LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"La chambre verte ou la chute de la maison Delorme" - Martine Desjardins

Drame chez les Picsous québécois.

Le récit s'ouvre sur une introduction fort intrigante : des huissiers découvrent un cadavre momifié dans le coffre-fort souterrain d'une maison qui s'avère être la narratrice...

Nous sommes à l'Enclave (au Québec), labyrinthe d'impasses et de ronds-points, banlieue d'une ville modelée par un urbaniste monarchiste sur les lignes entrecroisées formant le drapeau du Royaume-Uni. La maison est celle de la famille Delorme, dont elle (la maison, donc, si vous avez bien suivi) va nous conter la chute... Bâtie par le patriarche Prosper, modeste paysan qui fit fortune grâce à son entêtement à conserver des terrains guignés par une compagnie de chemins de fer alors en pleine expansion -quand tous ses voisins se sont empressés de vendre à la première offre, dérisoire-, elle est ensuite occupée par son fils Louis-Dollard et sa bru Estelle, ainsi que par ses trois filles, aux prénoms et aux marottes plus excentriques les uns que les autres, affectées, sous l'intraitable férule de leur belle-sœur, aux tâches ménagères et à la cuisine.

La particularité des Delorme est d'avoir érigé la pingrerie au rang de religion, le souci de la moindre économie déterminant chaque geste, chaque décision. Le sous-sol où sera trouvé le cadavre évoqué ci-dessus est d'ailleurs la chapelle, aménagée par Prosper, où la famille rend hommage au Dieu Argent, et où s'entasse la fortune qu'elle est trop méfiante pour laisser à la banque. 

L'arrivée de Pénélope Sterling, nouvelle locataire de l'immeuble dont sont propriétaires Louis-Dollard et Estelle, va sonner le glas de cette stérile opulence. Obsédés par la richesse que la jeune femme doit à l'invention d'un jeu de société, ils n'ont plus qu'une idée en tête : la marier à Xavier, leur fils unique. Bientôt rentré du camp de scouts où il a passé l'été, ce dernier est embarrassé par les peu subtiles manigances parentales. Il faut dire que Xavier n'est pas comme les autres Delorme : c'est un jeune homme simple et ouvert qui montre aussi peu d'intérêt pour l'argent que pour l'épargne. C'est la raison pour laquelle la maison, qui chaque jour se désole de sa décrépitude, est décidée à tout mettre en oeuvre pour qu'il soit son futur propriétaire, car il est le seul susceptible d'engager enfin des frais pour la "renipper".

Je me suis installée dans ce roman pleine de la confiance que me donnaient le plaisir de la lecture de deux autres titres de Martine Desjardins, son ton drôle et sarcastique, et les situations cocasses et caricaturales, évoquant les obsessions secrètes des membres détestables et ridicules de la famille Delorme, ou leurs manœuvres inventives pour économiser le moindre sou ou le moindre grain de sucre. Mon enthousiasme est malheureusement retombé assez vite, face aux ficelles grossières tissant une intrigue sans réelle surprise, dont on prévoit les rebondissements, il est vrai sans doute intentionnellement annoncés par l'auteur, dans sa volonté de jouer sur le registre d'une horreur  à la fois baroque et comique.

Portée par le souvenir de l'envoûtement provoqué par l'originalité troublante de "Maleficium" et de "L'alliance de sel", de cette même auteure, j'avoue avoir eu du mal à y trouver mon compte...

Commentaires

  1. Je viens de chez Marie-Claude, je te suis ici, et je comprends ce que tu disais là-bas... Passionnant comme commentaire, non ?

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    1. Mais oui, j'aime bien lire la synthèse de tes pérégrinations bloguesques ! C'est étrange d'imaginer que l'on doit souvent se croiser, voire se trouver au même "endroit", sans le savoir... très philosophique comme commentaire, non !?

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  2. Je n'ai lu aucun des romans que tu évoques mais tes bémols suffisent à me refroidir...

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    1. Attention, mes bémols ne concernent QUE ce titre, les deux autres que je cite sont excellents (avec une petite préférence pour Maleficium, peut-être...).

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  3. J'avoue que de ses trois romans, c'est celui qui m'a le moins emballée. Une chance que l'Histoire autour de Mont-Royal était présente, sans quoi j'aurais décroché. Connaissant bien Montréal, j'ai aimé ce petit côté historique qui m'a appris plein de choses, dont ce fameux tunnel! Mais je comprends que pour toi, ça peut tomber à plat.

    Je suis (agréablement) surprise de savoir qu'elle est publiée en France et que les droits de ses romans sont achetés. C'est la première fois que je vois un de ses romans sur mes blogues chouchous.

    Quoiqu'il en soit, ses romans sont à part dans la littérature québécoise, et pour ça, j'applaudis!

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    1. Tout à fait d'accord sur son originalité, j'avais trouvé Maleficium et L'alliance de sel vraiment très singuliers. Même si ce titre m'a un peu déçue, je suivrai ses éventuelles prochaines publications !

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    1. Mais si mais si ! Tu peux noter Maleficium et L'alliance de sel (en plus, ils sont courts...).

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  5. Même commentaire qu'Aifelle :) ( hors-sujet : prête pour notre lecture commune de demain ).

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    1. Donc même réponse, et oui pour demain, mais tu as bien fait d'en parler, j'avais programmé mon billet pour le 15 (alors que j'avais bine noté le 14...).

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    2. Oh, je voulais dire que j'étais prête, te rassurer ( j'ai trop souvent les envies plus grosse que la disponibilité :-p )

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    3. Je n'étais pas inquiète, je m'étais simplement trompé de date, du coup ton petit mot est tombé à pic ! A demain, donc !

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  6. les picsous québécois, je savais que le Caribou allait sauter de joie ! je ne connaissais pas cette série mais bon .. pas envie ! mais j'ai bien aimé te lire !

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    1. Ce n'est pas une série... cette auteure, si je comprends bien, a écrit à ce jour 3 romans, bien distincts, et les deux premiers que j'ai lus sont très bons.. celui-ci un peu moins, donc, même si certains passages sont quand même très drôles, oui j'ai pensé de suite à Picsou, face aux descriptions de ces horribles Delorme qui économisent le moindre gramme de café instantané... et qui voue un véritable culte, au sens propre, à l'argent, dans une chapelle recouverte de pièces de monnaie...

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  7. Les grosses ficelles, c'es rédhibitoire pour moi !

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    1. Disons que je pense que c'est volontaire de la part de l'auteure, mais comme toi, je n'y suis pas vraiment sensible ...

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  8. Je m'étais bien installée via ton billet dans ce roman et puis ta conclusion a coupé court !

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    1. En fait, ce qu'il faut retenir, c'est que Maleficium et L'alliance de sel sont, eux, à lire. Comme le dit justement Marie-Claude, ce sont des titres vraiment à part, étranges et troublants..

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  9. Et comme je suis une lectrice docile, je ne retiens que tes derniers conseils ! Allez hop, dans la PAL !

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    1. Très bonne idée, je garde notamment de Maleficium, plusieurs années après sa lecture, un goût de perversion à la fois fascinante et rebutante.. un texte très étrange... à lire, vraiment.

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  10. Ah la la le début du billet est tellement prometteur ! Et puis... sans avoir lu le roman je partage ta déception.Bon je note que les autres titres sont nettement mieux !

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  11. Pour ma part, j'ai adoré! Ce roman m'avait été chaudement recommandé par le libraire présent sur le stand Québec au salon du livre de Paris l'an dernier. https://livreveriefr.blogspot.com/2018/04/la-chambre-verte.html

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    1. Je te conseille donc fortement les autres romans de cette auteure parus en France, ils sont excellents, et je les ai trouvés plus subtils, plus troubles que celui-là..

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    2. Disons que celui-ci, je l'ai tout de suite pris pour une grosse farce. Or habituellement, les grosses farces sont d'une écriture bien moins bonne, il faut le reconnaître… Là, c'est le sommet de la farce que l'on déguste, si je puis dire. ^^

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    3. Je n'ai rien à redire à l'écriture, Martine Desjardins a une plume alerte et éloquente, c'est davantage son choix narratif qui ne m'a pas complètement convaincue.

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