"Le démon de la Colline aux Loups" - Dimitri Rouchon-Borie

"(…) je suis comme un arbre pourri avec ses racines pour toujours dans le marais de l’enfance."

Le narrateur est en prison, pour un crime dont nous ne connaîtrons la nature et les circonstances qu’en fin d’ouvrage, et c’est sans doute l’unique raison qui m’a convaincue de mener ma lecture à son terme… 

Ainsi qu’on lui a conseillé de le faire en guise de thérapie, il couche son histoire par écrit.

Il convoque d’abord les premiers souvenirs au sein d’un foyer n’en méritant pas le nom, où avec ses frère et sœur, ils sont ravalés par leur parents au rang d’animaux, enfermés dans une pièce sans lumière où la nourriture leur est jetée à même le sol. Le jour où les volets sont enfin ouverts est aussi celui de l’entrée à l’école, où ne maîtrisant pas le langage, ignorant même qu’il a un prénom, il est ostracisé par les autres enfants, par ailleurs dégoûtés par sa saleté et ses manières de bête sauvage. La seule lueur dans cet enfer quotidien est l’amour et la solidarité le liant à ses cadets, une sœur dont il n’apprendra que bien plus tard qu’elle s’appelle Clara, et un frère qu’il ne nommera jamais que La Boule, petite créature si inerte et silencieuse qu’il faut un petit temps au lecteur pour comprendre qu’il s’agit d’un être humain.

C’est pour sauver sa sœur de sévices qu’il est encore le seul à subir qu’il décide un jour de briser le silence.

La suite, c’est une tentative d’inclusion dans une normalité que le gouffre qu’a creusé son enfance entre lui et le monde lui interdit d’atteindre, puis la rencontre d’un amour fulgurant, qui finira très mal…

La souffrance ravivée par l’évocation de ce ténébreux parcours s’accompagne d’une détresse peut-être encore plus forte, suscitée par une lutte qui oppose le narrateur à lui-même, plus précisément au Démon qu’il pense abriter, part noire héritée de son enfance, infâme secret que lui aurait légué son père. La découverte, en prison, des textes bibliques, notamment celui du Purgatoire, l’amène peu à peu à cerner les mécanismes de sa violence.

Vous l’aurez compris, c’est un texte immensément sombre, glauque, douloureux... susceptible, donc, de me plaire. Or, plutôt que de m’engloutir dans sa noirceur, il m’a rapidement agacée. Je ne l’ai trouvé crédible à aucun moment. Non pas que les faits en eux-mêmes m’aient paru improbables (on le sait bien qu’il existe des maltraitances d’une inimaginable ignominie), mais j’ai eu l’impression de déceler dans la manière dont ils s'agencent, voire se cumulent dans le récit, davantage l’intention narrative de l’auteur que la transcription de la réalité du personnage. 

Et puis il y a l’écriture, censée traduire les limites langagières de ce narrateur dont "le parlement", comme il le désigne lui-même, est émaillé de maladresses d’expression, de phrases tortueuses et de mots inventés. Or, je n’ai pas cru non plus à cette langue bancale, parfois traversée de fulgurances lyriques, que j’ai trouvée artificielle, fabriquée.

Une déception.

Commentaires

  1. Un livre qui me rappelle vaguement "le jour des corneilles" de J.F. Beauchemin, mais en raté ! je passe.

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    1. Les deux titres ont en effet en commun cette volonté d'une narration portée par une langue singulière, et certains éléments de l'intrigue... mais j'ai adoré Le jour des corneilles...

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  2. Peut être ai je démarré ce livre, mais je n'ai pas ton courage, zou, retourné à la bibli! ^_^

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    1. Disons qu'au départ j'ai insisté car j'en attendais beaucoup (j'avais lu de nombreux avis élogieux), et un peu par curiosité... et j' lai fini parce qu'il est relativement court... mais il a depuis été déposé dans une boîte à livres.

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  3. Hihi, j'ai souri en lisant "Vous l’aurez compris, c’est un texte immensément sombre, glauque, douloureux... susceptible, donc, de me plaire." C'était en effet ce que j'étais en train de me dire et je demandais donc où le bât avait blessé 😉

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    1. Disons que c'est une fois de plus un exemple de ce dont je suis convaincue depuis toujours = peu importe l'histoire qui est racontée, si l'écriture ne suit pas... je viens d'abandonner un autre titre au bout de 20 pages en raison d'un style complètement plat...

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  4. Le sujet ne me tentait déjà pas trop, mais le style "fabriqué" là, ça m'arrête carrément ! C'est le genre de roman encensé partout qui me tombe des mains, inévitablement. Tu as eu du courage de le finir.

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    1. Du courage, je ne sais pas... un peu de curiosité, et finalement un certain manque de bon sens, parce que j'ai surtout le sentiment d'avoir perdu mon temps !

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  5. Déjà je n'aime pas trop les récits glauques, mais si celles ou ceux qui d'habitude savent y trouver des qualités ne se sont pas laissé prendre au récit , c'est sûr moi je vais laisser ce livre là où il est !

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  6. Comme Luocine, je ne suis attirée par les récits trop sombres. Ton billet est très bien écrit mais aussi très dissuasif. Je passe mon chemin

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    1. J'ai au moins la consolation de vous avoir évité de perdre du temps, alors...

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  7. Le roman semblait peut-être trop glauque pour moi mais si en plus, il semble peu crédible dans sa narration, je peux passer mon tout sans regret.

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    1. L'aspect glauque ne me dérange pas, et d'ailleurs il disparaît ici du fait que l'intrigue ne soit pas vraiment crédible.. je crois que j'ai surtout fini par trouver tout ça vaguement ridicule...

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  8. Je comprends tes nombreux bémols si l'histoire n'est pas crédible ce n'est pas pour moi, pourtant je n'ai pas peur des récits sombres...je passe donc mon tour sans problème

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    1. Oui, c'est toujours un titre de moins à noter !

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  9. Je passe, évidemment, mais je viens de terminer Le jour des corneilles ! sombre et douloureux aussi, mais prenant et l'écriture, whouah !

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    1. A ne pas lire, et encore moins après Le jour des Corneilles, la comparaison serait très cruelle...

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  10. Il m'avait beaucoup appris !

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    1. Il a eu pas mal de succès lors de sa sortie, et c'est d'ailleurs ce qui m'avait incitée à le noter.. mais c'est un rendez-vous manqué en ce qui me concerne.

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  11. Je suis désolée pour toi mais vraiment ravie de pouvoir passer :) !!

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  12. Deux bibliothécaires me l'ont chaudement recommandé pas plus tard que vendredi, mais tu douches mon enthousiasme... je ne le raye pas de la liste, mais il dégringole vers le bas de la liste d'attente. Je me méfie de ce "genre" (ceci étant dit sans mépris ni quoi que ce soit), j'ai été traumatisée par UnPur de Desesquelle, donc je ne m'y retenterai que quand j'aurai le moral suffisamment au beau fixe!

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    1. Le contenu est très glauque, mais comme je n'y ai pas vraiment cru, j'en suis plutôt restée à distance finalement.

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  13. Hedwige26.11.24

    Nous ne sommes pas d'accord sur ce coup-ci, j'adore l'écriture poétique et symbolique de cet auteur qui montre la perversion de notre société et sa haine de l'innocence. L'innocence se fraie un langage hors des mots du monde.

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    1. Ce titre a conquis en effet de nombreux/ses lecteurs/trices, c'est d'ailleurs pour cela que je l'avais retenu. Cette lecture a en quelque sorte été un rendez-vous manqué... j'ai bien compris l'intention, mais c'est peut-être justement le problème, j'ai trouvé qu'elle prenait le pas sur la dimension romanesque.

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