LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Comme des bêtes"- Violaine Bérot

"Des enfants qui naîtraient dans la montagne sans être déclarés ? Je vous dirais pas que c'est impossible, vu qu'ici rien n'est impossible, c'est un peu une terre d'expérimentation (...)."

C’est un texte dont le contenu est comme livré à l’état brut. On comprend assez vite lire une succession de témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête.

On est à Ourdouch, un coin de montagne où cohabitent gens du cru et citadins en quête de retour aux sources, fils de bourges ou marginaux fuyant qui une famille, qui un système, et où tous finissent par avoir la même allure avec leurs pulls en laine, leurs grosses chaussures, leurs cheveux hirsutes et leurs peaux tannées par le soleil.

Les auditions tournent autour de L’Ours, jeune homme qui doit ce surnom porté depuis l’enfance au fait qu’il n’a pas de père -une tradition, dans la Vallée- mais aussi parce qu’avec sa force impressionnante, ses pattes trapues et ses grognements, il lui sied à merveille. L’Ours est le fils de Mariette, venue vivre ici il y a une trentaine d’années, pour soustraire cet enfant pas comme les autres aux diktats d’un système qui exclut et méprise tout être jugé "anormal". La découverte, par une randonneuse, d’une fillette de six ans que L’Ours aurait cachée dans une grotte, est à l’origine de l’enquête.

On entend entre autres celle qui fut brièvement son institutrice, un ancien camarade de classe, un voisin… ceux qui s’expriment avaient plus ou moins de contacts avec ce duo souvent jugé par les villageois avec méfiance et mépris, et leurs voix expriment les dissensions que suscitent leur manières, variées, d’aborder la différence. Les discours sont ainsi tantôt moralisateurs, tantôt bienveillants. Certains s’agacent de l’interrogatoire et se révoltent contre le traitement infligé à Mariette et à son fils, d’autres démentent l’image de monstre que son apparence et ses redoutables crises de colère ont plaqué à L’Ours, évoquant son don pour comprendre et soigner les animaux, dont il s’occupe avec patience et délicatesse, décrivant la tendresse qui le lie à sa mère.

Dans ce microcosme où, à l’instar des traditions, les légendes se transmettent d’une génération à l’autre, les hypothèses sur l’inexplicable événement oscillent entre rationalité édifiante et recours, bien que prudent, au merveilleux.

Ce court roman se dévore sans déplaisir (et en un rien de temps), porté par la vivacité de son écriture et le rythme enlevé que lui confère sa narration chorale. J’ai en revanche regretté le manque de diversité dans la tonalité des chapitres, les narrateurs s’exprimant tous de la même manière, aux dépens de leur singularité.


Petit Bac 2023, catégorie ANIMAL

Commentaires

  1. Le genre de livres qui ne m'attire pas a priori, mais à tenter, on ne sait jamais (en plus il est court) Je ne pense pas avoir vu d'autres avis?

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    1. Je sais que je l'ai noté quelque part, sans me souvenir où.. c'est le genre de titre qu'on lit en une à deux heures, qui fait passer un bon moment, mais qui ne laisse pas une empreinte durable.

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  2. J'ai déjà lu un titre de Violaine Bérot et je pense que celui-ci devrait me plaire.

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    1. Vu la vitesse à laquelle il se lit, tu n'as par ailleurs pas grand-chose à perdre...

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  3. Je ne suis pas plus tentée que cela par l'histoire.

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    1. C'est un des aspects que moi j'ai préféré, je l'ai trouvée originale. Ceci dit, elle est assez peu développée vu la brièveté du texte..

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  4. Je n'ai jamais lu cette autrice, et, comme Keisha, je ne suis pas tentée de prime abord, mais je regarderai à la bibliothèque, au cas où...

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    1. Il doit se trouver facilement.. et se lit très vite !

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  5. bof l'irrationnel et le merveilleux pas trop pour moi !

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    1. Oh, l'irrationnel ne rentre que pour une très petite part dans l'intrigue, qui reste crédible. C'est l'interprétation par certains des personnages auditionnés sur les événements évoqués qui lorgne légèrement vers le surnaturel.

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  6. Je ne connais pas l'autrice mais j'aime bien lorsque les personnages donnent chacun leur point de vue

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    1. Dans ce cas il pourrait te plaire, c'est l'un des intérêts de ce titre, que sa pluralité de paroles..

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  7. J'ai beaucoup aimé ce livre, j'ai été happée par l'histoire.

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    1. C'est en effet un roman prenant, l'auteure y instille une dynamique qui emporte. Il m'a juste manqué plus de subtilité dans le style (notamment plus de singularité dans les voix respectives des personnages).

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  8. Ta dernière remarque "le manque de diversité ... s’exprimant tous de la même manière, aux dépens de leur singularité" est le bémol que j'ai apporté au livre de Laurent Binet , Perspectives, roman épistolaire où tous écrivent de la même manière même ceux qui étaient sans doute illettrés à l'époque ou ceux qui, de toutes façons, n'auraient jamais écrit pour détailler des fautes qui auraient pu les envoyer au bûcher ! Parfois on a besoin de vraisemblance surtout quand il s'agit de caractériser des personnages, de leur donner vie !

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    1. J'ai vu que tu avais publié un avis sur le dernier Laurent Binet, mais je n'ai pas encore eu le temps de le lire.. mais vu ce que tu en dis là, je crois que je vais passer. Je n'ai encore jamais lu cet auteur, que l'on voit pourtant souvent sur les blogs, mais du coup je choisirai sans doute un autre titre pour le découvrir (si tu as une suggestion..).

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  9. signé claudialucia

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    1. Non, je n'ai lu que celui-ci. C'est la forme que je n'aime pas mais la période historique et artistique me plaît.

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