"Le marin rejeté par la mer" - Yukio Mishima
"La sirène du Rakuyo retentit dans un dernier adieu secouant le port tout entier, se répercutant dans toutes les fenêtres de la ville, assaillant les cuisines où l’on préparait le dîner, les chambres d’hôtel borgnes dont les draps n’étaient jamais changés, les pupitres attendant le retour des enfants à la maison, les courts de tennis et les cimetières, plongeant tout dans un moment de malaise, déchirant sans pitié le cœur de ceux qui n’en pouvaient mais."
Le premier, Noboru, a treize ans. C’est un adolescent au physique délicat qui cache sous ses airs de bon élève une vision très particulière de l’existence, qu’il partage avec un petit groupe de camarades. Persuadés de leur génie, ils se réclament d’une philosophie au symbolisme ténébreux : l’espèce humaine est inutile, la vie un non-sens, et les pères -ces êtres "à vomir"- sont inéluctablement coupables de grands péchés. Ainsi, Noburu se réjouit de la mort du sien, survenu lorsqu’il avait huit ans. Fusako, la mère, dirige un magasin de vêtements de luxe. C’est une femme raffinée et pleine d’assurance, que son fils se plait à espionner à travers un trou dans le mur de sa chambre.
Le second, Ryûji, s’est fait marin non par amour de la mer, mais par détestation de la terre. Son goût pour la solitude le fait passer pour original et peu sociable. Méprisant les bavardages vulgaires des marins, il s’enferme, quand il a fini son quart, dans sa cabine pour écouter en boucle le même disque de chants de mer. Il mène ainsi une existence monotone, rythmée par la succession des jours et des nuits, pleine de sentiments inexprimés et de pensées où prédominent la valse des marées, le fracas des vagues et la force cachée des flots. Il est pourtant habité par la conviction que l’attend une destinée glorieuse, et rêve d’un amour qui consume, qui vaille qu’on en meure.
Lors d’une escale à terre, il a une aventure avec Fusako. Elle ne sera pas sans lendemain. Lorsque Ryûji revient quelques mois plus tard, il réalise que le temps est venu d’admettre que la gloire ne l’attend pas, et décide de rester à terre. Pour Noboru, la déception est cuisante. En associant l’amant de sa mère à l’imaginaire de pays lointains et exotiques et de navigations périlleuses, il l’avait élevé au rang de héros… or il n’est finalement qu’un homme comme les autres, au comportement prosaïque et banal. Il fomente alors, avec son groupe d’amis, l’assassinat de Ryûji.
On a choisi le même livre et nos avis sont à l’opposé, c’est amusant ! J’ai détesté … bon dimanche ( Une Comète)
RépondreSupprimerJe ne peux pas dire non plus que j'ai aimé, j'ai trouvé le sujet improbable, et horrible. Mais j'ai paradoxalement été charmée par l'écriture... très étrange...
SupprimerVos avis sont bien contrastés ! Je ne suis cependant pas trop tentée par ces adolescents meurtriers (ou se rêvant meurtriers)...
RépondreSupprimerMalgré mon avis positif sur le style, ce n'est pas un titre que je recommanderais...
SupprimerDécidément j'ai du mal avec Mishima ! J'ai choisi Le pavillon d'or pour l'occasion mais l'ambiance est très malsaine. Je n'aurai pas apprécié davantage Le marin rejeté par la mer. En tout cas, tu fais un doublé avec le Book Trip en mer.
RépondreSupprimerCelui-là aussi est malsain, mais j'ai trouvé le sujet si peu crédible que j'ai un peu passé outre sa dimension horrifique (sauf à la fin...).
SupprimerDans le livre «Neige de printemps» il y a de magnifiques descriptions de la mer. Comme la mer est dans le titre, est-ce que la présence de belles descriptions sur cette dernière imbibent le récit?
RépondreSupprimerLa mer est ici évoquée à travers les pensées du personnage du marin, qu'elle habite, du moins au début de l'intrigue. Mais d'une manière générale, j'ai trouvé que l'auteur avait un talent certain pour évoquer un décor en peu de mots.
SupprimerJe n'ai jamais lu Mishima. Tu me le recommandes, comme premières incursions?
RépondreSupprimerBah, pas vraiment... Si j'ai apprécié l'écriture, le sujet est vraiment bizarre et glauque. Je vais personnellement m'arrêter là avec cet auteur, je crois.
SupprimerApparemment tu es la seule à avoir apprécié ta lecture. Je crois que je continuerai à me passer de Mishima.
RépondreSupprimerJe n'ai apprécié que le style. Pour le reste... je vais moi aussi moi aussi passer de cet auteur à l'avenir, je crois.
SupprimerPourquoi cette lecture est-elle un hommage à Goran ? sinon je n'ai vraiment pas le temps de noter des lectures où je sens la moindre réticence.
RépondreSupprimerNous lui rendons chaque année hommage en septembre depuis son décès, en choisissant de lire un titre ou un auteur présent dans son Top 100.
SupprimerJe ne pense pas que ce serait un roman pour moi, mais je comprends que l'écriture de Mishima ait pu t'envoûter, car je suis tombée sous son charme moi aussi mais il s'agissait d'un de ses romans "romantiques" donc beaucoup plus accessible.
RépondreSupprimerJe ne pense pas faire d'autre tentative... j'ai lu, au lycée, La mort en été, et je crois que j'avais aimé, je relirai à la rigueur une des nouvelles qu'il contient, pour voir...
SupprimerJ'allais me réjouir que c'était la première entrée du Japon au book trip en mer, mais en fait non, il y avait déjà un roman d'Akira Yoshimura. Ça reste une contribution inattendue et bienvenue ! Je vais me pencher sur cet auteur que je n'ai toujours pas lu. Son style narratif pourrait finalement me plaire.
RépondreSupprimerJe l'ai en partie choisi pour ça, et parce que c'est un des plus courts romans de l'auteur (mon programme de lecture pour septembre, avec les pavés, était déjà chargé)... A vrai dire, on y passe peu de temps en mer, mais la récurrence avec laquelle, notamment dans la 1ère partie, le personnage du marin est associé à sa fonction, ses pensées prenant souvent un tour "maritime", m'ont décidée à le proposer pour le Book Trip..
SupprimerJe n’ai pas lu ce roman mais plusieurs de l’écrivain que j’aime beaucoup, en particulier pour ce point que tu signales très justement « l’écriture de Mishima a incontestablement quelque chose d’envoûtant ». Je note cette référence.
RépondreSupprimerJe serais curieuse de ton avis, toi qui semble bien connaître l'auteur. J'avoue que malgré cet "envoutement", qui m'a permis d'aller au bout de ce texte par ailleurs dérangeant, voire bizarre, je ne suis vraiment pas certaine de renouveler l'expérience.
SupprimerCela fait très longtemps que je n'ai plus lu cet auteur japonais, alors peut-être que ce roman me permettrait de renouer avec son écriture. A l'époque je l'avais trouvé très dur et plutôt difficile à lire...
RépondreSupprimerCelui-ci se lit plutôt facilement, en tous cas d'un point de vue formel, mais on peut être rebuté par le sujet, déstabilisant et assez glauque.
SupprimerN’étant pas une lectrice enthousiaste de la littérature japonaise, j’ai choisi un petit recueil et j’ai passé un excellent moment. Je suis d’accord avec toi quand tu décris l’écriture de Mishima comme « envoûtante »
RépondreSupprimerJe suis ravie de voir que plusieurs lectrices ont trouvé leur compte à l'occasion de cette lecture commune.. sans la regretter, parce que j'ai aimé l'écriture de Mishima, j'avoue qu'elle ne m'a pas vraiment donné envie d'aller plus loin avec cet auteur.
SupprimerJe ne suis pas du tout attirée par la littérature japonaise mais les avis des uns et des autres sur cet auteur qui suscite décidément des réactions fort divergentes ont été intéressants à lire.
RépondreSupprimerMais j'imagine qu'ils ne t'ont pas vraiment incitée à le lire ... ?
SupprimerConfessions d'un masque reste, de loin, mon Mishima préféré !
RépondreSupprimerJe ne suis pas sûre de réitérer avec cet auteur...
SupprimerL'idée de ces adolescents meurtriers a l'air assez malsaine tout en restant intrigante. Quant à la plume de Mishima, je serais curieuse de la découvrir
RépondreSupprimerDans ce cas je t'encourage à tenter, d'autant plus que ce roman est court !
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