"Le train des enfants" - Viola Ardone
"Parfois ceux qui te laissent partir t'aiment plus que ceux qui te retiennent."
Amerigo Speranza est napolitain. Il n’a jamais connu son père, soi-disant parti en Amérique (d’où son patronyme), et son frère Luigi est mort de maladie avant sa naissance. Il vit ainsi seul avec sa mère Antonietta, une femme que la misère a rendue abrupte, avare de compliments et de tendresse. Ils vivotent entre autres de petits trafics qu’organise Forte-Tête, un homme mystérieux et un peu effrayant.
Nous parcourons les quartiers populaires de Naples à travers le regard enfantin d’Amerigo, à l’écoute de la bienveillance ou de la perfidie qu’expriment les femmes gouailleuses depuis la fenêtre, donnant sur la rue, de leur basso, inventant avec son ami Tommasino des combines bancales pour gagner quelques sous, s’amusant à compter les points et les étoiles que valent aux chaussures des passants leur aspect plus ou mins miteux.
Après quelques hésitations, Antonietta inscrit son fils aux trains. Il faut dire que le projet alimente les fantasmes (certains prétendent que les enfants sont envoyés en Russie) et les jugements à l’emporte-pièce envers ces mères qui se débarrassent de leur progéniture…
Ce n’est pas en Russie, évidemment, mais à Modène qu’échoue Amerigo, au sein d’une famille affectueuse et sereine, où il apprend le violon, porte des chaussures neuves, a droit à un gâteau pour son anniversaire, et trouve sans peine sa place dans sa fratrie d’adoption.
Il gardera de cette expérience le sentiment d’être "coupé en deux". A son retour, quelques mois plus tard, l’incompréhension entre une mère rendue amère par sa conviction d’avoir été rabaissée et Amerigo aura atteint un point de non-retour. Il conservera aussi toute sa vie le sentiment d’être un imposteur, ayant vécu une vie n’étant pas la sienne, et une honte de la pauvreté l’amenant à vouloir faire oublier ses origines modestes.
Un sujet intéressant, mais qui selon moi pâtit du choix narratif de l’auteure. Amerigo enfant est le narrateur de la majeure partie du récit, qui manque de crédibilité : le style, émaillé d’expressions volontairement puériles, laisse une impression de "fabriqué", et la plume de Viola Ardone, assourdissante, laisse rarement la place à la voix du héros. La fin, qui sonne plus juste (Amerigo est alors adulte) n’a pas suffit à compenser l’agacement qui a accompagné les trois quarts de la lecture. Par ailleurs, en se focalisant sur cette vision enfantine, le roman passe à côté de l'approche approfondie d’un contexte qui aurait mérité d’être davantage explicité.
Et bien voici une conclusion sans appel !
RépondreSupprimerJ'ai même failli l'abandonner ! Ce qui l'a "sauvé", c'est qu'il se lit vite..
SupprimerAujourd'hui, j'enlève des livres de mes listes... des avis mitigés, ça m'arrange donc !
RépondreSupprimerIl est de mon côté sorti de mes étagères pour échouer dans une boîte à livres.. faute d'avoir gagné du temps sur mes lectures, j'ai fait un peu de place dans ma bibliothèque !
SupprimerMa bibliothèque de quartier propose deux livres de Viola Ardone. L'autre est "Le choix" dont le sujet m'intéresse aussi. Tu l'as lu ?
RépondreSupprimerNon, je la découvrais avec ce titre, et je t'avoue qu'il ne m'a pas vraiment donné envie de renouveler l'expérience...
SupprimerUne lecture qui t'a agaçée sur les trois-quarts .. ça fait beaucoup. Je ne vais pas me précipiter.
RépondreSupprimerTu peux passer, en effet...
SupprimerJe ne connaissais pas cet épisode de l’histoire de l’Italie. Cette lecture m’avait touchée, même si, c’est vrai ,l’histoire est racontée à hauteur d’enfant.
RépondreSupprimerJ'en retiendrai de même sa dimension instructive, même si j'ai regretté de ne pas en apprendre plus sur le contexte et les acteurs qui ont initié et mis en œuvre cette démarche..
Supprimerje ne connaissais pas du tout cet histoire d'enfants du Sud qui ont été accueillis par des italiens du Nord tout cela sous le patronage du Parti Communiste , et cela m'a beaucoup intéressée. J'ai aimé que la première partie soit raconté du point de vue de l'enfant , j'ai aimé aussi le second roman "l choix" mais je pense que tu n'aimerais pas non plus car il y a un côté une peu italien, c'est à dire un peu "trop" qui me plaît sans doute plus qu'à toi.
RépondreSupprimerC'est un roman qui a beaucoup lu, c'est d'ailleurs pour cela que je l'avais retenu, et puis je trouvais le sujet intéressant. Je dois préciser que j'ai souvent du mal avec les enfants narrateurs, je trouve très compliqué de trouver le ton juste, et là, je n'ai pas cru à la voix de l'enfant..
SupprimerLe sujet a l'air passionnant au premier abord : le syndrome de l'imposteur et le rapport avec ses humbles origines mais dommage pour le choix narratif de l'auteure alors... Merci à vous pour cette chronique !
RépondreSupprimerCa, c'est surtout abordé dans la dernière partie, qui est celle que j'ai préféré, même du point de vue de la forme.. dommage que l'auteur n'ait pas écrit l'intégralité de son texte dans la même veine.
SupprimerJ'ai pour ma part été très touchée par ce roman raconté à hauteur d'enfant. La voix, volontairement puérile, m'a semblé au contraire très juste et crédible. Amerigo n'a que huit ans après tout et ce qu'il vit et endure n'a rien de comparable avec ce que pourrait ressentir un enfant de huit ans dans nos contrées et de nos jours. Mais je comprends bien qu'il est difficile d'apprécier une lecture lorsque le choix narratif ne convainc pas et agace. Bon, au moins tu auras plus de place sur tes étagères!
RépondreSupprimerJe crois bien que c'est ton avis qui m'a décidée, d'ailleurs ! mais bon, pas de regrets, j'ai au moins appris l'existence de cet épisode de l'histoire italienne, et, c'est vrai que je ne l'évoque pas dans mon billet, mais j'ai apprécié la balade dans Naples, que j'ai u l'occasion de visiter il y a quelques années..
SupprimerJe vois beaucoup cette autrice depuis quelque temps, je me disais que j'allais la lire mais maintenant je suis moins sûre. Agnès
RépondreSupprimerTu peux essayer quand même, ou avec un autre titre, il est question de "Le choix", dans les commentaires, qui a plu à certaines blogueuses...
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