LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Iboga" - Christian Blanchard

"Je suis né de pas grand chose, j’ai vécu pour rien et je vais mourir dans l’indifférence."

1980. Jefferson Petitbois, jeune noir de dix-sept ans, est condamné à la guillotine pour meurtres et viol. L'abolition de la peine de mort qui suit l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand commue cette condamnation en détention à perpétuité. Il quitte alors le couloir de la mort de Fresnes pour la cellule d'un quartier hautement sécurisé d'une prison de province, après avoir violemment agressé un maton qui lui avait manqué de respect.

La perspective des longues années d'enfermement lui ferait presque regretter, certains jours, d'être encore vivant. Le temps s'étire dans une solitude quasi-totale, ses seuls contacts sont ceux qu'il entretient avec ses gardiens, dont "Chef Martin", un raciste décérébré qui le harcèle, et Jean Dumont, qui donne à Jefferson le goût de la lecture, et l'encourage à écrire. La visite d'une psychologue, après quelques années de détention, lui laisse entrevoir l'espoir d'une sortie. En échange, elle veut qu'il revienne sur ses crimes, afin d'en livrer sa vérité, "la vérité selon Jefferson Petitbois". 

Mais la conscience de ce dernier se montre fort rétive face à ses tentatives d'introspection... 

Il évoque par bribes son triste parcours, celui d'un gamin de l'assistance publique qui, de foyers en familles d'accueil, a toujours été exclus en raison de sa couleur de peau. L'abandon, non seulement par sa mère, mais aussi par une société qui, par l'intermédiaire de ses institutions et de ses représentants, lui a imposé des efforts constants d'adaptation, de soumission, sans rien lui donner en retour. L'absence de repères stables, d'affection, d'attention, a été le terreau d'une colère et d'une violence qui ont très tôt hanté ce gamin égaré et oublié de tous. Un terreau qu'a su cultiver Max, que Jefferson rencontre lorsqu'il a quatorze ans. L'homme, noir comme lui, le secourt lors d'une tentative de suicide. Gourou obscur et solitaire, Max devient son mentor, l'initie à l'Iboga -drogue censée le faire retourner dans ses vies antérieures et plonger dans ses racines- et l'entraîne dans une série de meurtres, qu'il justifie en les dotant d'une dimension ésotérique, et salvatrice pour leurs victimes. 

"Iboga" est le récit de la lutte de Jefferson avec lui-même pour tenter de déverrouiller les tiroirs dans lesquels sont enfermés ses souvenirs. Ses contradictions laissent deviner l’ampleur du déni, des omissions qui amputent ses confessions d'une part -et sans doute la part primordiale- de la vérité. Il indique ne pas nier les actes dont il s'est rendu coupable, mais admet ne pas vouloir s'y replonger. Il affirme n'éprouver aucun regret mais est poursuivi de cauchemars laissant soupçonner l'expression de sa propre horreur face à ses crimes. Ainsi, ni Jefferson ni le lecteur ne sauront jamais vraiment comment il est tombé dans cette sauvagerie, ne connaîtront le détail des mécanismes d'emprise et de dépendance qui l'y ont amené.

J'ai trouvé dommage que l'auteur ne permette pas à son héros et narrateur de mieux entrevoir les origines et les manifestations de sa folie. A force de zones d'ombre, le récit finit par acquérir une dimension superficielle, et nous laisse à la surface d'une personnalité au potentiel pourtant passionnant.

Commentaires

  1. Ton extrait en introduction, pfiou ! Dommage pour les bémols, ce livre aurait pu me tenter.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il n'y a en effet pas grand-chose à redire au style, il est bien écrit. C'est juste qu'il m'a semblé que le sujet méritait un traitement plus profond...

      Supprimer
  2. LEs récits sur la peine d emot m'intéresse toujours même si elle n'existe plus en France mais bon, il y a trop de bémols...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et ce n'est pas vraiment un livre sur la peine de mort, finalement, plutôt sur l'emprise et la manipulation psychologique..

      Supprimer
  3. Pas trop pour moi ce genre de lecture et tes bémols en plus, je passe.

    RépondreSupprimer
  4. Je sens que ce livre n'est pas pour moi et pourtant, il a des côtés attractifs.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, le thème est intéressant, et son écriture est efficace, sans être simpliste. J'avais noté ce titre suite à un billet d'ailleurs très élogieux (mais je ne sais plus où)... Dommage que le sujet soit traité, à mon avis du moins, trop superficiellement..

      Supprimer
  5. pas trop pour moi, du moins en ce moment...j'ai besoin d'un peu de légèreté il y a tellemens de violence dans ce monde... Même pas envie de lire un polar ces derniers temps :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cela arrive... et si je devais te conseiller un polar, tu auras compris que je ne choisirais pas ce titre...

      Supprimer
  6. Oh, quel dommage... Ça partait bien. Mais je crains trop que tes bémols soient communicatifs. Je passe...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, le synopsis est alléchant, mais pas assez exploité... ça fait un titre de moins dans ta liste de souhaits..

      Supprimer
  7. Cela tombe bien, car cela ne me disait rien de bons de toute façon (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'en suis pas vraiment étonnée, figure-toi, ce n'est pas un livre pour toi, en effet !

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Compte tenu des difficultés pour certains d'entre vous à poster des commentaires, je modère, au cas où cela permettrait de résoudre le problème... N'hésitez pas à me faire part de vos retours d'expérience ! Et si vous échouez à poster votre commentaire, déposez-le via le formulaire de contact du blog.