"Mahmoud ou la montée des eaux" - Antoine Wauters
"Le monde, cette beauté détruite par la peur."
Il raconte ses plongées au fantôme de sa femme Sarah : le sentiment de mourir à chaque immersion dans l’eau froide malgré le soleil, sa manière de se concentrer à la fois sur la beauté et sur la résonnance du traumatisme qui le hante. Car Mahmoud est un homme brisé, qui plonge pour fuir un présent que le deuil et la guerre lui ont rendu insupportable. Sous l’eau, il convoque les images de bonheurs passés, celles du temps où il était poète et qu’avec Sarah ils avaient séjourné à Paris, celles du rire et des jeux de ses enfants, moments conviviaux passés au café Farah, dont les vestiges gisent au fond de l’eau…
Mais l’horreur, insistante, s’infiltre. D’abord évoquée par ellipses, elle se fait de plus en plus précise, s’entremêle avec indécence à l’évocation des jours heureux, nous acheminant vers le point névralgique de l’enfer dans lequel est plongé Mahmoud. Cet enfer rugit à quelques kilomètres du lac, manifestation du chaos qui a débuté avec la répression du printemps arabe par Bachar-El-Assad, cet ophtalmologue falot qui semble s’être métamorphosé en monstre lorsqu’un accident de voiture, en causant la mort de son père, a précipité son accession au pouvoir.
Mahmoud a lui-même connu la détention et la torture. Après ça, il n’a plus été le même.
Mais l’enfer est aussi et surtout en lui, dans l’incessant rappel de la disparition des siens, dans la conscience désespérée du triomphe de la brutalité et de la quête obsessionnelle de pouvoir sur la simplicité et la douceur. Alors, un recueil de poèmes russes dans sa poche, constatant avec indifférence que la tumeur sur son visage grossit à vue d’œil, Mahmoud, entouré de ses fantômes, bascule dans la folie. Se nourrissant des quelques olives et dattes fournies par son ami Badr, un rebelle, il attend la fin.
Ce bref texte écrit en vers libres, au lyrisme justement dosé, est d’une insoutenable tristesse. Sa beauté, si elle suscite l’émotion, occulte l’espoir, car comme le dit Mahmoud lui-même, l‘écriture n’est d’aucune aide face à la barbarie, et ne ressuscite rien.
Oui écrit triste, lyrique et profondément beau. Une belle découverte et un prix Inter mérité.
RépondreSupprimerJe te rejoins complètement, et pourtant je n'étais pas spécialement attirée par ce titre et cet auteur. C'est un roman que l'on m'a offert et "on" a très bien fait !
SupprimerJ'avais été saisie par l'infinie douleur et beauté de ce texte, par l'évocation nostalgique du passé et les ravages intimes de la guerre. Je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression que tu es restée à distance ...
RépondreSupprimerTu te trompes, en effet, ce qui m'interpelle sur le manque de clarté de ce billet... ! J'ai beaucoup aimé moi aussi l'écriture, et cette poésie maitrisée de manière à ce que le texte ne tombe jamais dans le pathos ou l'excès de lyrisme.
SupprimerNon, ton billet est très bien. C'est juste que souvent, tu précises A lire, à la fin. Du coup, je me demandais si j'avais bien interprété ^-^
SupprimerC'est vrai, tu as raison, je ne sais pas trop ce qui m'incite à ajouter ou non cette mention quand j'écris un billet, ce n'est pas très réfléchi à vrai dire...
SupprimerIl n'y a pas grand chose a ajouter à ton commentaire. Ce livre semble tellement fort
RépondreSupprimerIl est très fort, très triste et très beau à la fois. A lire, donc !
SupprimerEn effet, la situation du peuple syrien n'incite guère à l'espoir.
RépondreSupprimerCe constat, de l'impuissance de l'art et de la poésie face à la barbarie du monde, n'est pas une surprise, mais il est désespérant...
SupprimerJe ne l'ai toujours pas lu ce livre dont on a tant parlé sur les blogs. Et je ne le ferai pas tout de suite, l'actualité est assez désespérante comme ça ..
RépondreSupprimerMalheureusement, je ne suis pas très optimiste sur le fait que cela s'arrange un jour...
SupprimerCe titre que j'ai dû noter 2428 fois :) bien sûr que j'ai toujours envie de le découvrir !
RépondreSupprimerEspérons que cette 2429e fois sera la bonne !
SupprimerJe l’ai emprunté, commencé et rendu. Je ne l’ai pas «senti ». Ça n’était peut être pas le moment.
RépondreSupprimerJe peux comprendre, il m'est récemment arrivé la même chose avec "A la ligne", de Joseph Ponthus, également écrit en vers libres, et auquel je n'ai pas réussi à adhérer. Je t'avoue n'avoir même pas l'intention de lui donner une seconde chance... il y a tant à lire ...
Supprimerc’était Une Comète
RépondreSupprimerJe ne t'avais pas reconnue... :)
SupprimerUn texte fort que j'avais déjà noté suite à un billet fort convaincant mais je ne sais plus de qui...
RépondreSupprimerIl a été pas mal chroniqué lors de sa sortie, et généralement de manière très positive. Je crois que je l'avais repéré chez The Autist Reading, entre autres..
Supprimeril est dans une de mes listes ,je vais le faire remonter en priorité de lecture , merci pour ce rappel
RépondreSupprimerLa forme est belle, mais c'est une lecture déprimante, que j'ai beaucoup aimée toutefois, pour sa poésie, et son intensité.
SupprimerEncore une lecture bien tentante qui risque de ne pas arranger ma pile de livres à lire. J'avais juré de ne plus rien y ajouter pendant quelques mois, mais je me dis qu'il n'est pas très épais...😁
RépondreSupprimerC'est un bon prétexte pour céder...
SupprimerJe le garde en tête pour un moment bien choisi, le sujet demande d'être dans certaines dispositions pour moi.
RépondreSupprimerC'est une sage décision, il peut s'avérer déprimant, mais il vaut le détour, tout de même...
Supprimerle titre me parlait mais jamais lu, et ton histoire de tumeur et de folie me freinent du coup ! même si je ne suis pas attachée à une fin heureuse. Je crois que j'ai besoin de lire autre chose ces temps-ci..
RépondreSupprimerC'est une folie "douce", si on peut dire, sans violence, et la tumeur est un détail... ceci dit, c'est un livre où l'on côtoie la barbarie, tu peux donc passer si tu n'as pas envie de noirceur en ce moment...
SupprimerUn auteur belge que je n'ai pas encore lu. Ce texte semble fort. Je pourrais peut-être le découvrir...
RépondreSupprimerC'est une bonne idée : l'écriture est très belle, et le propos bouleversant.
SupprimerJe voulais le lire à sa sortie mais il était toujours emprunté par quelqu'un donc indisponible à la médiathèque, depuis je l'avais oublié..Il faut le lire en effet il doit être magnifique...
RépondreSupprimerC'est plutôt bon signe, qu'il soit à ce point plébiscité par les lecteurs de ta médiathèque ! Il mérite bien ce succès.
SupprimerWow, cela a l'air d'être une sacrée lecture... mais tant de tristesse... pas sûre que ce soit le moment pour moi de lire ce genre de livre. MAis je le garde en mémoire.
RépondreSupprimerMalgré sa beauté, c'est en effet un titre déprimant... mais à lire tout de même, ne serait-ce que pour sa poésie.
SupprimerUn destin triste mais tellement beau. Et cette écriture... Antoine Wauters mériterait tellement d'être plus largement lu qu'il ne l'est.
RépondreSupprimerComme je l'écris ci-dessus en réponse à Fabienne (Livrescapades), je crois bien que c'est toi qui m'a convaincue de le lire. Tu as tout dit : c'est à la fois triste et beau... et il me semble qu'Antoine Wauters est tout de même pas mal présent sur les blogs, non ? (mais peut-être pas autant qu'il le mérite, en effet :)..
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