LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Là où ça fait mal" - Sarah de Leeuw

"Puissiez vous ne jamais rêver de votre fille aux épaules tordues et brisées, gisant dans la boue et la vase d'un fossé."

C’est une suite a priori disparate d'épisodes à la tonalité plus ou moins anecdotique.

La narratrice (l’auteure ?) y livre pêle-mêle de brefs souvenirs d’époques diverses de sa vie, remontant parfois jusqu’à l’enfance. Plus que les faits qui s’y rapportent, elle en restitue l’empreinte émotionnelle, durable, qu’ils ont laissée en elle.

Au fil de la lecture, se dresse une sorte de cartographie à la fois territoriale et sociale.

Elle a grandi dans une petite ville du nord traversée par une voie de chemin de fer et par un fleuve aux berges jonchées de carcasses de poissons pourrissantes, où les hivers s’accompagnent de puanteurs froides d'essence, de gravier et de neige ; une petite collectivité dont le centre-ville, délabré, est le pathétique terrain de chasse de prostituées décaties. Un endroit, en bref, où on ne s’éternise pas, à l’instar des compagnies d’extraction minière qui ont déguerpi après en avoir exploité les ressources primaires, laissant derrière elles la désolation et la déshérence. 

Elle s’y est pourtant attardé : elle y évoque ses expériences de travailleuse sociale en milieu scolaire, dans les réserves indiennes, ou auprès de femmes battues, témoignant de la misère et de la violence qu’elle a ainsi côtoyées des années durant, du taux élevé de grossesses précoces ou de suicides des jeunes, des féminicides qui hantent le récit, associés à de terribles images, celles de fossés de bords de route le long desquels disparaissent des jeunes filles, de cadavres retrouvés "gelés et recroquevillés, au milieu de racines d’aulne", ou encore celles qui lui rappellent cette amie qu’elle a perdue, elle aussi victime d’un crime à jamais irrésolu…

Elle tisse des échos entre traumatismes personnels et tragédies collectives, des résonances entre douleurs intimes et détresses d’autrui. 

"Là où ça fait mal" dresse comme un inventaire non exhaustif mais à portée universelle des souffrances qu’engendre la violence du monde, et qui provoquent chez la narratrice une mélancolie confinant au désespoir. La mort et la perte y sont omniprésentes, les émotions qu’elles suscitent rendues poignantes par la capacité de Sarah De Leeuw à capter, en invoquant le souvenir d’un objet ou d’un moment, la profondeur de nos peines, l’ampleur de nos peurs, les conséquences de nos manquements.

C’est un texte qui tantôt frappe à la manière d’un coup de poing, tantôt vous enserre doucement mais fermement de son évidente sincérité, tout en vous permettant aussi, parfois, de respirer, en exprimant un humour que l’on devine être un indispensable exutoire.



Petit Bac 2023, catégorie MALADIE

Commentaires

  1. Ce n'est pas joyeux-joyeux... juste avant les vacances, j'ai envie de plus de légèreté

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  2. Je veux bien que ce soit à lire, mais pas maintenant ^_^

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  3. ah super tu l'as lu ! un gros coup de coeur pour le Caribou et moi !

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    1. Mais oui, vu vos deux avis, je ne pouvais que le lire ! Et une fois encore, je ne le regrette pas..

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