LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Mon ange" - Guillermo Rosales

"Je te le dis d’homme à homme : tu sais pourquoi tu es devenu à moitié fou ? C’est à force de lire."

William Figueras est un exilé, un exilé "total", selon ses propres termes. Il a quitté Cuba il y a six mois pour Miami, où se trouve une partie de sa famille, mais il est persuadé qu’il aurait fui quel que soit l’endroit où il aurait vécu. On pourrait même dire de lui qu'il est un exilé du bonheur et de l’espoir, qui vit en marge d’une normalité où il ne peut trouver sa place. 

Cet amoureux des lettres, qui a lu Proust, Faulkner, Hesse, Mann ou Joyce a écrit il y a vingt ans un roman qu’il n’a jamais réussi à faire publier, et il en est devenu fou. Il lui arrive de voir des diables sur les murs, d'entendre de voix qui l’injurient...

En désespoir de cause, après son internement (en six mois donc) dans trois asiles d’aliénés, sa tante vient de le laisser dans un boarding home, " refuge marginal où échouent ceux que la vie a condamnés, des fous pour la plupart, où des vieillards abandonnés par leur famille".

Y cohabitent des laissés-pour-compte dignes d’une Cour des miracles, êtres édentés aux regards vides, aux corps sales -certains s’urinant continuellement dessus- et décharnés, dont l’esprit souvent déraille, et qui pour la plupart ont perdu tout amour-propre.

Livrés à eux-mêmes, ils subissent la férule d’un propriétaire cupide et malhonnête qui détourne les aides de l’état qu’ils perçoivent. Et pour optimiser son profit, il rationne leur nourriture et laisse la pension dans un état de saleté inacceptable.

William en est conscient : le boarding home, c’est la dernière étape avant la rue, avant l'ultime déchéance. Après, il n’y a plus rien.

Mais il est fatigué. Alors il se laisse dégringoler, adopte naturellement les codes de ce microcosme marginal, se soumet aux pulsions de violence que suscite le spectacle de ces plus faibles qui le dégoûtent… jusqu’à ce que Francine arrive, une "nouvelle petite folle" propre et jolie, mutique et passive, avec laquelle il entame une relation brutale et passionnée. Ils se prennent à rêver un retour à une vie "normale", projettent de louer un appartement… Illusions…

William déroule son triste parcours avec une impitoyable sincérité et une lucidité désespérée, sa voix investissant l’esprit du lecteur pour y faire naître des visions sombres et pathétiques, propres à le hanter longtemps après avoir refermé la dernière page de "Mon ange".

Un texte fort.

Une idée de lecture piochée chez Marie-Claude, et une ultime participation au Mois Latino.

Commentaires

  1. Beaucoup trop sombre pour moi, il me faut au moins une lueur d'espoir quelque part.

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  2. Cela semble bien triste... Je rejoins Aifelle dans son commentaire.

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    1. Il vaut mieux l'attaquer quand on n'a pas le moral en berne, c'est sûr...

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  3. Je l'ai lu il y a quelques années... J'ai adoré... Triste, sombre et émouvant, une magnifique écriture.

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    1. Complètement d'accord, c'est plombant, mais très beau..

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  4. Je l'ai acheté suite au billet de Marie-Claude, j'en ai lu les premières pages et puis j'ai décidé de remettre ma lecture à plus tard... Donc, je le lirai mais quand je serai bien disponible dans ma tête...

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  5. je le note mais pour l'instant, c'est trop triste pour mon état d'esprit actuel :-)

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    1. Je ne sais pas si c'est un argument convaincant, mais il est très court..

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  6. Ce n'est pas le roman le plus hop la vie, c'est certain. Le fait que le roman soit grandement inspiré de la vie de l'auteur est d'autant plus ébranlant...

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    1. Oui, j'ai eu la curiosité de lire sa biographie, et vu qu'il avait souffert de schizophrénie, puis s'était suicidé à l'âge de 47 ans après avoir détruit la majeure partie de son œuvre.. quelle tristesse (mais, et c'est paradoxal, son œuvre aurait-elle été aussi forte sans elle ?)..

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  7. C'est une de mes lectures marquantes !

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