LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Un doux parfum de mort" - Guillermo Arriaga

"Il était désormais condamné à vivre comme réel ce passé imaginaire".

Loma Grande est un trou perdu du Mexique, un village misérable, un microcosme replié sur lui-même. La découverte du cadavre de la jeune Adela, poignardée dans le dos, déclenche les inéluctables mécanismes qui y régissent les rapports entre les êtres, et amorce une série de circonstances qui vont mener au drame. 

En quelques heures, la rumeur et la soif de sang font leur oeuvre : Ramon, qui a trouvé le corps, jeune épicier insignifiant vivant chez sa veuve de mère, est désigné comme le fiancé de la victime (dont il avait à peine croisé le regard). De même, le témoignage pourtant bancal d'un des forts en gueule de Loma Grande décide de l'identité du coupable, en la personne de celui que l'on surnomme le Gitan, dont les origines incertaines et le succès auprès des femmes excitent la jalousie et la malveillance. Mais c'est ainsi que ça se passe dans cette bourgade que l'on dirait hors du temps, où se jouent depuis des générations les mêmes rituels : on décide du sort d'un homme entre l'évocation du prix de la tonne de sorgho et une gorgée de bière, on ne songe même pas à faire intervenir une police de toutes façons corrompue, et qui préfère, par paresse ou commodité, détourner les yeux.

Exacerbé, peut-être, par la chaleur étouffante qui poisse les corps, les tourbillons de moustiques qui tourmentent les oreilles, les cris nocturnes des coyotes, le besoin de violence d'une poignée de hâbleurs s'exprime, s'appuyant sur le fumeux prétexte de codes ancestraux en rapport avec l'honneur et la virilité ; le reste de la communauté -y compris ceux qui réalisent l'injustice de ce qui est train de se jouer- laisse faire. Le pitoyable Ramon, soumis au poids du groupe, pris au piège d'une rumeur qu'il n'a pas eu la force de démentir et à laquelle il finit par adhérer lui-même, devient l'instrument d'une vengeance inique et lâche.

En peu de mots, "Un doux parfum de mort" nous immerge dans une atmosphère à la fois plombante et irritante. L'auteur déroule l'implacable mécanique de son intrigue jusqu'à l'inexorable dénouement, en une succession d'épisodes à la dimension parfois théâtrale, voire burlesque, mêlant comique de situation et tension dramatique.

Un texte bref, mais efficace et prégnant.

Commentaires

  1. un polar mexicain, pourquoi pas? Je n'ai lu aucun auteur mexicain, j'avoue...

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    1. Je n'en ai pas lu beaucoup non plus, c'est le 4e auteur mexicain chroniqué ici, sachant que j'ai été très déçue par deux d'entre eux (Federico Vite et Juan Pablo Villalobos)... le hasard fait que je lis en ce moment une autrice mexicaine (Aura Xilonen : "Gabacho") et ce n'est pas vraiment un coup de cœur non plus ! En recanche, celui-là est très bien et sinon, "Pedro Paramo", de Juan Rulfo, considéré comme un grand classique de la littérature mexicaine, est à lire, vraiment...

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  2. Pourquoi pas ? Je n'ai pas beaucoup d'auteurs mexicains non plus dans mes rayons mais je n'ai pour l'instant pas été déçue (à part une vieille lecture qui remonte mais dont le titre et l'auteur m'échappent). Par contre j'avais noté Gabacho qui m'avait l'air prometteur mais je vois qu'il ne t'a pas convaincue ?
    Sinon, petite parenthèse, j'ai fini le Cixin Liu ! Yes ! Je serai donc bien prête pour le 27.:-) Quelle imagination démente cet auteur quand même !

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    1. Je n'ai pas encore fini Gabacho, dont le style me gêne, car il ne me semble pas adapté au narrateur, clandestin mexicain de moins de vingt ans, qui parle par moments avec un lyrisme débridé, et utilise au détour de certaines phrases des mots très savants... est-ce volontaire de la part de l'auteure, pour créer une sorte de décalage entre fond et forme ? Toujours est-il que cela m'empêche de m'impliquer vraiment dans la lecture...

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  3. J'avais entendu tellement de bien de ce roman que j'avais fini par l'acheter quand je l'ai trouvé en bouquinerie. Et depuis que je l'ai posé sur étagère, il n'en a pas bougé :(

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    1. Je l'avais trouvé en bouquinerie aussi, et c'est pareil, il a traîné un moment sur mes étagères avant que je le lise. Comme tu l'auras compris, je suis ravie de l'avoir enfin lu !

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