LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"L'insondable profondeur de la solitude" - Hao Jingfang

"Choisir d'être soi-même, c'est une forme de courage".

C’est avec enthousiasme que je me suis lancée dans la lecture de ce recueil, noté suite à un billet élogieux de Guillome, par ailleurs occasion de cumuler incursion en Chine et interlude « SF »… Malheureusement, je dois bien avouer que le résultat n'a pas été à la hauteur de mes attentes...

Cela commençait plutôt bien, l’auteur faisant preuve d’une subtile inventivité dans sa première nouvelle ("Pékin origami"). Elle y imagine une société future organisée selon un système d'alternance sociale que matérialise une division d’espaces urbains qu’un mécanisme de basculement fait "vivre" à tour de rôle. Ainsi, trois groupes de population se partagent des tranches de de quarante-huit heures, les immeubles d’un espace se repliant pour laisser la place à l’un des deux autres… Un fonctionnement qui concrétise aussi les inégalités, l’espace comptant le plus grand nombre d’habitants disposant d’un temps moindre, et qui plus est nocturne. C’est dans ce troisième espace que vit Lao Dao. Modeste trieur de déchets (ce troisième espace reçoit et traite l’intégralité des ordures de Pékin), il a besoin d’argent pour permettre à sa fille Tang Tang, encore enfant, une ascension sociale à laquelle il a lui-même renoncé. Pour cela, il a accepté, à ses risques et périls, d’infiltrer le premier espace afin d’y accomplir une mission très bien payée… 

D’autres nouvelles illustrent l’imagination de Hao Jingfang, qui s’inspire des possibilités et des risques inhérents au progrès technologiques, extrapole le monde de demain à partir de données scientifiques mais aussi sociétales d'aujourd'hui. Il est ainsi question de clones ou de colonisation d'autres planètes, mais aussi d’invasion extraterrestre, ou encore d’un monde où l'activité cérébrale des individus a été intégrée sur le réseau internet pour coaliser les capacités de calcul et supprimer les limites de l'expérience. On visitera des cliniques où la dépression se soigne en intégrant au cerveau un programme répétitif, à moins que des patients plongés dans le coma ne soient soulagés par des enregistrements leur faisant croire que la vie a réalisé tous leurs fantasmes.

Mais c’est l’Homme que Hao Jingfang place au cœur de ses textes, l’Homme, ses forces et sa vulnérabilité, la manière dont il fait face à ces mutations, et les questions existentielles qu’elles posent. Qu'est-ce qui caractérise aussi bien l’individu que la société qu’il a fondée ? Quelle est le poids de la mémoire collective, de la transmission des rites et des mythes, de son sentiment d’appartenance à la communauté dans sa construction personnelle ? Quel est l’avenir d’une société qui s’uniformise et préfère, au maintien de sa liberté d’agir, de penser, la facilité du confort matériel, d’une relative sécurité ?

Le regard que semble porter l’auteur sur notre monde à travers ces textes est à la fois plombé d’un douloureux cynisme face au constat de ce que nous avons fait de nos capacités -inégalités sociales persistantes, importance de l'image au dépens des échanges-, et porté par l’espoir qu’il existera toujours une poignée de résistants, d’altruistes prêts à combattre jusqu’à la mort pour un monde pas forcément meilleur, mais un monde où l’homme conservera son libre arbitre et la volonté de construire quelque chose ensemble.

Des thématiques passionnantes, me direz-vous… 

Certes, mais elles sont desservies par un style que j’ai trouvé terne, malgré la poésie que recèle certaines de ses inventions, et par un manque d’équilibre dans le traitement des divers textes, dont certains m’ont paru trop longs, trop "dilués", alors que d’autres m’ont laissée sur ma faim, car n’exploitant pas suffisamment une bonne idée de départ. De plus, le recueil compte des nouvelles plus surnaturelles que futuristes, sorte de contes sombres et cauchemardesques, nous emmenant dans l’au-delà, ou dans des dimensions parallèles, qui amoindrissent la cohérence de l’ensemble, même si j’ai trouvé certaines d'entre elles assez distrayantes.

Commentaires

  1. La SF ce n'est pas du tout pour moi, sauf exception ... celui-là n'en fera pas partie ;-)

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    1. Je n'en lis pas très souvent, mais j'aime bien, de temps en temps, quand ce n'est pas trop technique...

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  2. Je tenterai peut-être malgré tous tes bémols... Dommage qu'il soit chinois car je cherche plutôt des auteurs coréens :-)

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    1. Certaines des nouvelles sont assez plaisantes, et comme je l'écris dans mon billet, il y des inventions intéressantes.. je serai curieuse d'avoir ton avis, en tous cas..

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  3. arf, désolé hein, mais sur ce coup, c'est ma moitié qui l'a lu et chroniqué, ce n'est pas moi le responsable (ah ah ah), moi je vais le lire plus tard je pense !

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    1. Tu n'as pas à être désolé, comme je l'ai écrit sur ton blog, on ne peut pas gagner à chaque fois ! Je suis curieuse de savoir s'il te plaira, du coup...

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  4. J'aurai pu dire exactement la même chose qu'Aifelle !

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    1. Et comme tu l'auras compris, ce n'est de toute façon pas ce titre que je t'aurais conseillé pour une incursion dans le genre..

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  5. la SF et moi ça fait deux - j'aime bien ton regard sur ta lecture, tes espoirs et puis.. et comme toi SF et fantasy sont deux choses différentes. Je n'en lis pas mais par contre, je regarde les films. Bon, allez maintenant une lecture plus joyeuse !

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    1. Ce qui se passe souvent quand je lis de la SF, c'est qu'il n'y a pas de demi-mesure, soit je suis complètement emballée, soit je suis déçue parce que l'auteur n'a pas réussi à m'embarquer dans son univers. C'est très difficile, je trouve, d'écrire de la bonne SF, il faut provoquer l'évasion tout en restant crédible, afin que le monde créé soit palpable, et qu'on y croie... il ne faut pas embrouiller le lecteur dans des considérations trop scientifiques, tout en donnant suffisamment d'épaisseur à l'intrigue, au contexte... et c'est pareil pour les films (mais j'en regarde très peu, c'est encore plus difficile de me convaincre sous ce format...)
      J'avais adoré par exemple la trilogie de Liu Cixin, qui débute par "Le problème à trois corps", complètement dépaysante, mais très consistante, sans toutefois être imbuvable !!
      Et je crains que mes prochaines lectures ne soient pas beaucoup plus gaies ... !

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  6. Ah zut, j'étais toute prête à noter. Chinois + SF, c'est assez rare (traduit en France du moins) (et j'avais tellement adoré Liu Cixin) pour qu'on ne s'y intéresse pas mais bon, il faut que le style y soit tout de même.

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    1. Je me demande si tu ne peux pas lire, en ligne ou autre, que la 1ère nouvelle du recueil, "Pékin origami", qui n'est pas mal...

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  7. Merci pour cet avis, je passe mon tour...

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  8. Je te dis : MERCI ! C'est épuisant de noter des titres qu'on voit sur les blogs, alors qu'on sait qu'on n'en lira pas la moitié... Surtout quand nos blogs préférés ont une vitesse de publication ahurissante... Vois-tu de qui je veux parler ? Alors, là, je ne note pas, c'est parfait.

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    1. Hi, hi... mais si je publie aussi régulièrement, c'est justement pour faire monter la PAL des autres, et proportionnellement atténuer l'angoisse que me suscite la mienne ! Non, je plaisante (quoique...), mais c'est vrai que je profite des week-ends de confinement pour rattraper les heures de lecture que je pratique habituellement dans les transports en commun en allant travailler... du coup j'ai quelques titres d'avance sur mes billets.
      Ne te réjouis pas trop vite, j'ai quelques coups de cœur à venir (celui d'aujourd'hui par exemple) !!

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  9. Perso, j'aime beaucoup la SF - ce qui est bizarre, c'est que je n'en lise pas davantage. Et bizarrement, ce billet me donne envie tout de même. ^^

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    1. Dans ce cas, laisse-toi tenter, l'avis suite auquel je l'ai noté était très enthousiaste !

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  10. J’aime bien la SF de temps en temps, mais pas trop le surnaturelle (Goran : https://deslivresetdesfilms.com)

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    1. J'aime bien les deux, de temps en temps aussi, mais là ça m'a gênée que les genres soient mélangés dans un même recueil par ailleurs estampillé "SF"..

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  11. Ah dommage ! Tu vas être contente Ingannmic j'ai organisé un concours pour gâter les participantes au challenge coréen ;-)
    http://depuislecadredemafenetre.blogspot.com/2020/05/concours.html

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  12. Inutile de dire que la citation que tu as mise en exergue m'a follement donné envie de lire ton billet ! Mais si, comme tu le dis, le style est terne, alors le livre n'est pas pour moi.

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    1. C'est dommage, car comme je le dis dans mon billet, ce recueil compte quelques bonnes idées, et entame des pistes de réflexions intéressantes, mais bon, cela ne suffit pas...

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