LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Farallon Islands" - Abby Geni

"Pour lui, la plus grande illusion des humains était de croire qu'ils étaient en dehors de la nature – qu'ils ne faisaient pas partie de la chaîne alimentaire – qu'ils n'étaient pas eux-mêmes des animaux."

L'archipel des Farallon, situé à une cinquantaine de kilomètres au large de la Californie, est composé d'îlots rocheux dont un seul -l'île du Sud-Est- est habité, par une équipe de biologistes vivant, pour certains depuis plusieurs années, déconnectés de la société...

C'est sur ce caillou hors du monde que débarque, avec l'intention d'y rester un an, Miranda, photographe animalière-nature, qui après avoir parcouru le monde à saisir dans l’œil de ses objectifs paysages et faune de toutes les latitudes, s'est trouvée irrémédiablement et inexplicablement attirée par ces îles, découvertes à l'occasion d'un reportage télévisé. 

L'accueil y est froid, comme si ses "hôtes" s'étaient à peine aperçus de son arrivée, et l'environnement hostile, peuplé de hordes d'oiseaux et de milliers de souris provoquant un bruit et un grouillement incessants, souvent obscurci par un brouillard se déroulant à perte de vue... Les hivers sont rudes, les orages évoquent le jugement dernier, le sol, que les myriades de rongeurs ont rendu meuble, est instable et susceptible d'occasionner une entorse, voire pire, au moindre pas. La configuration de l'île, aux côtes escarpées, déchiquetées, empêche même tout accostage..

Le refuge où vivent les six scientifiques, dont une stagiaire, est dépourvu de tout confort. Les conditions de vie sont spartiates, la promiscuité annihile toute intimité, et la règle consistant à ne parler ni de soi ni de son passé réduit les quelques échanges à des considérations scientifiques, au fil des migrations animalières qui ponctuent les saisons. Car ainsi se décompose le temps, sur les Farallon : après celui des requins, vient celui des baleines, puis celui des phoques, et enfin celui des oiseaux... rythmant l'organisation des scientifiques, nourrissant les obsessions, hantant les rêves.

Contrairement aux prévisions tacites des autres habitants de l'île, Miranda tient, et reste. Se prenant même pour cette terre coupée du monde d'une obscure passion, elle imagine fusionner avec les Farallon, les personnifie, se persuade qu'elle bénéficie de leur protection... Elle noue des rapports amicaux, bien que sans réelle profondeur, avec Mick, dont la gentillesse tranche avec l'indifférence, voire la froideur agressive des autres membres de l'équipe, et Charlene, la stagiaire, ouverte et facile à vivre.

Des événements inquiétants viennent bientôt assombrir cette atmosphère déjà délétère... apparitions du spectre d'une femme vêtue de blanc, accidents, agression... sous la chape de silence imposée par les occupants de l'île, les secrets des uns et les démons des autres instillent leur insidieux poison dans les relations qui lient, parfois à leur corps défendant, les personnages.

Qu'est venue chercher Miranda sur ce rocher isolé et dangereux, au milieu de biologistes grincheux ? Le récit est constitué des lettres qu'elle écrit quotidiennement à sa mère, morte alors qu'elle avait quatorze ans. On comprend peu à peu que toute son existence s'est focalisée sur la défunte, qu'elle en a fui les vivants, sa terreur de s'attacher à quiconque sur du long terme la poussant à un déracinement et un dénuement permanents. Elle échoue sur les Farallon comme si s'y trouvait l'issue de sa course -plutôt de sa fuite- à travers le monde, motivée par l'inconsciente hantise de la possibilité de la perte. Elle est attirée par les îles sans savoir ce qu'elle y cherche, mais elle y trouve le motif d'un terme à son errance, comme si elles représentaient la fin du chemin entamé à la mort de sa mère, d'un long et innommé processus de deuil.

A lire !

Cette lecture s’inscrit dans le thème du jour du Mois Américain (premier roman) :


Commentaires

  1. Un roman surprenant, qui ne va pas forcément là où on l'attend (et ça, j'aime !)

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    1. C'est très juste, c'est aussi son originalité qui m'a en grande partie conquise.

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  2. J'ai beaucoup aimé cette lecture et l'ambiance de l'île.

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    1. Une drôle d'ambiance, hein ? C'est sûr que c'est une lecture qui nous emmène dans un univers inhabituel... mais c'est très excitant !

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  3. Il est dans ma pal et je sens que l'atmosphère va beaucoup me plaire.

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    1. C'est une de ses plus grandes forces, mais ce n'est pas la seule... je suis sûre, oui, qu'il te plaira !

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  4. Je me souviens de cette atmosphère si particulière, un excellent roman. Il m'avait complètement accrochée.

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    1. Et qui laisse visiblement une empreinte assez durable, ce qui ne m'étonne pas !

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  5. Je lis en ce moment Rosenthal qui se sert aussi d'animaux pour nous parler des hommes. Je note Farralon Island. ( je doute que ma biblio l'ait... mais comme j'y vais, je regarderai si le livre y est...

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    1. Je ne sais pas si on peut dire qu'Abby Geni se sert des animaux pour parler des hommes, même si, en effet, la citation en début de billet pourrait le faire croire... J'espère que tu le trouveras, en tous cas !

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  6. je l'ai acheté cet été et vais le lire un jour ! je suis contente de voir qu'il plaît !

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    1. Je crois n'avoir lu aucun avis négatif à son sujet. C'est un premier roman très réussi, avec un ton singulier, une ambiance vraiment originale.

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  7. J'ai toujours en mémoire le billet enthousiaste de Marilyne. Pour autant, je n'ai toujours pas bouclé ma ceinture pour cette destination...

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    1. Laisse-toi tenter, c'est un voyage étrange et fascinant, bien qu'un peu toxique !

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  8. Il y a de grandes chances pour que cela me plaise.

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  9. L'histoire me plaît et le lieu aussi. A retenir donc !

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    1. Oui, car c'est aussi très bien traité. Je suis allée voir sur internet des photos de ces îles, en effet fascinantes...

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  10. j'avais vu quelques commentaires mais sans être convaincue, le côté froid et isolement me faisait craindre un côté dystopique ... Visiblement, ce n'est pas vraiment le cas. je note, du coup !

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    1. Non, ce n'est pas du tout une dystopie, plutôt un huis-clos un peu particulier... et un roman à l'ambiance très réussie.

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