LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"La contrée immobile" - Tom Drury

"Oui, nous allons mourir -tel était le message de son jeu de batterie- mais en attendant il faut faire un boucan de feu de Dieu (...)."

Roman inclassable, empruntant au polar aussi bien qu’au fantastique, baigné d’une atmosphère impalpable et mystérieuse mais paradoxalement prégnante, "La contrée immobile" s’est révélé être une excellente surprise.

Pierre Hunter en est le personnage principal. Natif de Shale, il y est, au début du récit, lycéen. Nous faisons sa connaissance alors que sa petite amie, hospitalisée, se plaint de la lumière des lampadaires extérieurs, qui l’empêche de dormir. Qu’à cela ne tienne, Pierre coupe dès le soir suivant l’éclairage fautif. Sans doute ne faut-il pas en attendre moins du fils de deux personnalités admirées de leur communauté mais excentriques, dont l’une des caractéristiques est d’organiser de "tonitruantes parties de cartes"...

Leur petite ville, où "la vie semble s'écouler plus lentement qu'ailleurs", est située sur le plateau de la Contrée Immobile, ainsi dénommée en raison d’une légende locale prétendant qu’elle a été épargnée, en des temps antédiluviens, par l'érosion glaciaire. C'est une bourgade tranquille, dont l’unique bribe de renommée historique consiste en un hold-up raté, commémoré chaque année à l’occasion d’une restitution. 

Par la suite quitté par la petite amie susnommée sans que cela le perturbe plus que ça, Pierre part à l’université, puis perd ses parents à quelques mois d’intervalle. Revenu à Shale, il est lui-même à deux doigts de périr sous un lac gelé. Il est secouru par la belle et mystérieuse Stella Rosemarin, qui occupe une petite maison isolée à l’extérieur de la ville, où elle a échoué "pour se sortir d’une situation assez moche" dont le lecteur ignore dans un premier temps la teneur.

Pierre connaitra bien d’autres mésaventures, souvent dangereuses, parfois rocambolesques, qu’il traversera armé d’une sorte d’impassibilité qui le rend irrémédiablement sympathique. Sa manière d’aborder chaque instant, quelle qu’en soit l’intensité, sans s’inquiéter du passé ou du futur, manifestant une curiosité sereine et un peu ingénue, donne au récit une véritable fraîcheur.

A l’image de son (anti)héros désinvolte et incidemment poète, "La contrée immobile" est un roman étrange, mais immédiatement attirant, dans lequel on s’installe avec l’esprit alerte, avide d’être surpris. Des surprises on en aura, l’auteur jouant sur l’émergence du saugrenu et l’évocation d’images inattendues mais paradoxalement justes. Le ton de dérision permanent pourrait laisser croire que tout cela n’est qu’une farce, si l'intrigue n’était pas en même temps traversée de questionnements existentiels fort sérieux, sur la vulnérabilité de l’individu face à son destin ou la possible existence de puissances supérieures. Les figures hétéroclites et extraordinaires qui évoluent dans cet univers sont malgré leurs bizarreries étonnamment palpables, en grande partie grâce à des dialogues aussi surréalistes que percutants. 

Commentaires

  1. Mmhum,pas sûre que ce soit mon univers..;

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    1. Si tu connais Brautigan, et que tu aimes, on est vraiment sur un ton similaire...

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  2. ton billet est (sans doute à l'image du roman) très attirant tout en restant très imprécis. Je ne crois pas qu'il va me motiver pour une lecture mais j'aimerais bien savoir le fin fond de cette histoire.

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    1. En dire trop sur l'intrigue aurait dénaturé la découverte... disons qu'il faut aimer les textes originaux et les tonalités absurdes.

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  3. Ouuh mais moi ça me parle direct ! Déjà, roman inclassable, c'est pour moi ! ^^ Ensuite, un mélange des genres, mais aussi du rocambolesque, de la dérision et des questionnements existentiels sérieux malgré tout. Et puis Cambourakis, on peut faire confiance généralement. Noté !^^

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  4. Je rejoins les deux commentaires précédents. Il y a quelque chose qui accroche dans ton billet, mais c'est un peu trop flou pour que je me lance.

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    1. Si cela peut t'aider à te faire une idée, certains lecteurs le rapproche de Tarantino, ou de David Lynch..

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  5. Dialogues surréalistes, figures hétéroclites ... et en même temps, véritable fraicheur ... C'est tentant, et tu m'intrigues, donc je note.

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