"La bête à sa mère" - David Goudreault
"Les parents se séparent en série sans se préoccuper de la comptabilité des morceaux. Et les vieux, les ancêtres, on s’en balance aller-retour ! On les parque dans des centres, comme les bébés d’ailleurs".
Le jeune adulte qu’il est devenu ne s’est pas vraiment assagi. Il erre d’appartements insalubres en chambres en sous-sol, laissant derrière lui saccages et loyers impayés. Le peu d’argent qu’il gagne lui brûle les doigts, file dans les machines à sous et les amphétamines. Violent, accro au sexe et profiteur, il finit systématiquement par gâcher les rares aventures qu’il a avec les femmes. Réfractaire à toute contrainte, ne se sentant pas concerné par le travail, "réservé aux prolétaires et aux abrutis", il chemine dans un chaos de brutalité et d’instabilité, porté par un unique projet, une seule obsession : retrouver sa mère, que les fantasmagories de sa mémoire ont élevée au statut d’icône adorée.
C’est la voix de ce narrateur qui donne tout son sel à ce roman à l’intrigue échevelée. Sa présomption et sa propension à se dédouaner avec une irritante mauvaise foi des comportements les plus vils sont aussi exaspérants que réjouissants, grâce à cette gouaille crasse avec laquelle il déroule son terrible parcours, usant involontairement d’ironie et de dérision, nous livrant sa conception toute personnelle -mais pas toujours inepte !- du monde. C’est un être sans repères, qui n’a pas appris à juguler une violence qu’il considère comme inhérente aux relations humaines, que rien ne choque, qui se révèle incapable d’éprouver pour autrui un respect qu’il n’a jamais connu lui-même. Ses contradictions, cette sorte de candeur qui le fait s’exprimer sans filtre, et surtout son entêtement quasi pathologique à ne vouloir avouer ses défaites et ses chagrins, le rendent finalement touchant. Parce sous la fanfaronnade permanente, percent le désespoir, la solitude, et un insondable besoin d’amour.
"Je me dévorais les ongles de fébrilité. Je saignais des doigts de bonheur."
Commentaires
Si ça te dit: https://hopsouslacouette.com/2015/09/15/la-bete-de-sa-mere-%C2%B7-david-goudreault/
Je suis ravie que nos romans forts (celui-ci, celui de Kevin Lambert) t'emballent.