"La jument verte" - Marcel Aymé
"Une jument verte ? Ce doit être aussi rare qu'un ministre vertueux".
Toujours est-il qu’avant l’arrivée de la fameuse jument, on s’ennuyait ferme à Claquebue. Il ne s’y passait tellement rien que les vieillards n’y mouraient pas, les 70-110 ans représentant la moitié de sa population malgré quelques abattages perpétrés pour tenter de rétablir l’équilibre démographique. Une problématique résolue par l’arrivée de la verte pouliche, qui a aussitôt provoqué de salutaires décès, et insufflé au village un regain de vie. Son propriétaire a quant à lui vu prospérer son commerce, et s’est fait élire à la mairie. Après une brève existence marquée par une célébrité lui ayant valu d’être immortalisée par un peintre de passage, la jument meurt à son tour. C’est Ferdinand, le plus jeune des fils Haudouin, qui hérite du portrait ainsi réalisé à la mort de son père. Le benjamin a toujours été le préféré de Jules et de son épouse. Ce jeune homme taciturne et patient, au physique ingrat, est devenu vétérinaire. Alphonse, l’aîné, est un paresseux qui s’adonne au jeu et à la boisson ; quant au cadet Honoré, c’est un garçon honnête, travailleur et rieur mais sans ambitions, et qui au grand dam de son père s’est marié avec une jeune fille pauvre.
Comme elle avait fait la fortune de Jules, la jument, même réduite à sa représentation, assure la prospérité de Ferdinand, "divinité bienveillante dispensant honneurs et argent aux prudents et aux laborieux".
Nous suivons les Haudouin, à partir du milieu du XIXème siècle, sur une période de trente ans. La vie est rythmée par la haine qui les oppose aux Maloret, et l’interminable conflit généré par une sordide histoire de dénonciation pendant la guerre contre la Prusse. Les enjeux politiques qui secouent l’époque se rejouent à l’échelle de Claquebue, générant querelles de village ou conflits intra-familiaux. Chez les Haudouin, le sens exacerbé des convenances de Ferdinand, torturé par des péchés dont il ne peut se délester par la confession puisque ses ambitions politiques lui imposent d’afficher un laïcisme de bon aloi, se heurte à la gouaille rigolarde et parfois grossière de son frère Honoré, qui jouit des plaisirs simples de la vie sans arrière-pensée. On comprend que ce dernier, "qui cache sous ses dehors tendres et rieurs un érotisme spacieux, à l’imaginaire fécond", soit le Haudouin préféré de la jument verte, qui à l’instar du curé de Claquebue, considère le sexe comme le principal, voire le seul élément déterminant les comportements des individus et la nature des relations les liant à autrui. Mais si le curé tente de détacher ses ouailles de ces dispositions qui dirigent -souvent de manière inconsciente- leur existence, la jument, elle, se réjouit de cette omniprésence d’une sexualité qui s’exprime de manière innocente ou perverse dans une joyeuse absence de toute considération morale. Ainsi, depuis la toile où elle est immortalisée, elle observe, commente et apprécie les ébats dont elle est à la fois témoin et rapportrice.
Un classique! L'auteur a écrit des romans à redécouvrir?
RépondreSupprimerOn dirait bien que oui !
SupprimerUn auteur qu'il faut que je découvre ! :)
RépondreSupprimerJe n'ai lu que ce titre mais je recommande, c'est au moins l'assurance de passer un bon moment.
SupprimerJe n'ai jamais osé :) Tu prouves que j'ai tort !
RépondreSupprimerC'est un titre vers lequel je ne me serais pas tournée sans le billet du Bouquineur, et cela aurait été dommage.. je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi drôle et gaillard !
SupprimerUn écrivain que je n'ai jamais eu envie de lire et je ne sens pas le moindre frémissement pour faire une tentative.
RépondreSupprimerJe ne suis en effet pas sûre qu'il te plaise..
SupprimerAh mais quelle excellente idée de lecture tu me donnes là ! J'avais lu et relu Les contes du chat perché plus jeune, et j'y repense avec nostalgie par moment. Cette Jumente verte, bien que différente, m'a l'air tout aussi savoureuse.^^
RépondreSupprimerMais oui, ce titre est pour toi !
SupprimerC'est un Clochemerle en fait.
RépondreSupprimerJe ne comprenais pas ton commentaire avant de rechercher la signification du terme sur internet... donc oui, tout à fait, mais pour info, La jument verte est paru un an avant le roman de Gabriel Chevallier.
SupprimerJ'aime beaucoup Marcel Aymé. Tout.
RépondreSupprimerJe le découvre avec ce titre, mais sans doute ne m'arrêterai-je pas là..
SupprimerJ'aime beaucoup cet auteur, jamais déçue
RépondreSupprimerOn dirait que ne l'avoir pas lu constituait une lacune... je ne regrette pas de l'avoir comblée !
SupprimerJe me demande si, après Mauriac, nous ne devrions pas organiser un rendez-vous M.Aymé :)
SupprimerMais oui, pourquoi pas ? Mais pas avant avril, pour moi.
SupprimerTrès bien le printemps.
SupprimerEst-ce que l'on bloque d'ores et déjà une date ?
SupprimerOui, oui, une LC avec Aymé au printemps, j'en suis !
SupprimerY a plus qu'à caler ça, alors ! Je vais proposer une date dans mon billet de bilan annuel.
SupprimerUn auteur que j'ai lu mais un peu, je ne l'aimais pas particulièrement : Le passe-muraille, Les contes du chat perché que j'ai fait lire à mes élèves.
RépondreSupprimerEst-ce que le ton des deux titres que tu cites est de la même veine que celui de cette "Jument verte" ?
SupprimerLe passe-muraille, oui ! Les contes du chat perché, non; ce sont des contes pour enfants qui racontent les aventures de Delphine et Marinette qui vivent dans une ferme, elles sont amies avec des animaux qui raisonnent et parlent mais on retrouve l'humour de Marcel AYmé; Mes léèves aim
SupprimerJ'étais en train de te répondre quand mon texte a disparu. Je recommence. Le passe-muraille est bien dans la veine de la jument verte. Les contes du chat perché sont des contes pour enfants, (qui ne risquent pas d'effrayer les parents ! ) mais avec pas mal d'humour. Mes élèves aimaient bien mais je ne sais pas si la nouvelle génération apprécierait. C'est un autre monde, déjà lointain dans le temps (publié en 1934)
SupprimerC'est vrai qu'il n'est plus vraiment lu, notamment à l'école... je me suis notée La traversée d Paris pour la LC de juin.
SupprimerJe suis peut-être de la génération des élèves de claudialucia parce que Le passe-muraille et Les contes du chat perché faisaient partie de nos lectures proposées ou recommandées au collège (je crois). Cependant je n'ai aucun souvenir de les avoir lus. Par contre, j'ai lu Clochemerle (bien après le collège - je doute fort qu'on nous l'aurait recommandé) et je suis d'accord avec doudoumatous que ta chronique m'y fait penser, quoiqu'avec un peu moins de sexe et beaucoup plus de curé.
RépondreSupprimerPas de Marcel Aymé à l'école, en ce qui me concerne (mais Mauriac oui, par exemple..), mais je doute en tous cas que ce titre-là en particulier puisse être proposé aux élèves (j'imagine la tête des parents en apprenant qu'on y trouve par exemple de jeunes bergers expérimentant la sodomie !!).
SupprimerOn dirait que je peux remettre des commentaires? Alors, oui, je confirme, excellent roman comme beaucoup de cet écrivain !
RépondreSupprimerJe suis ravie de la découverte (mieux vaut tard que jamais) et je compte bien poursuivre..
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