"- Dites-moi, mon cher Getzl ben Getzl, est-ce qu’il arrive parfois que le choléra s’invite chez vous à Lemberg ?
- Jusqu’à maintenant Dieu ne l’a pas permis. Pourquoi ?
- Dommage. Il y aurait au moins eu un petit espoir d’être débarrassé de vous !"
C’est une double disparition qui émeut un beau matin de la fin du XIXème siècle la petite bourgade d’Holenechti, en Bessarabie. La première est celle de Reyzl, quinze ans, fille unique du chantre, homme pauvre mais digne. La seconde concerne un autre adolescent, Leybl, fils de Béni Rafalowitch, le "Rothschild" d’Holenechti.
L’événement coïncidant avec le départ de la troupe de théâtre yiddish qui a plusieurs jours durant fait la joie des habitants du village, le lien est à juste titre vite établi.
Unis par un amour naissant, chaste mais profond, Reyzl et Leybl ont pris la tangente, ce dernier après avoir vidé la caisse du florissant commerce familial. Elle, s’est laissé convaincre par le directeur du théâtre qu’avec ses yeux de gitane et sa voix d’or, elle avait un avenir tout tracé au sein de sa troupe ; c’est aussi l’occasion de s’extirper de la férule d’une mère guidée par les carcans d’une morale rigide incompatible avec les élans de la jeunesse. Lui a découvert avec les théâtreux un monde à part, gai et animé : c’est la liberté et l’aventure qui le tentent.
Partis en direction de la Roumanie, ils sont aussitôt séparés par un concours de circonstances qui scinde également la troupe. Des années durant, ils vont cheminer chacun de leur côté, de Bucarest à New York, en passant par Vienne ou Londres, se rapprochant parfois sans le savoir, se languissant l’un de l’autre, entretenant l’espoir de retrouvailles. Reyzl devient Léo Rafalesco, star du théâtre yiddish, d’une beauté et d’une étrange discrétion séduisant les femmes. Leybl, sous le nom de Rosa Spivak, embrasse une carrière de chanteuse, et connaît une renommée mondiale. Nous suivons surtout le parcours du jeune Rafalesco, dont le succès croissant suscite les convoitises, et l’entoure de multiples "protecteurs" aux combines très inventives et aux dents souvent longues.
C’est avec un plaisir joyeux que l’on pénètre le foisonnant petit monde de Sholem Aleykhem qui à l’image de son théâtre yiddish bouillonne, s’exclame, met en scène pléthore de personnages experts dans l’art de l’imprécation et de la réinvention d'un réel ainsi rendu plus coloré et plus intense. Son texte est ainsi très vivant et truculent, nourri d’un folklore juif qui lui confère aussi une certaine singularité. Malheureusement, les redondances de l’intrigue finissent par rendre l’ensemble bien long, et par provoquer la lassitude. J’ai appris par la suite que ce récit était à l’origine paru sous forme de feuilleton, ce qui explique sans doute en partie cette construction en épisodes répétitifs, qui s’avère sur le long terme indigeste. J’ai par ailleurs regretté la prédominance de la relation des déplacements des héros et de leurs efforts pour se faire une place dans les divers lieux où ils échouent, aux dépens d’une véritable immersion dans les coulisses et sur la scène de théâtres que nous n’entrevoyons que de manière fugitive.
J’ai à peu près le même avis que toi. Je vois que je conclus mon billet en disant « ce n’est pas très bon, mais bien sympathique. »
RépondreSupprimerCela me décourage de lire d’autres titres de l’auteur, alors qu’il a beaucoup écrit. Faudrait que je regarde s’il y a quelque chose de plus court.
Ce roman semble assez original. C'est dommage pour les longueurs mais cela reste tentant. Je ne connais pas beaucoup la littérature ukrainienne ni la littérature yiddish.
RépondreSupprimerDommage qu'il ne soit pas plus court !
RépondreSupprimerCela me rappelle un roman beaucoup plus récent, Avant que le monde ne se ferme, parlant d'un tzigane qui voyage avec un cirque à travers l'Europe... ce roman avait beaucoup plu ici et là, mais m'avait ennuyée.
Quand j'ai vu Lemberg j'ai été attentive, mais bon, un pavé, en plus tes bémols... Actuellement en lecture je suis pas loin de Lvov (c'est Lemberg)
RépondreSupprimerAh, dommage, ça commençait bien.
RépondreSupprimerDommage qu'il ne soit pas plus long...
RépondreSupprimer[plus épais] ;-)
@ Nathalie = et puis c'est long... dommage, parce que le ton est réjouissant, et comme tu l'écris dans ton billet, certains personnages sont hauts en couleur.
RépondreSupprimer@ Je lis je blogue = tu peux tenter, ou essayer de voir, comme l'évoque Nathalie, s'il n'a pas écrit des textes plus courts. Je connais peu la littérature ukrainienne moi aussi, mais j'ai été marquée par le roman d'Evgueni Vodolazkine, Les quatre vies d'Arseni (validé aussi par Nathalie, d'ailleurs !)
RépondreSupprimer@ Kathel = c'est sûr que c'est dommage, pour celui-là comme pour celui que tu as lu, parce qu'ils ont comme contexte des univers qui a priori sont tout sauf ennuyeux !
RépondreSupprimer@ Anne-yes = oui, il aurait gagner à être épuré d'au moins une bonne centaine de pages, et j'aurais vraiment aimé que l'auteur nous fasse davantage pénétrer dans les coulisses du théâtre.
RépondreSupprimer@ tadloiducine = j'ai bien cherché s'il était paru sous un autre format avec davantage de pages, mais non… ! Ce n'est pas grave, j'ai encore deux épais à venir avant les vacances !
RépondreSupprimerCela me plait bien malgré la longueur, existe-t-il en numérique ? Les longs et épais c'est lourd à transporter!
RépondreSupprimerVoilà une lecture tout à fait originale. Je crains souvent de manquer de références pour aborder ce genre de textes (et de folklore)...
RépondreSupprimer@Keisha = je viens de valider ton commentaire qui était bloqué dans les spams... c'est Retour à Lemberg que tu lis ? Parce que j'ai l'intention de le lire aussi, dans le cadre des pavés de l'été et de l'activité sur les villes...
RépondreSupprimer@Miriam = je ne saurai pas te dire, ne pratiquant pas du tout la lecture numérique ... et je ne sais pas si une sortie poche est prévue.
RépondreSupprimer@Sandrine = pas besoin de références spécifiques, ici, le "folklore" juif est présent mais pas prédominant, et comme la plupart des personnages en sont détachés, il est souvent abordé avec un regard extérieur qui inclut le lecteur.
RépondreSupprimerEt zut ! J'avais déjà le carnet sous la main pour noter. la culture yiddish, c'est un de mes trucs et je trouve peu de textes romanesques qui l'abordent et en fassent un vrai sujet. Ce n'est pas non plus le cas de celui-ci. Alors je passe !
RépondreSupprimer@ Athalie = au départ le contexte m'a emballée : la troupe de théâtre, l'univers yiddish avec sa vivacité et ses postures théâtrales y compris hors de la scène. Mais l'intrigue, passé le début, manque d'inventivité. Il s'y passe des choses, et certains épisodes sont assez plaisants, mais on a l'impression que les événements qui se succèdent sont toujours un peu les mêmes... ça piétine, quoi.
RépondreSupprimerDommage que les éditeurs ne retravaillent pas davantage les feuilletons avant publication en roman parce que le sujet m'aurait bien plu, entre culture yiddish et théâtre ambulant.
RépondreSupprimerJe tenterai malgré tes bémols, mais pas cet été, je ne peux lire des pavés en ce moment avec ma petite famille et tous les amis qui passent nous voir...de temps en temps en hiver on a besoin de lire un bon gros livre rassurant...même si l'histoire a quelques longueurs, suivre cette troupe m'intéresse.
RépondreSupprimer@ Sacha = c'est sûr qu'un "dégraissage" lui aurait sans doute fait gagner en fluidité..
RépondreSupprimer@ Manou = il peut en effet faire une bonne lecture d'hiver, c'est un titre coloré !
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