bribes de confessions qu'elle laisse échapper comme à son insu, de faits anecdotiques mais significatifs -comme de ne pas pouvoir dormir sans la lumière et la présence d'un couteau à son chevet- l'ampleur de son traumatisme se révèle, cette "zonedombre" qu'elle enfouit sous les couches de son aigreur, de son apathie, souvenirs d'enfance qui affleurent soudainement, et qu'elle ravale aussitôt, flashs de la nuit tragique dont elle finit par douter de la véracité... en réalité, depuis le 3 janvier 1985, Libby ne vit pas... elle attend la mort.

En alternance avec l'enquête que Libby aide le Kill Club à mener, l'auteur retrace les événements ponctuant la veille du drame.
Une journée en forme de long cauchemar pour Patty, qui commence par une sévère dispute avec Ben, puis l'annonce de la saisie imminente de sa ferme. Nous faisons ainsi plus ample connaissance avec la famille Day, une famille miséreuse d'éternels perdants, de mal aimés, composée de "gosses puants et manipulateurs", d'une mère dépassée, en passe de toucher le fond du désespoir, d'un père alcoolique et violent, parti, mais qui revient imposer sa présence agressive quand il est à court de liquidités, d'un adolescent mal dans sa peau, frustré, qui peine à trouver sa place dans ce foyer de ruralité miséreuse uniquement composé de filles.

Gillian Flynn nous immerge dans une cuve nauséabonde de sordide, dans laquelle elle entasse, couche après couche, toute la laideur que peuvent générer la pauvreté et le malheur, pour ceux qui les subissent, comme pour ceux qui s'en délectent -notamment par fascination du morbide-, ou en tirent profit... Elle dépeint l'enfance comme si elle ne pouvait qu'être le terreau où prolifèrent les germes des existences gâchées.

C'est noir et c'est dense, ça laisse un goût amer, nauséeux, même, comme une addiction dont on se sentirait un peu coupable, mais à laquelle on ne peut résister...

Commentaires

  1. J'avais plutôt aimé cette lecture, tout en n'en gardant pas un souvenir impérissable...

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    1. Je verrais avec le temps si elle est pour moi plus marquante. En tous cas, sur le moment, je l'ai trouvée intense !

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  2. J'avais adoré cette construction narrative qui finit par empoigner ! Presque que plus fort que "Les apparences" ...

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    1. Ah, c'est différent. Il y a ici une dimension sociale qui rend le récit plus poignant, et plus désespérant.

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  3. J'aimerais oublier ce livre pour le relire avec tout autant de plaisir que la première fois. C'était pourtant il y a plusieurs années et j'ai personnellement une très grande propension à oublier mes lecture (surtout les fins de romans policiers...), mais celui-ci m'a vraiment beaucoup marquée.

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    1. Je le comprends sans peine, il est à la fois très efficace, et très dur... je verrai si je me souviens personnellement de la fin d'ici quelque temps, car je suis comme toi, j'ai une fâcheuse tendance à occulter la conclusion de tout de ce que je lis, polar ou non d'ailleurs...

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  4. c'est vrai que j'avais adoré Les apparences et je n'ai jamais penser lire un autre livre de l'auteur... Bon, ta conclusion fait froid dans le dos mais j'aimerais frissonner... :)

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    1. Et bien, frissons garantis, en effet !! Tu vas rendre jaloux ceux qui l'ont déjà lu ..

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  5. J'avais bien aimé ce roman, même si j'avais un peu traînée de la patte. L'intérêt du roman réside vraiment dans l'histoire en flash-back, je trouve, et celle du jeune frère dont la vie en pleine crise d'ado est plutôt bien retranscrite. J'en garde des images très fortes, contrairement à "l'héroïne" narratrice dont je ne me souviens pas de grand chose.
    En terme de plaisir de lecture et donc de souvenir, je reste sur Les Apparences que j'ai largement préféré. Peut-être aussi parce qu'il est le moins dur et le moins tragique.

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    1. Oui, je suis d'accord sur le fait que les flash backs donnent tout son sel à ce roman... je crois que je l'ai autant aimé que Les apparences, dans un genre différent. J'ai apprécié ici la dimension glauque et désespérée..

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  6. C'est un livre que j'ai beaucoup aimé, plus que "Les Apparences" et ses rebondissements incessants...

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    1. Personnellement, je ne saurais trancher, j'ai aimé les deux pour des raisons différentes.

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  7. j'avais abandonné au bout de 100 pages et j'ai vu le film. J'ai bien regretté de ne pas avoir poursuivi ma lecture car la fin est à couper le souffle

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    1. Je ne savais même pas que ce roman avait inspiré un film, mais connaissant la fin, je crois que je m'abstiendrai. Pourquoi avais-tu abandonné au bout de 100 pages, je ne me souviens pas de longueurs particulières ?

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  8. Impossible de rentrer dans l'histoire, je ne peux pas l'expliquer. J'avais été tellement emballée par Les apparences, que j'ai trouvé celui-ci moins bon.

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