"Fraternité" - Luc Dagognet
"Je me suis réveillé à midi, j’ai vomi à treize heures, je suis en slip dans mon canapé avec un zoo dans le crâne et un rat mort dans le ventre, mais je m’en fous : seule l’aventure compte."
Le narrateur, trentenaire, travaille dans une agence de communication. Célibataire, il vit à Paris, en compagnie d’une chatte baptisée Jean-Paul, car recueillie le jour de la visite, que diffusait alors la télévision, du Pape à Lourdes. Son intolérance pathologique au bruit, cause de son récent déménagement (il était à deux doigts d’assassiner sa vieille voisine en laissant traîner des billes dans l’escalier), va être à l’origine d’une situation aussi improbable que terrifiante. Irrité par le tapage nocturne d’un voisin de l’immeuble en face du sien, il en vient à casser sa fenêtre en y jetant une balle de tennis. C’est le début d’une guerre sournoise, prenant des proportions cauchemardesques, contre un adversaire qui se conduit en psychopathe.
Je ne vous en dis pas plus sur l’intrigue, qui à un moment change d’orientation, passant d’une farce susceptible de basculer à tout moment dans l’horreur à un récit plus apaisé, mais non moins rocambolesque, ponctué de courses poursuites, de rencontres étonnantes, de déambulations dans un étrange Paris souterrain riche de surprises.
La voix du narrateur, empreinte à la fois d’anxiété et de mélancolie, crée comme un contraste avec les improbables péripéties relatées. Elle exprime le mal-être de la vie citadine, pourvoyeuse d’anonymat et de solitude, mais aussi de violence, celle du grouillement, du bruit, des angles aigus de l’architecture urbaine. Une violence qui contamine les individus, en les faisant parfois basculer dans la démence, comme ce type qui, armé d’une perceuse, essaie de trouer les usagers du métro.
Le héros est paradoxalement à la fois en quête de paix et d’aventure, pour casser la morne routine qui l’englue. Les relations superficielles qu’il entretient avec ses rares amis sont dénuées d’intensité et de spontanéité. Lui-même admet s’être fermé aux émotions des autres et refuse de partager les siennes. Entre autodérision et inquiétude face à son propre comportement, ce qui le rend souvent drôle -parfois à son insu-, il prend conscience qu’en confondant bien-être et sécurité, il s’est jusqu’alors condamné à une existence mortifère. Ce à quoi il aspire, finalement, plus que tout, c’est à une fraternité que nos modes de vie ont rendu presque illusoire. Mais il va devoir, pour cela, se confronter à l’altérité…
J’ai un peu regretté que l’ensemble du texte ne soit pas à l’avenant de sa première partie, qui oscille entre burlesque et effroi en un parfait équilibre. Mais l’originalité constante du ton, qui doit beaucoup à la spontanéité du narrateur, à ses digressions tantôt pertinentes et tantôt décalées, ainsi que la dimension loufoque de ses mésaventures, constitueront tout de même un excellent souvenir de lecture.
Original et distrayant dans l'ensemble, si j'ai bien compris
RépondreSupprimerTu as très bien compris ! J'ai aimé être emmenée dans l'univers décalé du héros, qui m'a souvent fait rire, et c'est déjà beaucoup..
SupprimerQuelle était la raison du choix de ce cadeau? Finalement, c'est bien tombé, non?
RépondreSupprimerC'était pour Noël, de la part de mon conjoint qui lisant peu, se fie à son intuition... généralement il tombe bien, ou sur un titre que j'ai déjà lu ! Cette fois a encore été une bonne pioche, oui, d'autant que je n'aurais probablement jamais lu ce livre s'il ne m'avait pas été offert !
SupprimerP.S. : je t'ai envoyé deux mails suite à tes derniers billets, qui me sont revenus avec le message suivant : "Nous n’avons pas pu remettre votre courrier, car le système de courrier du destinataire n’a pas répondu, malgré plusieurs tentatives de contact. Contactez le destinataire par un autre moyen (par exemple, par téléphone) et demandez-lui d’informer l’administrateur de son courrier que leur système de courrier semble ne pas accepter les demandes de connexion de votre système de courrier. Communiquez-lui les détails d’erreur ci-dessous. Il est probable que l’administrateur du courrier du destinataire soit le seul à pouvoir résoudre le problème."
Peut-être mes messages arrivent-ils dans tes spams ?
Je me méfie des livres autour de personnages trop déjantés, souvent le début me plaît bien mais souvent aussi le récit ne tient pas la route.
RépondreSupprimerPlus que déjanté, le héros est un peu décalé, et en réalité malheureux... j'admets qu'en lisant le début, je m'attendais à un texte plus loufoque par la suite. Ca reste cocasse, et certaines situations sont assez dingues, mais le roman se focalise surtout, dans sa dernière partie, sur la quête d'amitié du narrateur.
SupprimerCa me semble intéressant même si je sens que ça aurait pu être mieux encore...?
RépondreSupprimerTu résumes bien mon avis ! Mais je recommande tout de même, ça sort des sentiers battus, et c'est souvent drôle..
SupprimerLa couverture est horrifique ! Mais je comprends bien ton fou rire, la première phrase donne le ton, visiblement, de la suite. Un roman bien décalé qui pourrait bien me tenter ( même si je suis en plein dégraissage de bibliothèque ...) Serons-nous raisonnables un jour ?!
RépondreSupprimerSi je veux être honnête, ce n'est pas un méga coup de cœur, donc je devrais te dissuader de le retenir. Ce que je fais en ce moment, pour ce genre de titre, c'est que je les note dans une liste non prioritaire, que je trierai plus tard, quand ma pile sera plus légère (elle descend, elle descend...). Mais je pense qu'il pourrait te plaire, oui !
SupprimerQu'est-ce que représente la couverture ?
RépondreSupprimerJe me suis posée la même question, et ai fini par en conclure qu'il s'agit du profil -très torturé...- d'un visage ! C'est assez flippant à vrai dire, comme le souligne Athalie, et ne reflète pas forcément ce qu'on trouve dans le roman, même si la première partie est angoissante.
SupprimerJ'imagine une atmosphère assez oppressante, une fois la partie plus burlesque passée. La fin t'a-t-elle convaincue? Je trouve souvent que ce type de romans entre humour et tension "se dégonfle" comme un ballon dans les dernières pages.
RépondreSupprimerEn fait, le burlesque et l'oppressant sont au départ mélangés, et ça se calme ensuite en ce qui concerne la dimension angoissante. Et j'ai un problème avec les livres : j'en oublie la fin généralement quelques jours après les avoir terminés. C'est le cas avec celui-là, ce qui signifie qu'elle ni extrêmement marquante ni foncièrement décevante, je suppose... cela reste un roman divertissant, souvent surprenant (on y découvre les souterrains de Paris comme on ne les a jamais vus) que je suis ravie d'avoir lu !
SupprimerCarrément bien tentée ! Ce genre de lecture me ferait du bien je crois en ce moment.
RépondreSupprimerIl est parfait pour ça, puisqu'il est à la fois drôle et plein d'humanité (aspect dont je parle peu dans mon billet, mais qui y est bien présent)...
SupprimerJe n'ai rien contre des lectures un peu déjantée...le problème est que je ne le ferai pas passer en priorité vu mes listes et ma pile en attente. Mais pourquoi pas si je le croise pendant des vacances. Merci en tous les cas de ta chronique que j'ai lu avec attention, si je comprends bien ce cadeau a été un bon choix :)
RépondreSupprimerJe vois que nous sommes nombreuses à tenter de juguler nos listes vampiriques... ceci dit, il ferait en effet une excellente lecture de vacances ! Et oui, il a été bien choisi...
SupprimerJ'allais lui conseiller, à ce pauvre gars, un retrait dans mes montagnes, dans les tout petits hameaux où vivent quelques habitants, là où le silence s'entend ! Mais là aussi il peut y avoir des problèmes de voisinage ! Insoluble ! !
RépondreSupprimerC'est vrai, je connais des gens qui se sont installés à la campagne pour être tranquilles, mais dont le voisin le plus proche, pourtant à plusieurs centaines de mètres, est vite devenu insupportable (il organise des mégas fiestas avec la musique à fond presque tous les week-ends..) Et notre héros part de très loin, même le bruit d'une cuiller que l'on touille dans un café lui est insoutenable... mais bon, sans trop en dévoiler, dévoiler, ça s'arrange au cours du récit !
SupprimerAah le rocambolesque et le décalé, c'est pour moi ça ! Si en plus tu as été prise d'une crise de fou rire, plus de doute. Et cette chatte qui s'appelle Jean-Paul. 😆
RépondreSupprimerOui, c'est typiquement le genre de titre auquel je penserais pour toi ! Et le premier paragraphe est en effet hilarant... puis c'est l'occasion de mettre à l'honneur une maison d'édition méconnue..
SupprimerAh les histoires de voisinage ! j'ai peur d'avoir de mauvaises pulsions en lisant ce roman ;-) (mon agrégateur de flux me joue des tours, voilà qu'il me sort plusieurs billets d'un coup ce matin. Il les retenait où ?).
RépondreSupprimerIl risque en effet de te donner des idées, dont certaines plutôt mauvaises ! Mais je comprends, j'ai également subi, à plusieurs reprises, les nuisances de voisins bruyants, et ça peut rendre dingue...
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