LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Pétersbourg" - Schalom Asch

 "Être russe signifie sacrifier constamment son bonheur au bien de ses frères. Être russe, c’est vivre en fièvre perpétuelle."

"Pétersbourg" est le premier volet d’une trilogie intitulée Avant le Déluge, écrite en yiddish par l’écrivain polonais Schalom Asch. Nous suivrons tout au long de ses trois volumes Zakhari Mirkin, jeune homme balloté entre questionnements intérieurs et bouillonnement de l’Histoire. 

Nous sommes dans les années 1910. Pétersbourg est alors la capitale des Tsars, plus précisément celle de Nicolas II. Tout ce que l’Europe a de plus coûteux y arrive en masses : vins de Champagne importés de France, roses, œillets et violettes acheminés depuis la Riviera… C’est là que s’est installé Maître Halperine, avocat réputé pour sa finesse, son éloquence et ses relations influentes. Ce Juif originaire d’une obscure province peut être fier de la réussite qui fait se presser dans ses couloirs d’incessantes files de demandeurs, et dont la clientèle se compose aussi bien de paysans que de députés. L’homme est travailleur, exigeant, et investi d’une rigueur morale à laquelle il refuse de déroger, peu importe le rang social de qui le sollicite.

Zakhari Gavrilovitch Mirkin est l’un de ses assistants. Il a grandi à Iékaterinenbourg, dans une richissime famille qualifiée d’étrange. Livré à lui-même, il a grandi sans éducation et en-dehors de toute tradition morale et religieuse. Son père, descendant d’opulents aïeux et de célèbres rabbins, a hérité d’un ancêtre juif lituanien mais russophile la détestation du fanatisme religieux et du communautarisme. La mère de Zakhari, perpétuellement malade et ayant passé de nombreuses années dans un établissement de repos, c’est la nourrice du garçon, Maria Ivanovna, qui l’a élevé, et lui a appris, à 12 ans, qu’il était juif.

Il a gardé de ces années d’enfance un caractère passif, hésitant -"endormi" dirait son père-, et est resté profondément marqué par l’absence et la souffrance maternelles. Aussi, bien que promis à la fille de Maître Halperine, la fougueuse Nina, il éprouve pour sa future belle-mère Olga Mikhaïlovna, femme solide et bienveillante, une trouble attirance née d’une tendresse enfantine inassouvie. Zakhari en vient à ne plus savoir s’il épouse Nina par amour pour la jeune fille ou pour qu’Olga devienne sa mère, ce qui le plonge dans les affres d’une déprime vaguement suicidaire.

En même temps, ayant rencontré dans les couloirs de l’avocat la mère d’un jeune juif inculpé de "menées révolutionnaires", il s’introduit auprès de membres de la colonie juive qui, dans l’attente du règlement de leurs affaires respectives, vivent regroupés dans un hôtel mis à leur disposition par une généreuse bienfaitrice. Zakhari est fasciné par leur langue, qu’il ne parle pas, et par leurs mœurs qui font d’eux des étrangers, y compris pour lui. 

Nous faisons ainsi successivement connaissance avec deux mondes cohabitant à distance, séparés par la hiérarchie socio-économique et par des modes de vie complètement différents. Après le portrait d’une bourgeoisie comptant son lot d’excentriques, de corrompus et d’arrivistes, le récit nous fait basculer du côté d’une classe laborieuse, soumise aux injustices.

Dans cette nation constituée d’une mosaïque de peuples annexés de force par les tsars, tous passés dans le creuset purificateur de "l’âme russe", la révolte gronde contre la "puissance occulte qui gouverne la cour (de Nicolas II)", les tortures infligées aux détenus politiques et l’oppression des diverses nationalités. Elle est pour l’heure encore contenue, ou du moins clandestine. S’y ajoutent l’inquiétude et le sursaut d’une communauté juive frappée d’un antisémitisme croissant, qui se traduit par l’organisation de pogroms ou la promulgation de lois d’exception.

"Pétersbourg" est ainsi, en plus du portrait touchant d’un jeune homme en proie à ses incertitudes existentielles, la genèse de la déflagration à venir…


Une idée piochée chez Patrice & Eva, et une première participation à l'édition 2023 du Mois de l'Europe de l'Est.

Commentaires

  1. Une trilogie certainement très intéressante. Les mois s'enchaînent vite, je pense trouver plus de tentations en Europe de l'Est qu'en Amérique latine !

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    1. J'apprécie tout autant les deux littératures, malgré (ou en raison) de leurs différences. J'ai l'intention de proposer pas mal de billets Est-Européens, sur ce mois de mars.

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  2. Tiens, je viens de lire un livre où le héros (réel) , juif d'Asie centrale, se rend souvent à Moscou et St Pétersbourg pour ses affaires. En gros la même époque!

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  3. Voilà une bonne première chronique ! C'est un très bon livre, n'est-ce pas ? J'avais vu cette trilogie à sa sortie et je l'avais beaucoup apprécié. Les deux autres tomes (et notamment le dernier) sont encore meilleurs.

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    1. Je te rejoins, j'ai préféré les suivants. Il faut dire que ce premier volume, ce qui est logique, pose le contexte et surtout les personnages. Mes deux prochains billets présenteront la suite de la trilogie, que j'ai lue d'affilée.

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  4. Ah ça me plaît bien. En plus je vois le commentaire de Patrice, c'est encore plus tentant !
    nathalie

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    1. Cette trilogie pourrait bien te plaire en effet. Le contexte historique est prégnant, les personnages sont étoffés...

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  5. Je sens que je vais encore allonger mes listes à lire avec ce mois de l'Europe de l'est !

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  6. Je suis toujours que dalle à tous ces challenges :( Si le pays m'intrigue, c'est plutôt l'époque qui m'effraie ici...

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    1. L'époque est ici surtout marquée par le contexte historique (prémisses et début de la Révolution bolchévique) mais le récit est aussi très centré sur les différents personnages et leurs interactions... Ceci dit, sachant qu'il y a trois volumes, je ne suis pas sûre de devoir te conseiller cette lecture, qui risque de te sembler un peu longue si le contexte ne te passionne pas...

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  7. Je sens que le mois de Mars va passer très vite avec toutes ces tentations !

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    1. Oui, et ce sera sans doute aussi le cas d'avril, de mai, de juin, de ... !! En tous cas je n'en ai pas fini avec la littérature de l'Est : mars m'emmènera de Pologne en Tchéquie, puis d'Ukraine en Lettonie, avant de rejoindre la Croatie puis la Serbie.. et s'il me reste encore un peu de temps, cap sur la Russie !

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  8. je pense être beaucoup plus intéressée parla littérature de cette partie du monde que par celle d'Amérique Latine. Ce titre m'intéresse déjà beaucoup mais une trilogie ça me fait un peu peur.

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    1. Sans doute te conviendra-t-elle davantage, oui... attends peut-être avant de noter des envies, plein d'autres titres vont être proposés, et en effet, il y a ici trois volumes, qui comptent tous une nombre conséquent de pages...

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  9. Cette trilogie semble prometteuse et pourrait me plaire. J'attends tes deux autres billets avec impatience (décidément, ton rythme de lecture et ton organisation m'épateront toujours!).

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    1. Comme Patrice, j'ai préféré les deux suivants, le contexte y est plus intense, ce qui est logique puisque qu'on progresse au fil de l'intrigue vers l'avènement de la Révolution... mais c'est à lire, oui, j'ai particulièrement aimé la manière dont l'auteur campe ses personnages. Et puis le fait de changer de ville à chaque opus (les 2e et 3e tomes se déroulent respectivement à Varsovie puis Moscou) font qu'on est à chaque fois immergé dans un univers différent.

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  10. je crois que cela m'intéresserait aussi !

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    1. Et C'EST intéressant ! D'autant plus que la dimension historique (moins présente ici que dans les autres volumes) se mêle naturellement à l'aspect romanesque.

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  11. Encore un que je vais essayer de trouver bibliothèque; Je vais faire mon billet sur un écrivain Croate Jurica Pavicic dès que j'ai le temps. Je m'occupe de ma petite-fille en ce moment !

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    1. Bonjour Claudialucia, c'est L'eau rouge que tu as lu ? Car je viens de le terminer... je pense publier mon billet vers le 20 mars.

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  12. ah! Dommage que je ne l'ai pas su avant ! On aurait pu le publier ensemble ! Là, je vais bientôt rédiger mon billet pour La femme du deuxième étage du même auteur que j'ai beaucoup aimé aussi. Avec et Eve Patrice on fait une LC : Hana, de Alena Mornštajnová, le 31 mars

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    1. Ce n'est pas grave ! J'ai bien vu la LC du 31, mais ce sera sans moi, car j'ai déjà lu beaucoup pour le mois de l'Est.. et j'attends avec impatience ton avis sur La femme du deuxième étage.

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