"Anna Thalberg" - Eduardo Sangarcia
"Anna Thalberg, (…) vous êtes accusée d'avoir assisté aux esbats sur les rives du Blutsee-Moor ainsi qu'au grand sabbat de Walpurgis se tenant au Harz, où vous vous êtes rendue en chevauchant une chèvre pour danser avec le Diable jusqu'à tomber d'épuisement avant de vous accoupler avec lui per angostam viam."
Anna, taxée de commerce avec le Démon, devient une des victimes de cette folie purificatrice. Elle est en réalité dénoncée sur la base d’un ressentiment bien plus prosaïque : jeune, belle -et rousse-, elle est l’étrangère qui, ramenée de Walldürn par son époux Klaus, a allumé une flamme lubrique dans les yeux des maris, initiant la haine des épouses. Pour se débarrasser de cette encombrante voisine, Gerda lui impute, auprès des autorités idoines, le lait qui tourne après la traite, les vers dans les fruits, la sécheresse qui depuis deux ans sévit dans leur village. Les fausses couches qu’a subies la jeune femme et ses promenades en solitaire dans la forêt sont d’ailleurs des preuves évidentes de sa possession.
L’accusatrice trouve en la personne de l’inquisiteur Vogel, homme aussi pervers que fanatique, une oreille plus qu’attentive.
Anna est brutalement enlevée de son foyer, et emmenée à la prison de Wurtzbourg, où elle sera torturée de longues semaines, car elle tient bon, clamant son innocence malgré son dos et ses doigts brisés, ses membres luxés... Pourtant, on le sait d’emblée : malgré ses dénégations, et les témoignages de son époux et du père Friedrich, le curé de son village, qui se démène pour démontrer que la jeune femme est victime d’une injustice, Anna finira sur le bûcher. Une accusée est forcément coupable, et toute parole en faveur de sa défense est transformée, par le crible d’une rhétorique dogmatique et obscurantiste, en argument pour une vérité d’emblée établie et par ailleurs nourrie des fantasmes pervers qui hantent ceux qui jugent, celle que cette femme est une sorcière.
Je ne le lirai pas ; cette cruauté totale envers les femmes, j'en ai trop lu, je sature complètement. Mais c'est bien que la littérature continue à s'y intéresser.
RépondreSupprimerOui, d'autant plus quand ce sont des hommes qui s'y intéressent !
SupprimerJ'avais repéré ce texte à sa sortie... et puis une tentation en entraînant une autre... Le style d'écriture, en revanche, me fait un peu peur.
RépondreSupprimerCa passe très bien, c'est original mais accessible, et j'ai trouvé que la forme servait bien le fond, cette écriture en "flux" donne au récit une dynamique qui entretient la tension.
SupprimerVoilà qui semble tout à fait intéressant. C'est étrange comme cette couverture me semble trop moderne pour un roman historique comme celui-ci... peut-être rejoint-elle ta remarque sur "modernité et ancestralité".
RépondreSupprimerJe te rejoins, mais cela ne m'a en effet pas gênée, je n'en ai pas vraiment identifié la cause mais il y a une dimension intemporelle dans ce récit (sans doute liée à la forme) qui finalement confère à cette couverture sa légitimité...
SupprimerRéalité macabre et cruelle donc. La lecture ne doit pas être facile...
RépondreSupprimerIl y a en effet des passages assez durs, et l'idée même de l'injustice et de la violence qui président à l'intrigue est insoutenable...
Supprimerquelle horreur , c'est tellement injuste ! et aujourd'hui deux femmes vont être pendues en Iran pour avoir enlever leur voile , c'est tellement facile d'exciter les foules contre les femmes !
RépondreSupprimerC'est peut-être ce qui fait que malheureusement, en dépit de son contexte, c'est un texte qui ne semble pas si dépassé que ça...
SupprimerJe suis (presque) toujours preneuse quand il s'agit de sorcières. Dans le même esprit (me semble-t-il), j'ai été marquée par le film Les Sorcières d'Akelarre, un film en basque sur un groupe de jeunes filles accusées de sorcellerie (avec un inquisiteur visqueux à souhait). Le style m'intrigue beaucoup aussi.
RépondreSupprimerJe n'ai jamais entendu parler de ce film, mais cela m'intéresse, merci pour l'info ! Et si tu t'intéresses de ton côté aux sorcières, n'hésite pas, c'est un très bon roman.
SupprimerJ'avais été très tentée par ce livre à sa parution, puis de billet en billet, j'ai réalisé que ce serait peut-être trop violent pour moi, avec les tortures, tout ça (je suis vraiment une petite nature) et ton billet le confirme. Dommage.
RépondreSupprimerLes scènes de torture sont évoquées sans être détaillées. A toi de voir...
Supprimerje rejoins Aifelle, pas envie de ce genre de lecture, mais oui, c'est bien que les hommes s'attaquent aussi à ce sujet et que la vérité soit enfin révélée sur cette période très sombre de notre histoire ..
RépondreSupprimerOui, d'autant plus que certaines femmes vivent encore des heures bien sombres...
SupprimerA lire la citation qui introduit ta note, on pourrait presque se dire "Oh là là, quelle imagination ces romanciers, quand même ..." Décidemment, les croyances religieuses sont encore plus balèzes que la fiction. Je note ce titre !
RépondreSupprimerTu fais bien, je pense qu'il te plaira... et oui, c'est ahurissant ce que la religion peut faire avaler, et très dangereux aussi...
SupprimerJe ne le lirai pas non plus, parce que, comme Aifelle, j'en ai déjà beaucoup (trop) lu. Mais je trouve que c'est bien d'en parler, parce que c'est toujours d'actualité, malheureusement, et pas si loin de chez nous.
RépondreSupprimerMerci pour ta participation.
L'obscurantisme semble en effet toujours vivace... c'est triste.
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