Le cartographe des Indes boréales" - Olivier Truc
"On sauve une vie en sauvant un homme. On ne sauve pas un homme en sauvant sa vie".
Il ne reverra que rarement ses chères montagnes basques. Car une fois adulte et formé à la cartographie, le successeur de Pierre de Lancre, le non moins terrible et intimidant Jacques de Mons, l’envoie servir les intérêts français à Stockholm, où il pourra user de ses amitiés suédoises pour y devenir les yeux du juge.
L’Europe est alors à l’heure des expéditions en quête de richesses, de nouveaux territoires à asservir et où commercer. La Suède accuse dans ce domaine un sacré retard. Les bourgeois de Stockholm, nouvelle capitale du royaume, s’enrichissent, mais le pays est très endetté. Des rumeurs de la présence abondante d’argent à l’extrême nord du territoire amorcent un colossal et périlleux projet d’exploitation de mines, qui avec l’aide des capitaux de florissants investisseurs hollandais, assoira le pouvoir de Stockholm. Ses montagnes septentrionales seront les Indes de la Suède !
La conquête de cette contrée hostile passe aussi par celle de ses autochtones, ces étranges lapons aux rites archaïques qui feront une main d’œuvre aguerrie aux conditions climatiques extrêmes et qu’on en profitera pour convertir au christianisme. En cette fin du XVIIème siècle, il règne en Suède une intransigeante austérité luthérienne, dont quelques fanatiques représentants réprouvent haineusement les alliances économiques et politiques auxquelles est contraint le pays avec des royaumes catholiques -notamment celle avec la France de Richelieu puis de Mazarin pour assurer une protection contre les Habsbourg.
Et Izko dans tout ça ?
A la fois explorateur et espion, utilisé par la France comme par la Suède, il participe à cette conquête du nord, dessinant les cartes qui ouvriront la voie de ce nouvel Eldorado. Car le cartographe joue alors un rôle primordial, qui dépasse la mission pourtant déjà extraordinaire consistant à enfermer la nature insondable et grandiose dans un cadre mesurable, contrôlable. Il s’agit de la dompter pour l’amener au pied du souverain, car connaître les limites et les apparences d’un territoire c’est le posséder un peu.
"Le cartographe invente la terre qu’il découvre en décidant de ses attributs. La vérité utile à l’homme nait sous sa plume".
Nous le suivons sur plusieurs décennies au cours desquelles le jeune garçon naïf, acquis au dogme catholique, se transforme. Ses dons d’observation, son esprit affuté et méthodique, lui permettent de tirer profit de ses voyages, de ses rencontres. Il s’ouvre et se découvre, se frotte à la violence de son temps, à l’intolérance comme à la différence, tire de ses expériences la force d’acquérir indépendance d’esprit et capacité à prendre en main son destin. Pas toujours facile, quand il faut louvoyer entre l’affection qu’il porte à ses amis suédois et la mission dont le charge Jacques de Mons, qu’il a de plus en plus de mal à considérer comme légitime. Et puis il y a cette fameuse sorcière lapone aperçue lors du naufrage du Vasa, et le mystère qui plane en général autour de la communauté Sami dont certains membres semblent détenir un secret qui terrorise les luthériens les plus farouches...
"Le cartographe des Indes boréales", vous l’aurez sans doute soupçonné à l’aune de ce résumé -qui en dit pourtant très peu- est un roman très riche, qui fait voyager des immensités glacées peuplées de loups aux geôles danoises, de la côte Basque aux bouges lisboètes… le souffle épique qui accompagne les tribulations d’Izko s’enrichit de la consistance qu’apporte l’évocation des enjeux géopolitiques et du poids de l’intolérance religieuse, qui en même temps nous immerge dans cette brève mais mouvementée tranche d’Histoire qu’Olivier Truc met en scène avec une grande maîtrise.
Et c'est un pavé (735 pages au format poche, chez Points) !
Je l'ai noté au moment de sa sortie, il ne faut pas que je le perde de vue ..
RépondreSupprimerEn effet, car c'est vraiment un bon roman, à la fois distrayant et instructif.
SupprimerJe ne l’ai toujours pas lu parce que je me suis méfiée du côté « roman d’aventure belle couverture » qui était très ou trop tentant. Mais bon je vois que je peux me laisser aller !
RépondreSupprimerOui, l'ensemble est riche, traité en profondeur, et j'ai appris tout un tas de choses que j'ignorais sur cette période d'Histoire suédoise.
SupprimerOui, un pavé, un poil long parfois, je me perdais dans les années qui s'écoulaient, et j'attendais plus de cartographie
RépondreSupprimerJe t'avoue que cela ne m'a gênée qu'il n'y ait pas plus de cartographie ! .. des longueurs ? peut-être... En tous cas avec le recul, ce n'est pas ce que j'en retiens, et j'étais souvent impatiente de retrouver Izko.
SupprimerBravo pour ce pavé... je ne pense pas que ce soit pour moi, toutefois, du moins en ce moment ça ne me tente pas ! ;-)
RépondreSupprimerFigure-toi que j'étais persuadée que tu l'avais lu (j'ai peut-être confondu avec Keisha ?) et il me semble qu'il pourrait te plaire, au contraire.
Supprimeroh je m'en souviens ! je l'ai lu en 2019 - un bon gros pavé d'histoire - je suis allée voir mon billet - il demande de l'attention avec tous les personnages et je lui avais juste rapproché sa vision du monde (les chrétiens vs. les sauvages) mais sinon, oui un bon gros pavé d'été !
RépondreSupprimerTout à fait ! Et la vision du monde qu'il dépeint est le reflet de celles des européens de l'époque, il me semble. J'ai trouvé intéressant qu'il fasse d'Izko une sorte de traite d'union entre les deux mondes.
SupprimerCelui-là, j’ai tourné un moment autour, mais je crains qu’il ne soit pas assez captivant pour moi, même s’il semble très intéressant.
RépondreSupprimerBravo pour ce nouveau pavé en tout cas (merci de préciser le nombre de pages, comme tu l’as fait pour les précédents 🙂) !
Oui, je me suis rendu compte que j'avais oublié de le mentionner sur la route du retour du travail, tout à l'heure ! Je viens de réparer l'oubli.
SupprimerEt si si, il est captivant !!
J'ai l'impression de faire un hors-sujet total en écrivant que ton article m'a remis en esprit Le météorologue d'Olivier Rolin. Mais je me rassure en pensant que d'un cartographe à un météorologue il n'y qu'un pas, n'est-ce pas? Et je n'arrive pas encore à faire la différence entre un Olivier et un autre si tous deux sont des écrivains contemporains francais... Tout cela pour dire que je me verrais bien lire les deux.
RépondreSupprimerMais oui, tout ça c'est pareil !!
SupprimerJe ne connais pas Olivier Rolin, mais tu as éveillé ma curiosité et du coup, je suis allée creuser un peu sur internet, et ce météorologue m'intéresse bien aussi (bien que la période soit complètement différente de celle du cartographe !).
je n'ai jamais lu cet auteur et j'avoue ne pas avoir envie de souffle épique pour le moment... Plus tard peut-être?
RépondreSupprimerJ'aime bien de temps en temps me plonger dans l'aventure ... mais c'est une idée de lecture à garder sous le coude oui. Typiquement une bonne lecture de confinement mais j'espère bien que ce genre d'événement est derrière nous !!
SupprimerUne zone de lecture que j'explore (:-)) peu et en ce moment je croule sous les pavés..... Mais le sujet est intéressant et j'aime assez quand cela mêle histoire et roman :-)
RépondreSupprimerJe te rejoins sur ce dernier point, lorsque c'est bien fait, cela rend l'intrigue d'autant plus intéressante et consistante. Et ici, c'est bien fait !
SupprimerBon courage pour la lecture de tes pavés !
je souris en lisant Passage à l'est car cela m'a fait le même effet quand j'ai lu le livre et j'ai aussi pensé au roman de Kehlmann les Arpenteurs du monde
RépondreSupprimerje crois que je préfère l'auteur dans ce genre là que pour ses policiers distrayants mais un rien convenus
J'ai déjà en effet vu passer le Kehlmann, qui semble valoir le détour, non ?
SupprimerEt pour les policiers d'Olivier Truc, j'en tenterai au moins un je pense, j'ai bine envie de retourner en Laponie !
il faudra que je me décide à découvrir ce livre... le nombre de pages me rebute un peu(je sors de 2 pavés)...
RépondreSupprimeren ce qui concerne "le météorologue" n'hésite pas fonce... C'est un livre qui m'a énormément plu
C'est noté pour le Rolin ! Et je pense que ce cartographe te plaira, l'intrigue est riche, le contexte à la fois dépaysant et enrichissant.
SupprimerJe l'avais noté celui-ci, j'avais bien aimé un des polars d'Olivier Truc dans le Grand Nord et celui-ci me semble intéressant. Merci pour le rappel ;-)
RépondreSupprimerA ton service ! Je crois que ce titre est plus dense, et sans doute plus "complexe" que ses polars, vers lesquels je me tournerai tout de même volontiers, acra l'auteur a su éveiller ma curiosité pour le peuple lapon !
SupprimerToujours pas lu cet auteur, j'avais été tenté par ses polars, mais le temps est passé... Ce roman-ci m'avait intriguée aussi même s'il semble d'une toute autre veine, et tu confirmes qu'il vaut le détour. Ça va rendre encore mon choix difficile tout ça...
RépondreSupprimerN'ayant lu que celui-ci, je ne saurai te dire par quoi il vaut mieux commencer, mais je pense que ce titre te plairait ..
SupprimerPetite remarque, j'ai essayé de m'abonner à ton blog mais ça ne marche pas je ne sais pas pourquoi, donc quand je en suis pas attentive je laisse passer tes billets.
RépondreSupprimerJ'ai déjà lu un roman d'Olivier Truc(le dernier Lapon) et j'en lirai volontiers un autre mais en ce moment je lis peu de pavés.
Oui, comme je l'écrivais sur ton blog, j'avais été prévenue par blogger de la fin des envois de mails aux abonnés, il faut que je creuse...
SupprimerEt je lirai probablement "Le dernier lapon". N'hésite pas de ton côté à noter celui-là, même pour plus tard, il est bourré de qualités !
Je l'avais repéré à sa sortie et compte bien le lire un jour. J'ai bcp aimé le T1 de sa série de polars se déroulant en Laponie norvégienne, ce qui me fait penser que les T2 et T3 m'attendent sagement dans ma pal...
RépondreSupprimerIl fera, je pense, un complément très intéressant à la lecture de sa "série lapone".
SupprimerJ'ai deux romans de cet auteur, il faut absolument que je les lise :-)
RépondreSupprimerEt de mon côté, je ne compte pas m'arrêter là...
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