"Révolution aux confins" - Annette Hug
"La balle cède devant le mot, parce que le mot s'élève dans l’harmonie des forces en présence et fait surgir une énergie que les puissances matérielles ne peuvent contenir…" (José Rizal).
Annette Hug s’attarde sur deux années de la vie de José Rizal, héros national philippin dont l’implication dans l’émancipation de son peuple du colon espagnol lui valut d’être fusillé à l’âge de trente-cinq ans.
En février 1886, il arrive à Heidelberg après avoir étudié à Madrid puis à Paris l’ophtalmologie et la philosophie. Il a vingt-quatre ans, est diplômé de médecine de l’université de Manille, et il a dû fuir son pays natal, mis en danger par sa dénonciation des vices de l’administration espagnole et de la mainmise des pouvoirs religieux.
Il a l’intention d’optimiser ses journées, "en opérant des yeux le matin, en apprenant l’allemand l’après-midi, et en travaillant, la nuit, au roman" qu’il a entamé. Mais il rejoint une fraternité d’étudiants, fréquente assidument les brasseries et s’il réalise ses projets médicaux en devenant l’assistant d’un professeur de la clinique universitaire ophtalmologique, il peine à avancer dans son roman.
Les nouvelles des Philippines lui parviennent essentiellement par la correspondance entretenue avec son frère aîné Paciano. Ses proches l’exhortent à la prudence : certains articles qu’il a publiés en Espagne sans qu’ils y provoquent aucun remous ont eu dans la colonie un retentissement tout autre, et sa famille, qui administre les terres des frères dominicains, tient à conserver ce privilège et sa sécurité : en tant qu’indigène, on a tôt fait de se retrouver en prison… A la demande de Paciano, qui souhaite pour leur village, où il a monté une petite troupe, un théâtre d’un genre nouveau, il entreprend la traduction en tagalog du "Guillaume Tell" de Schiller.
Autant le préciser tout de suite : j’ai eu beaucoup de mal à persévérer dans cette lecture. "Révolution aux confins" est un roman complexe. L’auteure y fait le choix d’une approche essentiellement individuelle, axée sur le présent vécu par son héros et sur ses réflexions, que ne viennent que rarement éclairer d’éventuelles précisions sur le contexte historique ou politique. J’ai ainsi dû régulièrement aller consulter les pages Wikipédia relatives à l’histoire des Philippines pour m’y retrouver un peu. Par ailleurs, la narration elle-même est déstabilisante : certains passages du texte traduit par José Rizal s’insèrent sans transition dans l’intrigue, comme si l’auteure transcrivait en temps réel des moments de ce travail de traduction. Les questionnements nourris du héros sur le choix et le sens des mots, qui d’une langue à l’autre fluctue et se pare de subtilités nouvelles rendant sa tâche parfois ardue, sont aussi abondamment évoqués.
Au-delà de cette mission confiée par son frère, et dans laquelle il s’investit pleinement, surgit une réflexion plus vaste sur la langue, d’abord comme lien ultime avec une culture autochtone ancestrale dont les colons ont détruit toutes les manifestations tangibles. Le tagalog représente ainsi un patrimoine immatériel, intemporel, mais bien vivant, chef-d’œuvre travaillé par le peuple tout entier. Mais la maîtrise de la langue coloniale est tout aussi capitale, dans la mesure où elle représente un moyen de lutte contre l’oppresseur. Car si José Rizal rêve d’émancipation, c’est par la raison qu’il veut parvenir à instaurer un nouvel ordre, en s’armant d’une pensée et de moyens de l’exprimer qui permettront de sortir de l’aveuglement imposé par le pouvoir religieux.
Malgré tout l’intérêt que présentent les thématiques abordées par Annette Hug, seules la brièveté de l’ouvrage et l’idée de tenir là ma première participation à l’activité sur les Littératures d’Asie du Sud-Est proposée par Miss Sunalee m’ont convaincue de mener à son terme cette lecture laborieuse.
Elle aura toutefois eu le mérite de me faire connaître José Rizal, dont j’ignorais alors jusqu’au nom.
J'aime et je lis beaucoup de romans historiques et je pense que s'il faut consulter de la documentation pour le comprendre, c'est qu'il est raté. Il es vrai que l'histoire des Philippines nous est plus étrangère que celle de France, d'Italie, de Grande-Bretagne...etc. mais quand même : je suppose qu'Annette Hug n'est pas philippine, elle pourrait donc familiariser le lecteur européen avec son propos.
RépondreSupprimerL'auteure est suisse germanophone, et j'ai en effet trouvé regrettable de devoir me "documenter" pour ne pas me sentir complètement perdue... mais même sans ça, j'aurais eu du mal, ne serait-ce qu'en raison de toutes les réflexions de nature linguistiques, trop techniques pour moi..
SupprimerJe ne suis pas très tentée. Pour découvrir l'Indonésie, il me faudra un ouvrage plus accessible !
RépondreSupprimerCe sont les Philippines :). Ce n'est pas évident de trouver des textes sur ce pays...
SupprimerArgh, voilà qui prouve bien que je devrais attendre d'avoir bu un premier café avant de commenter 🤣.
SupprimerUn roman ardu, donc, et qui ne me tente pas vraiment. Pourtant, j'aimerais en apprendre plus sur les Philippines, qui dans ma tête, sont un peu à part en Asie du Sud-Est, sans doute à cause de la colonisation espagnole puis américaine. J'ai trouvé un autre auteur à lire, Remoto Danton, j'espère que j'aurai bientôt le temps ! Pour le moment, je tente de jongler entre les lectures communes, l'Asie du S-E et mes envie de SF... c'est un peu compliqué. Au moins je ne suis jamais en panne d'idées pour la lecture suivante.
RépondreSupprimerJe suis très curieuse de voir ce que tu auras déniché... mais j'imagine que c'est en anglais, j'ai essayé de chercher des auteurs philippins traduits en français, en vain.
Supprimercomme toi je ne savais rien de ce personnage ni de l'indépendance des Philippines
RépondreSupprimerEh bien cette lecture nous aura au moins permis d'apprendre ça !
SupprimerDéjà que je n'aime pas trop lire des romans historiques si en plus c'est laborieux même pour ceux qui les aime !! Je passe mon tour...Dommage car moi non plus je ne connaissais pas du tout José Rizal, ni l'auteur d'ailleurs dont je n'ai jamais rien lu. J'irai voir ce qu'elle a publié d'autres...
RépondreSupprimerJosé Rizal a écrit un livre, un roman qui dépeint la situation de son pays, mais il n'est disponible, sur commande en librairie, qu'au prix de 57 euros...
SupprimerC'est dommage que ce livre soit si complexe. On ne trouve pas beaucoup d'ouvrages sur les Philippines, à part la fresque de Francisco Sionil José (que j'ai repérée mais pas encore lue)
RépondreSupprimerAh, je vais me renseigner pour voir s'il est disponible en médiathèque ou en librairie, merci (tu déniches toujours des titres improbables) !
SupprimerMille mercis pour ce billet ! J'avais repéré ce livre également, mais je n'étais pas très convaincue par cette trouvaille. Tu confirmes mon intuition et m'évites une lecture a priori un peu pénible.
RépondreSupprimerA ton service ! Bon c'est dommage, le sujet était intéressant...
SupprimerSi tu as eu du mal à persévérer, je pense que j'en aurais encore plus que toi. Je passe ..
RépondreSupprimerDisons qu'entre le manque de contexte, et les considérations linguistiques assez techniques, on en perd le plaisir romanesque...
Supprimertu as été courageuse car l'auteur a tout fait pour te décourager, or l'Histoire c'est passionnant, dommage ! du coup, je pense en trouver en anglais mais je ne vais pas me diriger vers cette lecture c'est certain
RépondreSupprimerJe n'ai tenu que grâce à sa brièveté.. et oui, c'est bien dommage, pour une fois que je lisais un roman où il est question des Philippines..
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