"Les enfants de Ngarua" - Patricia Grace
Cette histoire assume sa partialité en accordant sa préférence au Côté sud, également surnommé Côté-Chien en raison du nombre de canidés qui y cohabitent avec les individus.
Nous y faisons la connaissance de Te Rua, jeune homme qu’un accident a rendu unijambiste, mais qui n’a rien perdu de son habileté à exécuter la danse des bâtons, à gratter son ukulélé et surtout à pêcher la langouste, activité où il excelle. Il vit donc plutôt bien son handicap, dans la mesure où il peut toujours "fumer de la dope, se torcher la gueule de temps à autre", et surtout continuer à plonger. Te Rua a un secret, qu’il s’est juré d’emporter dans la mort…
Les interactions qui le lient aux membres de son entourage ainsi que la place qu’y occupe chacun au sein de la communauté se dévoilent progressivement, et au départ de manière confuse pour le lecteur, un peu perdu parmi ces personnages évoqués comme s’il les connaissait déjà, et dont on ne lui livre les histoires que par bribes.
Parmi eux Kid, dix ans, gamine vive et délurée placée sous la tutelle de deux sœurs qui la traitent avec brutalité, et la font trimer pendant qu’elles passent leur temps libre au pub, toute pomponnées, flirtant avec les joueurs de fléchettes. Une situation qui obsède Te Rua, dont la fillette recherche souvent la compagnie. Il s’en émeut de plus en plus régulièrement auprès des anciens, les pressant de trouver une solution pour libérer Kid du joug de ses deux tutrices.
On comprend rapidement l’importance de ces anciens, pivots du fonctionnement collégial qui régit la vie de la communauté, où toutes les décisions importantes sont prises à l’issue des discussions, et parfois des longs débats qu’abrite la wharenui -maison de réunion. Toutes les parties impliquées sont préalablement entendues, et chacun accepte finalement le choix de la majorité, qui peut fluctuer au cours des échanges, selon les arguments avancés. Les problèmes ou les questions d’organisation sont ainsi réglés de manière à éviter toute intervention extérieure. Cet art du compromis s’accompagne d’une solidarité entre autres intergénérationnelle, et la famille au sens élargi du terme occupe une place prédominante. Les enfants peuvent être élevés aussi bien par leurs parents que par leurs grands-parents ou leurs oncles et tantes, naviguant naturellement d’un foyer à l’autre.
Te Rua est un héros très touchant, que ses questionnements sur ses responsabilités morales font évoluer au fil du récit. C’est un jeune homme débrouillard, aussi indépendant que serviable, et qui refuse, à l’inverse de nombreux jeunes partis s’enrôler dans des gangs ou trouver du travail, de quitter "ce trou du cul du monde" auquel il est profondément attaché, où le nombre d’habitants est revenu à celui de l’époque de la Grande Traversée de Ngarua et de ses partisans. Sans doute parce que lui sait et aime tirer sa subsistance de cet environnement qui, s’il est parfois hostile, est surtout nourricier. Mais pour combien de temps encore ? Avec le déboisement, les sécheresses, l’élevage intensif, le détournement des rivières…, les ressources s’amenuisent.
Au-delà du parcours personnel du personnage principal, le récit questionne sur l’avenir d’une communauté maorie qui doit concilier modernité et respect des traditions, à travers divers événements qui viennent troubler sa tranquillité : une sombre histoire de vol de langoustes, une vaste escroquerie fomentée à leur insu par l’un des leurs, ou encore l’organisation de l’accueil des touristes qui viendront admirer le premier lever de soleil de l’an 2000.
Mais où vas tu trouver ces lectures?
RépondreSupprimerDisons que pour l'activité Minorités ethniques, j'ai pas mal fouillé, notamment sur Babelio. Après j'ai souvent dû commander les titres trouvés, qui sont rarement disponibles de suite en librairie...
SupprimerTu as encore trouvé un roman passionnant et émouvant, on dirait. Par contre, au risque de paraître superficielle et influençable, j'ai envie de dire que la couverture du livre n'est pas très attrayante.
RépondreSupprimerJe te rejoins sur la couverture, et elles sont toutes presque semblables pour cette maison d'édition, spécialisée dans la littérature ilienne. Sinon, une belle découverte oui.
SupprimerLa description de cette vie communautaire est intéressante pour nous qui sommes si individualistes. Je viens de lire un livre qui doit entrer dans le cadre des livres sur les minorités en Laponie finlandaise. Je le commenterai bientôt.
RépondreSupprimerOui, la manière dont la communauté organise réflexion et débats autour des questions qui la préoccupe est édifiante !
SupprimerEt j'attends avec impatience ton billet sur les lapons..
Je pensais avoir laissé un commentaire, mais non .. J'aime bien ce que tu dis à la fin, que nous pourrions prendre modèle sur eux par moments. Je note au cas où ..
RépondreSupprimerJe ne sais pas si tu peux le trouver en bibli, mais je suis sceptique.. mais il vaut le détour, c'est dépaysant et en même temps on se sent proche des personnages.
SupprimerTon dernier paragraphe me donne fichtrement envie !
RépondreSupprimerC'est un titre qui séduit doucement. Au départ on est un peu perdu, et pas vraiment happé, et puis peu à peu, le charme opère en même temps que tous les morceaux de l'intrigue et ce qui les relie se mettent en place.
Supprimer