LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

LES TOILES DU SEMESTRE (7) - 01/06 2020

Un bilan cinéma un peu particulier, plombé par cette satanée claustration imposée qui m'aura définitivement confirmé que... :

... je suis une fille du "dehors", allergiques aux atmosphères confinées et aux journées passées dans le canapé (sauf une fois de temps en temps, avec un bon bouquin en main)...
... l'association des verbes "aller" et "travailler" m'est infiniment précieuse...
... la zumba n'est pas une activité qui se pratique aisément en solitaire, contrairement au yoga...
... travailler son crawl dans une baignoire d'un mètre trente équivaut à s'essayer au parapente en sautant d'une chaise...


... JE SUIS UNE ACCRO DU CINEMA... vous ne pouvez pas savoir à quel point m'ont manqué l'odeur de vieux fauteuil des cinémas de quartier, ce petit pincement qui chaque fois me gagne quand la lumière s'éteint, cette étrange intimité que crée l'obscurité, l'attente mêlée d'espoir et d'anxiété avant que le film commence...



Plutôt que semestriel, ce bilan est donc trimestriel, avec six films au programme et un bilan partagé. Je garde le meilleur pour la fin..

Ma plus forte déception n'a pas été une surprise... Je ne serai jamais allée voir "1917" sans les supplications de mon conjoint qui n'aime pas le cinéma en solitaire... Alors oui,  les décors sont très réalistes, et oui, la succession de plans séquence crée une intéressante sensation d'immersion, mais... cela ne suffit pas à en faire un film prenant ou mémorable. Je m'y suis ennuyée pendant les 2/3, que j'ai occupés en notant les incohérences du scénario (le document resté pendant presque tout le film dans la poche du héros dont le périple s'achève par un bain prolongé dans une rivière torrentueuse, et qui arrive entre les mains de son destinataire même pas froissé, sans une goutte de sang, et l'encre n'ayant pas coulé d'un iota... mouais...). Incohérences regrettables, dans la mesure où le film est basé sur des faits réels... mon conjoint n'a d'ailleurs pas adhéré non plus (ça lui apprendra !)...


Je ne suis pas une grande adepte des films d'animation (même si je regarde toujours avec plaisir un bon Miyazaki) mais j'avais lu tant d'éloges à propos de "J'ai perdu mon corps" que je me suis laissée convaincre. J'y suis allée avec de grandes attentes... qui n'ont guère été comblées. Bien que très admirative du graphisme à la fois élégant et très réaliste de Jérémy Clapin et séduite par l'atmosphère mélancolique et mystérieuse qui émane de son film, la dimension symbolique de l'intrigue m'a laissée en-dehors de cette curieuse histoire de main à la recherche de son corps...


J'aime beaucoup Roschdy Zem. Suffisamment pour, sur le seul prétexte de son nom au casting, aller voir "La fille au bracelet", dont le sujet était par ailleurs intrigant : Lise, dix-huit ans, vient d'avoir son bac. Deux ans auparavant, cette jeune fille sans histoires et issue d'un milieu aisé a été accusée du meurtre de sa meilleure amie. Depuis elle porte un bracelet électronique ; avec sa majorité, l'heure de son procès a sonné.
Le film entretient un parallèle fascinant entre la violence que représente les auditions de témoins et surtout celle de Lise (avec en procureure une Anaïs Demoustier parfaite de rigueur morale, jusqu'à la cruauté..) et l'étrange inertie que manifeste l'accusée. En levant le voile sur son intimité décomplexée d'adolescente, le procès met en évidence l'ampleur de la méconnaissance et de l'incompréhension qui s'est installée entre ses parents et une Lise finalement bien secrète... Innocente ou coupable ? Le spectateur lui-même commence à douter. J'ai trouvé les acteurs crédibles et attachants, l'intrigue prenante, et je salue l'intelligence du réalisateur qui parvient par la simplicité et le poids des silences à installer une tension très prégnante et à rendre avec force les effets de l'incommunicabilité entre parents et enfants.


Avec "Lara Jenkins", on reste dans la simplicité de la réalisation et la valorisation de scènes peu bavardes mais pourtant éloquentes, qui peuvent au départ sembler obscures (on se demande où nous emmène Jan-Orle Gerster..) mais se parent de sens au fil de leur succession... Nous suivons la journée d'une femme mûre, élégante, mais qui glace par sa froideur et sa dureté. Apprenant par hasard que son fils Viktor, pianiste, donne un concert le soir même, elle achète des dizaines de places qu'elle distribue à des personnes qu'elle croise au cours de sa journée, vagues connaissances ou parfaits inconnus. Sur le thème d'une relation mère-fils toxique, et de l'intense frustration de cette femme qui a vécu par procuration, Jan-Orle Gerster nous offre un film à la fois austère, déstabilisant et touchant, malgré la personnalité glaciale de Lara...




Et voici mes deux coups de cœur du semestre (sur six, c'est finalement pas mal, non ?), qui m'ont emballée autant qu'ils sont différents...

Je suis allée voir "Swallow" sans en connaître ni l'histoire ni les acteurs, un dimanche où, étant seule, j'avais une forte envie de salle obscure (ne le dites pas à mon conjoint, mais je crois qu'en ce qui me concerne, c'est non accompagnée que je préfère le cinéma...). La jeune et jolie Hunter, poupée blonde sans un poil de sourcil qui dépasse, a tout pour être heureuse : un mari ambitieux en costard et aux réconfortantes épaules de nageur qui vient de reprendre la florissante entreprise familiale, une luxueuse villa ultra-moderne, un bébé à venir... Hunter est pourtant hantée par un désespoir profond, qu'elle tait y compris à elle-même, mais dont on croit deviner l'origine : dans ce milieu où seuls comptent le pouvoir, l'argent et la respectabilité, elle n'est jamais considérée pour elle-même, mais en tant qu'épouse lisse, docile et forcément épanouie. Sa détresse, secrète, enfouie, se manifeste par un trouble du comportement alimentaire caractérisé par l'ingestion de petits objets ou de matières non comestibles...


Un curieux film, au rythme lent mais jamais ennuyeux, où s'opposent l'environnement aseptisé, nu, fait de lignes droites et de grandes surfaces vitrées où évolue l'héroïne et sa compulsion, dont les manifestations aux allures anodines expriment un chaos intérieur qu'elle même ne semble pas comprendre... Fascinant !


Même chose pour "Les LIP, l'imagination au pouvoir" vu un soir de semaine et à l'aveugle, seul film proposé par mon cinéma de quartier qui me faisait envie... il s'agissait en réalité de la rediffusion d'un documentaire de 2007 (ce que je n'ai découvert qu'une fois sur place) qui revient sur l'une des grèves les plus emblématiques de l'après 68, celle des usines LIP à Besançon. Manufacture horlogère concurrencée par la mise sur le marché de montres à bas coût, LIP connait à la fin des années soixante des difficultés financières qui s'accentuent jusqu'au dépôt de bilan, en 1973.


Le mouvement qui s'ensuit dure plusieurs années, connait un retentissement national et mobilise des foules entières. Le personnel de l'usine, solidaire, organisé et inventif, multiplie les actions illégales sans céder à la tentation de la violence. Le documentaire est basé sur les récits entrecroisés des acteurs de ce mouvement hors normes et des extraits d'archives. Un portrait immensément touchant d'hommes et de femmes ayant participé à une magnifique histoire collective, qui sans esbroufe, en laissant simplement la parole à ces héros anonymes, rend un hommage bouleversant à la solidarité, à la force de l'union, à ce que l’élan populaire a de plus noble. C'est à la fois passionnant, épique et drôle (on rencontre de sacrés personnages) et mine de rien riche de thématiques qui dépassent le simple cadre d'une grève pour la sauvegarde d'emplois.. 

  • "1917" drame historique (guerre) américain-britannique de Sam Mendes avec George MacKay, Dean-Charles Chapman, Mark Strong ;
  • "J'ai perdu mon corps" film d'animation français de Jérémy Clapin avec Hakim Faris, Dev Patel, Victoire Du Bois ;
  • "La fille au bracelet" drame judiciaire français de Stéphane Demoustier avec Melissa Guers, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni ;
  • "Lara Jenkins" drame allemand de Jan-Ole Gerster avec Corinna Harfouch, Tom Schilling, André Jung ;
  • "Swallow" drame/thriller franco-américain de Carlo Mirabella-Davis avec Haley Bennett, Austin Stowell, Denis O'Hare ;
  • "Les LIP, l'imagination au pouvoir" documentaire français de De Christian Rouaud.

Commentaires

  1. Les LIP est le dernier film que j'ai vu au cinéma avant le confinement, c'est un sacré documentaire ! J'en suis sortie toute retournée ... Depuis j'ai lu une BD qui raconte cette épopée de la fraternité, elle est moins "secouante", mais bien faite pour découvrir cette histoire.

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    1. Ah moi aussi j'ai été très émue par ce documentaire, et tous ceux qu'il mettait en scène, quelle belle aventure humaine... je me suis demandée ce que donnerait le même genre de film tourné, aujourd'hui, sur les sites où des mouvements se sont mis en branle suite à des menaces de fermeture... le parallèle serait intéressant, sur l'évolution de ce que signifie la lutte ouvrière pour les travailleurs en usine.

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  2. Je ne vais pas commenter sur les films mais sur le crawl dans la baignoire, parce que ça me fait penser à une histoire qui a fait des vagues en Hongrie le mois dernier: un prof de sport qui, histoire de varier le contenu de ses cours de sport à distance, a réalisé pour ses élèves une vidéo où il leur fait une démonstration de crawl et de brasse, juché sur sa planche à repasser (mais quand même avec le bonnet de bain). L'équivalent local du rectorat n'a pas du tout apprécié et a sanctionné le prof en question avant de le mettre à pied... L'histoire ne dit pas si les élèves ont, eux, fait des progrès en natation.

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    1. Une histoire qui révèle assez bien l'absurdité de notre monde...

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  3. Swallow me tente bien ! Je n'ai pas encore eu le temps d'aller au ciné... Mais je vais bientôt pouvoir y retourner. Tu es une sacrée sportive. Moi c'est l'inverse : l'extérieur me terrorise et c'est tous les jours la torture pour sortir de chez moi...

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    1. Moi non plus je ne suis pas encore allée au cinéma depuis le confinement, la programmation ne me tentant pas vraiment (et je vais moins au ciné en été).
      Et non je ne suis pas une grande sportive, j'ai juste des activités diverses que je pratique en amateur de manière régulière, mais ce n'est pas très intense ! Il fut un temps où je courais beaucoup, mais mes articulations ne le supportent plus ("bé oui, ma p'tite dame, le temps passe pour tout le monde et ça ne va pas aller en s'arrangeant", comme dirait mon très encourageant médecin, alors que je n'ai même pas encore 50 ans !!) ...

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  4. Je n'ai vu que le documentaire sur les LIP, mais à sa première sortie .... Ça ne me rajeunit pas ma pov'dame. J'étais bien malheureuse avec mes salles arts et essais en travaux pour deux ans, mais ô miracle, ils ont réussi à bricoler 4 salles provisoires en ville, je vais donc pouvoir y aller en commençant par "la bonne épouse" qui va encore me rappeler ma lointaine jeunesse (ou nombre de mes copines se sont tapées ces foutues écoles ménagères).

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    1. Ah mais je pensais que personne n'avait vu ce documentaire que mon cinéma de quartier a diffusé dans le cadre de "l'université populaire du cinéma" (ils passent des films sur des thématiques ou autour de réalisateurs choisis). Je suis ravie de voir que ce n'est pas le cas ! Et j'espère que tu nous livrera ton avis sur La bonne épouse..

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  5. Je ne te savais pas si cinéphile! Perso à une époque j'y allais beaucoup, maintennt je préfère rester à la maison ou faire d'autres sorties

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    1. Moi c'est un peu le contraire, je me suis contentée pendant des années d'accompagner mes filles au cinéma tant qu'elles étaient petites (alors que plus jeune, j'y allais tous les mercredis) et j'ai renoué avec les salles obscures il y a 3/4 ans, notamment à l'occasion de déplacements professionnels dont je profite pour aller voir des films qui ne tentent que moi ! Mais cinéphile est un bien grand mot, ma culture ciné est assez pauvre, et je suis loin d'y aller toutes les semaines, je dois voir en moyenne entre 25 et 30 films par an.

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  6. Contrairement à toi, j'ai réalisé que je suis une fille de "l'intérieur", enfin une fille qui aime rester chez elle, dans sa maison et surtout son jardin. J'ai beaucoup de mal à ressortir mais je suis bien obligée par le travail (plus que deux jours de télétravail autorisés).
    Je ne vais plus au cinéma depuis longtemps, je regarde les films à la maison, mais ça va peut-être changer bientôt (pour des raisons liées au boulot). Les cinémas ont réouvert hier en Belgique et le programme est très décevant... Seule la Cinematek semble proposer des choses intéressantes mais je vais encore rester chez moi un moment, avec mes dvd de cinéma japonais.
    Et dans ta liste, Swallow me tente beaucoup - j'ai d'ailleurs l'impression que c'est le film qu'un collègue a emprunté hier. Je lui demanderai !

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    1. Tu n'es pas la seule à apprécier de rester chez toi, je suis étonnée du nombre de personnes autour de moi qui ont apprécié le télétravail, et qui se verraient bien le continuer sur du long terme.. Je suis pourtant quelqu'un de très indépendant, qui apprécie la solitude (j'en ai même besoin), mais mélanger mes environnements perso et pro, ne plus voir mes collègues, préparer à manger tous les midis, former les gens à distance (je fais pas mal de formations, et je ne la conçois pas sans un contact physique et visuel), bref tout cela m'a terriblement pesé..
      Pour le cinéma, côté français aussi, je ne trouve pas la programmation ciné du déconfinement terrible, il faut peut-être attendre un peu... Et Swallow est à voir oui, si tu en as l'occasion, c'est un film singulier, assez hypnotique...

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  7. Moi aussi je suis accro aux films... Toujours est-il que ta liste de films est très intéressante (Goran : http://deslivresetdesfilms.com)

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    1. Oui, je suis contente de ce bilan, même s'il est pauvre en quantité... j'ai vu 3 films qui sortent des sentiers battus et qui m'ont chacun pour des raisons différentes, imprégnée, c'est déjà beaucoup !

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  8. Comme toi, je n'apprécie guère de me retrouver claustrée contre ma volonté, et je retrouve avec bonheur le chemin des salles obscures. J'avais adoré "J'ai perdu mon corps", et je suis allée voir "L'ombre de Staline".

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    1. Je ne suis toujours pas retournée au cinéma, bizarrement, rien ne me tente, et avec l'arrivée des beaux jours, je privilégie les activités de plein air... Je me rattraperai à la rentrée, et lorsque je serai de nouveau amenée à faire des déplacements professionnels (dont je profite toujours pour écumer les cinémas de quartier).

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  9. Bonjour Ingannmic, je suis contente que tu aies apprécié Lara Jenkins, j'ai trouvé l'actrice principale Corinna Harfouch extraordinaire. Et sinon, Les Lip, l'imagination au pouvoir est passionnant et je te conseille la BD qui a été faite d'après le documentaire. Bonne journée.

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    1. Coucou Dasola, je te rejoins sur Corinna Harfouch, parfaite dans ce rôle de femme amère mais très fière. Et Athalie m'a aussi parlé de la BD des LIP, que je vais m'empresser de commander !

      Bon week-end,

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