"La séquestrée" - Charlotte Perkins Gilman
"De jour, elle est asservie, tranquille. Je suppose que c'est ce motif qui la retient ainsi séquestrée. Cela me tourmente. M'absorbe pendant des heures."
La narratrice, jeune épouse d’un médecin, est récemment devenue mère. Son mari, à qui elle a exprimé un mal-être, l’emmène dans une maison de location à la campagne, et lui préconise repos et bon air, l’obligeant à garder le lit la majeure partie du temps. Il lui interdit de réfléchir, de lire ou d’écrire. Or, elle sent instinctivement qu’un travail stimulant, que le mouvement lui seraient salutaires. Elle ne contredit pourtant pas ce mari qu’elle-même dit attentif, prévenant, et auquel son double statut d’homme et de médecin confère une incontestable autorité. L’aliénation et la domination sont ainsi dissimulées sous les apparences d’une sollicitude omnisciente qui les rend d’autant plus difficiles à combattre.
Elle relate, en cachette, les journées passées dans la chambre où on la cantonne, et où elle se prend d’une obsession de plus en plus morbide pour les dessins du papier peint, y imaginant des mouvements, des regards, rédigeant le journal d’une plongée dans la démence alimentée par l’inaction et l’enfermement.
Bien sûr, comme évoqué en préambule, la prison que constitue la chambre jaune (titre original de la nouvelle, modifié lors de sa réédition) n’est que le symbole de celle, immatérielle, que représente l’injonction faite aux femmes d’investir les rôles de mère et d’épouse parfaites auxquels la société patriarcale aimerait les cantonner.
L’écriture hypnotique, les détails concrets par lesquels se manifeste la bascule dans la folie frappent, mais j’ai malheureusement trouvé que la brièveté du texte nuit à son intensité. Il est sans doute d’ailleurs révélateur que la postface de la présente édition, signée de la traductrice, soit plus longue que la nouvelle elle-même. Diane de Margerie la replace dans le contexte de l’époque (la fin du XIXème siècle) et la met en lien avec le parcours de l’auteure, qui connut elle-même un épisode dépressif, et fit le constat que malgré la naissance du féminisme, il restait encore beaucoup de chemin à parcourir pour que les femmes puissent accéder à la maitrise de leur propre vie.
Ah, un texte féministe publié en 1892 ! Belle proposition ! La biographie de l'autrice (sur Wikipédia) est impressionnante.
RépondreSupprimerC'est en effet un titre intéressant pour le message qu'il porte à l'époque où il a été écrit. Les mécanismes de bascule dans la folie sont par ailleurs bien décrits, mais à mon sens pas assez développés.
SupprimerAllons bon, une postface plus longue que la nouvelle? ^_^
RépondreSupprimerOui, ça surprend.. ceci dit, elle s'intègre à part entière dans la lecture, éclairant le texte de manière très intéressante, entre biographie de l'auteure, condition féminine de l'époque et liens entre la nouvelle et les propres expériences de Charlotte Perkins Gilman.
SupprimerMais oui, j'ai lu Herland de cette autrice... une utopie féministe originale, surtout pour l'époque, mais je n'ai pas écrit de chronique, du coup, le souvenir en est un peu flou. Je ne suis pas trop tentée par cette nouvelle.
RépondreSupprimerJe vais creuser du côté d'Herland alors, car j'ai aimé le style de l'auteure, mais j'aimerais l'expérimenter sur un format plus long.
SupprimerC'était Kathel, l'anonyme.
RépondreSupprimerJe t'avais pris pour Nathalie :) !
SupprimerQuarante pages ce n'est pas beaucoup en effet, surtout si ça ne va pas assez loin. Je ne suis pas très tentée.
RépondreSupprimerL'avantage, c'est que cela m'a permis une participation au Mois de la Nouvelle sans trop d'efforts !! Mais le texte a un goût de trop peu, oui...
SupprimerFinalement c'est une nouvelle dont la postface est le principal attrait !!
RépondreSupprimerC'est un peu ça, disons qu'elle permet de prolonger un peu la lecture qui sans ça, laisserait une sensation d'autant plus fugace.
SupprimerBof ( un commentaire succinct, suivi d'une parenthèse plus longue, mais pas plus informative pour autant)
RépondreSupprimerParfois, il n'y a rien de plus à dire...
Supprimerah tu l'as lu et tu as pioché l'idée chez moi, j'avais pour ma part été frappée et contrairement à d'autres, je n'avais pas envie qu'elle soit plus longue - l'enfermement est déjà douloureux. Intéressant de lire ton avis et de voir la couverture française !
RépondreSupprimerEt je ne sais pas si tu as vu mon billet précédent, concernant un autre titre pioché chez toi et qui m'a beaucoup plu...
SupprimerCoucou ! Je ne l'ai pas (encore) lu, mais j'en avais entendu parler dans le superbe ouvrage Des femmes et du style d'Azélie Fayolle, aux éditions Divergences ! Je suis contente que Libretto le réédite !
RépondreSupprimerIl me semble que c'est un texte important par son propos, et par la manière dont il est traité, qui frappe l'esprit. Dans une certaine mesure, il est par ailleurs toujours d'actualité...
SupprimerÇa c'est drôle ! C'est la 2ème fois que je tombe sur ce texte en moins d'une semaine. C'est Karine du blog "Mon coin lecture" qui en a parlé il y a quelques jours. Du coup, je l'avais déjà noté ! ;)
RépondreSupprimerOui, j'ai vu le billet de Karine, qui l'a aimé, elle, sans bémol.
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