"Je suis le fleuve" - T. E. Grau
"Le Fleuve tumultueux monte et m'engloutit, de plus en plus bruyant tandis que je m'enfonce. Trempé et froid."
Ce roman m'a happée avec une telle force que je l'ai lu d'une traite...

Cinq ans auparavant, mobilisé au Vietnam, Israël Broussard était en passe d'être jugé en cour martiale pour avoir refusé de tirer sur l'ennemi lors d'un assaut. Il a valu d'y échapper à Augustus Cornwallis Chapel, un mystérieux officier qui le recruta, avec quatre autres soldats, pour mener une opération clandestine contre les Vietcongs au Laos...
Depuis, Israël se terre à Bangkok, errant tel un mort-vivant dans la Cité Flottante en proie à d'infernaux démons qui se matérialisent en visions prégnantes, sous la forme d'un Molosse-Noir menaçant et gigantesque, d'un Fleuve à l'eau rampante inondant ses pieds en permanence... Oscillant entre l'horreur d'hallucinations s'immisçant dans le réel et les comateuses accalmies que lui procurent opium et Dexedrine, il nous entraîne dans le magma qu'est devenue sa conscience hantée par la culpabilité, où se mêlent les manifestations délirantes de traumatismes passés et récents.
L'irruption d'un agent de la CIA en quête de réponses sur la mystérieuse mission à laquelle a participé Israël, le pousse à revenir aux racines de son tourment.
T. E. Grau choisit pour décrire l'horreur de la guerre d'approcher l'intime, d'exprimer la dévastation intérieure, éreintant au passage, avec un amer cynisme, une Amérique qui s'érige en gendarme du monde, état meurtrier sacrifiant sans scrupule, au nom de sa pseudo-grandeur morale, ses ennemis comme ses propres citoyens.
Mais ce que l'on retient surtout de "Je suis le fleuve", c'est sa puissance d'évocation hors normes, cette osmose entre noirceur hallucinée et lyrisme, propre à nous faire entendre les bruissements de cet enfer vert qu'est la jungle, avec ses sangsues, ses moustiques, ses fourmis, et sa végétation agressive, à nous imprégner de son humidité, à nous faire sentir les odeurs d'égouts et de poisson pourri des rues grouillantes, comme si nous avions investi l'esprit d'Israel Broussard. "Je suis le fleuve" ne se raconte pas, d'ailleurs. Il se vit, de manière quasi hypnotique...
Je vois que tu continues à faire dans le primesautier ;-) Ceci dit, le thème est très intéressant et je crois malheureusement que beaucoup d'Etats ont peu de scrupules à utiliser leur population au delà de l'acceptable.
RépondreSupprimerLe prochain sera un peu plus léger (quoique...) ! Le thème est intéressant, oui, mais ce n'est pas ce que j'en retiendrai. Ce qui frappe ici, c'est vraiment la puissance d'écriture de T.E. Grau. Et comme j'aime le noir et les textes qui bousculent, c'est un auteur que je vais suivre de très près !
SupprimerLà, pas envie, et pas le livre, ouf!
RépondreSupprimerEt hop, un de moins à noter pour le dé-confinement !
SupprimerAh voilà, tu l'as lu! Tes mots retranscrivent à la perfection ce livre hors du commun!
RépondreSupprimerComme tu vois, je n'ai pas pu attendre bien longtemps, il me faisait de l’œil depuis que je l'avais ajouté à mes étagères, et je n'ai pas été déçue, quel texte !! Un auteur à suivre, assurément !
SupprimerAh ? Je suis intriguée. D'emblée comme ça j'aurais fui, les thématiques ne m'attirant pas du tout mais si le roman t'a happée... Ça a l'air d'être une expérience de lecture intense et particulière.
RépondreSupprimerC'est le moins qu'on puisse dire.. Et comme je l'écris en réponse à Aifelle, au-delà de la thématique, ce qui importe ici, c'est la capacité de l'auteur à nous plonger dans l'esprit de son personnage, à nous faire ressentir sa démence, son traumatisme. Très fort, oui !
SupprimerHé bien, ça a l'air rude... je ne prends pas note...
RépondreSupprimerOui, c'est rude, à noter seulement par ceux qui aiment le noir brutal !!
SupprimerAlors, moi, j'aime le noir brutal, donc je note !
RépondreSupprimerC'est fou, j'étais justement en train de penser à toi au moment de rédiger ma réponse au commentaire de Kathel !!
SupprimerPeut être pas l'ambiance dont j'ai envie pour le moment mais je me note pour plus tard.
RépondreSupprimerMerci pour la recommandation.
Bonjour Laura,
Supprimeravec plaisir, ce n'est en effet peut-être pas une lecture adaptée à l'atmosphère du moment, mais c'est un titre à découvrir, c'est certain, quitte à le faire plus tard, en effet !
Ah ça pourrait me plaire ! L'Asie... et le fait que tu aies été happée.
RépondreSupprimerIl est court, mais intense, et nous fait découvrir l'Asie par des chemins plutôt glauques... mais j'ai aimé, justement pour toutes ces raisons !
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