"Le bûcher des vanités" - Tom Wolfe
"La vanité physique du mâle ignore toute limite."
C’est justement en ramenant sa maîtresse de l’aéroport, au volant de son coupé à 48 000 $, que se produit l’événement qui va faire basculer sa vie. Il se trompe de sortie d’autoroute, et les voilà perdus dans le Bronx, au contact d’une réalité dont leur vie, habituellement, les déconnecte, et qui les terrifie. A la suite d’un semblant d’altercation avec deux jeunes noirs, ils heurtent en prenant la fuite l’un d’entre eux, qui termine à l’hôpital dans le coma.
L’affaire est portée sur le devant de la scène médiatique par le Révérend Bacon, membre très actif et quelque peu sulfureux de la communauté noire du Bronx qui, en présentant la victime comme un jeune méritant promis à un bel avenir et en pointant le manque d’implication des autorités dans une enquête qui piétine, fait de l’événement le symbole de sa lutte contre les injustices raciales.
Peter Fallow, journaliste de la presse à scandales alcoolique et fauché, est le premier à s’emparer de l’affaire, pourvoyeuse d’une notoriété soudaine à laquelle il va s’accrocher, au prix de quelques concessions faite à la déontologie.
Lawrence Kramer a lui aussi intérêt à ce que l’enquête aboutisse. Jeune substitut du procureur du Bronx, il est plombé par l’idée d’un avenir éternellement englué dans la médiocrité, sans réelle perspective d’évolution professionnelle, aux côtés d’une épouse chez laquelle il décèle déjà les traits et l’empâtement de sa belle-mère. Pris d’une volonté soudaine de s'élever au-dessus de sa condition, il voit dans l’affaire McCoy l’occasion rêvée de donner un nouveau souffle à sa vie en piégeant cette créature aussi précieuse qu’insaisissable qu’est, dans le Bronx, le Grand Accusé Blanc.
Sherman est ainsi pris dans le piège, qui se resserre peu à peu, d’une cabale médiatique et judiciaire, où s’entremêlent ambitions politiques et intérêts personnels.
"Le bûcher des vanités" est traversé par une férocité constante, délicieuse, qui n’épargne ni ses personnages -leur présomption, leur mesquinerie et leurs fantasmes ridicules-, ni cette ville de New-York, irrésistible destination de tous ceux qui veulent être là où ça se passe, mais se révèle aussi désespérante que fascinante. Car elle est aussi, en ces années 1980, une ville où la lutte des classes perdure de manière quasi caricaturale, où voisinent deux mondes aux frontières étanches. D’un côté, celui d’une jet-set à la richesse indécente, dont l’auteur étrille la dévotion à des codes pathétiques -la minceur anorexique obtenue à force de gymnastique intensive des femmes, la concupiscence des hommes vieillissants pour la chair fraiche…-, notamment en insistant sur les descriptions de leurs tenues haute couture ou de leurs intérieurs luxueux (avec un sens de l’énumération qui n’est pas sans évoquer l’American Psycho d’un Bret Easton Ellis). De l’autre, le Bronx, où noirs et portoricains ont remplacé les juifs des premières vagues d’immigration du XXème siècle, comptant plus d’un million d’habitants à peine considérés comme des citoyens, qui survivent dans l’insalubrité et l’insécurité, et où la justice, en manque de moyens, est complétement dépassée.
J’ai lu ce roman il y a très longtemps, sans doute à la même époque qu’American Psycho. Je me souviens juste que j’avais trouvé le temps long !
RépondreSupprimerJe n'ai lu de lui que Moi, Charlotte Simmons... étudié en cours, et son côté quasi journalistique dans la plume (n'oublions le mouvement dont il est à l'origine) doublé d'une ironie effectivement redoutable m'avait plu. Pourquoi pas pour celui-ci même si je remarque qu'encore une fois il fait une sacrée taille !
RépondreSupprimerWall street, les traders, et les nombres à 6 chiffres ou plus, ça me fait bailler immédiatement ! Alors sur 900 pages, rien à faire, même si tu as aimé !
RépondreSupprimerCe que tu dis des personnages, de leurs milieux, de leurs motivations (vacuité des vacuités, tout n'est que vanité?) me donne vraiment envie de savoir comment ça se termine...
RépondreSupprimerBravo pour cet Epais!
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Pas lu, pourtant j'n ai pas mal entendu parler!!!
RépondreSupprimerJe n'ai lu que "Moi, Charlotte Simmons" du même auteur. Je n'ai pas détesté au contraire. Par contre, la référence à American Psycho me fait penser que je n'aimerai pas celui-ci
RépondreSupprimerBonjour! Comme Ceciloule, je n'ai lu que "Moi, Charlotte Simmons", mais je connais aussi ce "Bûcher des Vanités", qui me semble être un classique de la littérature américaine. Bon été et bons pavés de lecture à toi!
RépondreSupprimerJe ne connais l'auteur que de nom. Je n'ai jamais rien lu de lui.
RépondreSupprimerA te lire, je ne pense pas que le sujet pourrait m'intéresser, mais sait-on jamais?
Je n'ai toujours pas lu cet auteur mais tu m'en donnes sacrément l'envie !
RépondreSupprimer@Miss Sunalee = c'est vrai qu'il est long, mais je ne me suis pourtant pas ennuyée une seconde, il s'y passe toujours quelque chose, et c'est d'une férocité délicieuse...
RépondreSupprimer@Ceciloule = je connaissais le roman "Charlotte Simmons" de nom, mais je n'avais même pas fait le lien avec cet auteur ! Par contre, je vois qu'il est encore plus "lourd" que celui-là (un peu plus de 1000 pages au format poche), tu peux donc te lancer sans crainte !
RépondreSupprimer@Kathel = l'intrigue ne tourne pas autour de Wall Street, même si quelques épisodes s'y déroulent. Le fait de suivre plusieurs personnages de milieux différents permet surtout à l'auteur de dépeindre les contradictions de la New York de ces années 80, et tout le monde en prend pour son garde...
RépondreSupprimer@Tadloiducine = bonsoir, je t'incite à franchir le pas, dans ce cas, car même avant la fin, les rebondissements sont nombreux... et puis on prend un malin plaisir à jouir du jeu de massacre auquel se livre Tom Wolfe...
RépondreSupprimer@Keisha = il y a eu un film aussi, avec Tom Hanks, qui a dû contribuer à la diffusion du roman.
RépondreSupprimer@Je lis je blogue = ah j'aurais dû l'éviter alors... à part l'insistance à nommer les marques des vêtements des personnages ou du mobilier de leurs appartements, et la critique d'une certaine élite, c'est très différent; Sherman McCoy ne boit pas, ne se drogue pas, et n'assassine pas sauvagement des jeunes filles .. et il est très crédible, contrairement à Norman Bates. Le ton aussi, est différent.
RépondreSupprimer@Fattorius = bonsoir, j'irai sans doute fureter du côté de ce "Charlotte Simmons" lors de la prochaine édition des pavés. S'il est dans la même veine que celui-là, il me plaira forcément !
RépondreSupprimer@Philippe D. = mais oui, pourquoi pas ?!.. il faut aimer les paniers de crabes et une certaine forme de cynisme..
RépondreSupprimerJe me suis souvent dit qu'il fallait que je le lises celui-là, malgré son volume. J'ai beaucoup aimé Tom Wolfe dans 'Moi, Charlotte Simmons" et dans "Bloody Miami"...
RépondreSupprimerTom Wolfe était l'idole d'un de mes profs de fac qui nous a fait étudier plusieurs de ses articles, décapants et très éclairants sur la société américaine. Ton billet me rappelle que je n'ai pas franchi le cap de ses romans, pourtant Le bûcher des vanités a tout pour me plaire (sauf sa longueur :-D), et dans un autre genre, j'ai aimé l'adaptation de son livre "L'étoffe des héros" (que j'imagine plus acide dans la version de Wolfe).
RépondreSupprimer@Violette = j'en suis ravie, j'espère si la rencontre se fait qu'elle sera aussi fructueuse que pour moi..
RépondreSupprimer@Le Bison = je découvre l'auteur avec ce titre, mais cette première rencontre m'a vraiment donné envie de continuer...
RépondreSupprimer@Sacha = c'est vraiment ce qui m'a plu, ce ton décapant comme tu dis, qui en même temps qu'il offre une analyse lucide des travers de la société américaine, rend la lecture fort réjouissante. J'ai même ri à plusieurs reprises..
RépondreSupprimerJe n'ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup de personnages sympathiques dans ce roman.
RépondreSupprimerlu avant Luocine, ce roman avait connu un grand succès, il a représenté pour moi la description de la première brèche d'une certaine réussite à "l'américaine"
RépondreSupprimer@Anne-yes = non en effet. Comme le titre l'indique, la plupart sont caractérisés par une vanité sans bornes... que les événements, pour certains, vont quelque peu amoindrir... mais en littérature, avoir affaire à des personnages antipathiques ne me dérange pas, au contraire...
RépondreSupprimer@Luocine = et il n'a pas pris une ride...
RépondreSupprimerEt bien je l'ai lu il y a fort longtemps et j'avoue qu'il me faudrait le relire à présent. Je ne me souvenais pas d'un tel pavé !! Comme quoi j'avais dû être bien prise par l'histoire. Je crois bien que lorsqu'il est sorti je travaillais encore comme bibliothécaire en tous les cas je me souviens que ce livre avait eu un grand succès et que l'auteur lui-même ne s'y attendait pas...Merci pour cette belle chronique tu me donnes envie de m'y replonger.
RépondreSupprimer@ Manou = malgré ses plus de 900 pages, je ne me suis pas ennuyée un instant. L'adaptation ciné a dû contribuer à sa renommée ou en tous cas à sa perpétuation car comme tu le soulignes, que ce roman a eu à sa sortie un accueil plus que favorable. Et c'est bien mérité !
RépondreSupprimerBon, ben, il est passé dans le tri, celui là ! Le quatrième de couverture relu, il n'a pas passé le test. Ta note me donne bien plus envie mais c'est trop tard. Il resurgira peut-être d'une boite à lire, on ne sait jamais !
RépondreSupprimerNon non non … pas de pavé … tu me tentes terriblement mais j ai Tolstoï ……. (Une Comète)
RépondreSupprimer@Athalie = ah mince (mais forcément, le tri implique une proportion de pertes regrettables, le tout c'est qu'elle reste minoritaire !)... je sais que tu avais lu et aimé Mécanique de la chute, de Greenland. Ce roman m'y a beaucoup fait penser, par l'intrigue elle-même et la manière de décortiquer les étapes de la chute. En revanche, il est bien plus caustique et touffu..
RépondreSupprimerBéa = oui, lis d'abord Tolstoï ! Il sera toujours temps de se tourner plus tard vers d'autres pavés...
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