"La bête à sa mère" - David Goudreault
"Les parents se séparent en série sans se préoccuper de la comptabilité des morceaux. Et les vieux, les ancêtres, on s’en balance aller-retour ! On les parque dans des centres, comme les bébés d’ailleurs".
Le jeune adulte qu’il est devenu ne s’est pas vraiment assagi. Il erre d’appartements insalubres en chambres en sous-sol, laissant derrière lui saccages et loyers impayés. Le peu d’argent qu’il gagne lui brûle les doigts, file dans les machines à sous et les amphétamines. Violent, accro au sexe et profiteur, il finit systématiquement par gâcher les rares aventures qu’il a avec les femmes. Réfractaire à toute contrainte, ne se sentant pas concerné par le travail, "réservé aux prolétaires et aux abrutis", il chemine dans un chaos de brutalité et d’instabilité, porté par un unique projet, une seule obsession : retrouver sa mère, que les fantasmagories de sa mémoire ont élevée au statut d’icône adorée.
C’est la voix de ce narrateur qui donne tout son sel à ce roman à l’intrigue échevelée. Sa présomption et sa propension à se dédouaner avec une irritante mauvaise foi des comportements les plus vils sont aussi exaspérants que réjouissants, grâce à cette gouaille crasse avec laquelle il déroule son terrible parcours, usant involontairement d’ironie et de dérision, nous livrant sa conception toute personnelle -mais pas toujours inepte !- du monde. C’est un être sans repères, qui n’a pas appris à juguler une violence qu’il considère comme inhérente aux relations humaines, que rien ne choque, qui se révèle incapable d’éprouver pour autrui un respect qu’il n’a jamais connu lui-même. Ses contradictions, cette sorte de candeur qui le fait s’exprimer sans filtre, et surtout son entêtement quasi pathologique à ne vouloir avouer ses défaites et ses chagrins, le rendent finalement touchant. Parce sous la fanfaronnade permanente, percent le désespoir, la solitude, et un insondable besoin d’amour.
"Je me dévorais les ongles de fébrilité. Je saignais des doigts de bonheur."
J'ai souvent lu des billets élogieux sur cet auteur mais j'hésite encore.
RépondreSupprimerOh, tente au moins, il vaut le détour ! Et puis tu sauras vite si le ton te convient..
SupprimerHeu je sens que je vais passer, j'ai participé de loin à ce challenge, avec Shimazaki 'si, elel est québécoise)
RépondreSupprimerAprès, on peut lire québécois toute l'année...
Supprimertout ce qui me fait fuir ! je n'aime pas l'exagération quand tout est grossi, ton billet est bien mais pas du tout ma tasse de thé (je croise assez d'illuminés)
RépondreSupprimerDommage, c'est très enlevé, à la fois trash et drôle... mais sans doute que cela ne peut pas convenir à tous. Moi j'aime bien !
SupprimerD'après David Goudreault, qui a animé des stages d'écriture en prion, la réalité dépasse la fiction (il l'a dit avec humour lors d'une rencontre entre écrivains québécois d'une nouvelle génération, c'était au dernier Festival America...). En tout cas, "c'est documenté" ;-) Je suis ravie que 10/18 ait gardé les couvertures des éditions originales chez Stanké. Et ravie de t'avoir suggéré cette idée de lecture inoubliable !
RépondreSupprimerUn texte marquant, oui, indiscutablement ! Je compte bien continuer avec la suite... quant à une réalité qui dépasserait cette fiction, hum, pas trop envie de m'y frotter !!
SupprimerJ'ai l'impression qu'avec ce roman, ça passe ou ça casse... Peut-être un jour...
RépondreSupprimerSans doute. Comme pour moi, c'est passé largement, je ne me suis pas vraiment posé la question. Mais c'est vrai que c'est particulier, quand j'y pense !
SupprimerTu es le énième avis enthousiaste que je lis sur ce roman. Ça m'intrigue franchement. J'avais été tentée il y a quelques années du coup mais à chaque fois que je lis le résumé, je doute y trouver mon compte. Je me trompe peut-être...
RépondreSupprimerD'instinct, j'aurais dit le contraire : tu fais partie des lectrices à qui je conseillerais ce titre ! Je me trompe peut-être mais tu as bine aimé Gabacho, par exemple, alors..
SupprimerBRR!!! Ce personnage me fait frémir !
RépondreSupprimerAh, il est assez rebutant c'est vrai... mais quelle verve !
SupprimerCe que j'ai aimé ce roman! Adoré, même. Il apportait quelque chose de nouveau dans le paysage littéraire d'ici.
RépondreSupprimerSi ça te dit: https://hopsouslacouette.com/2015/09/15/la-bete-de-sa-mere-%C2%B7-david-goudreault/
Je suis ravie que nos romans forts (celui-ci, celui de Kevin Lambert) t'emballent.
Oui ça me dit, je viens d'aller lire ton billet (j'ai laissé un commentaire pour te signaler qu'il y a un extrait d'une critique d'Illska qui s'y est inséré...)! Une très chouette lecture, oui, j'aime ces écritures intenses.
SupprimerCe bouquin m'a traumatisée. Justement peut-être parce qu'il est excellemment écrit, il m'a terrifié... je ne lirai jamais la suite ça c'est sûr ! tiens mon billet de l'époque, bien secouée j'étais... http://chezyueyin.org/blog/la-bete-a-sa-mere/
RépondreSupprimerJe viens de lire ton billet, j'ajoute un lien au mien, d'autant plus que tu y évoques, ce que j'ai omis de faire, ce foisonnement un peu foutraque de références culturelles qui participent de beaucoup à la truculence du style..
SupprimerJe ne l'ai pas encore lu mais je souhaite le lire! Belle chronique qui donne envie de le découvrir!
RépondreSupprimerJ'espère qu'il te plaira, comme tu as pu le voir dans les commentaires, c'est un titre qui divise !
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