"Signes qui précéderont la fin du monde" - Yuri Herrera

"La culpabilité fait de la réalité un serrement de cœur à heure fixe."

Makina vit au Village, près d’une Petite Ville métisse que la folie tellurique menace régulièrement d’engloutir. Comme nombre de ses compatriotes, elle projette de traverser la frontière. La différence, c’est qu’elle compte bien revenir, et le plus vite possible : attachée à son territoire, elle a en charge la petite centrale où se trouve l’unique téléphone à des kilomètres à la ronde, et s’efforce de remplir cette mission, capitale à ses yeux, avec constance et célérité. Si elle veut passer "de l’autre côté", c’est uniquement pour satisfaire la demande de Cora, sa mère, qui souhaite qu’elle en ramène leur frère et fils, parti y réclamer le terrain soi-disant hérité d’un père qu’ils n’ont jamais connu.

Son périple est rendu possible grâce au réseau, fondé sur l’entraide et le sens de la débrouille indispensables à la survie dans ces régions de violence et de pauvreté, que s’est constitué Cora. En échange de son passage, on lui demande de porter un paquet, "un petit rien à remettre à un compère". La traversée, succession d’épreuves périlleuses, acquiert une dimension quasi initiatique. Makina se révèle bien plus solide que son allure discrète ne le laisse supposer, et surprend par sa capacité à recourir à la brutalité pour se défendre.

A son arrivée dans la "plaine de béton et de métal" qu'est le pays des "gavaches", elle constate l’invisibilisation de ses compatriotes exilés, cantonnés à des emplois précaires, et qui à force de discrétion et d’humilité, en viennent à s’oublier eux-mêmes.

Le texte revendique d’emblée un caractère allégorique, dont témoigne entre autres la manière de désigner lieux et personnages secondaires par un anonymat toutefois suffisamment référencé pour que le lecteur comprenne immédiatement où il se trouve, et en quelle compagnie : truands laconiques au sourire sinistre, migrants assujettis à leur sentiment d’illégitimité... Les étapes du parcours de Makina sont elles-mêmes fortement imprégnées d’un symbolisme qui renvoie à un imaginaire mythologique. Si ce choix narratif confère au texte une étrangeté séduisante, il nuit à mon avis à la force du propos, en nous mettant à distance d’une violence qui reste souvent abstraite.


Commentaires

  1. Je scrute la couverture, ah roman du Mexique.

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    1. Oui, et c'est très clair dans le récit, malgré l'aspect symbolique.

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  2. Je pensais au Mexique aussi, à lire ton résumé... mais bon, je crains que ce soit trop allégorique pour moi.

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    1. C'est original, d'aborder ce thème de la migration sous cette forme, mais j'ai trouvé qu'on y perdait en intensité, d'autant plus que le texte est très court.. j'ai lu des avis après ma lecture précisant que l'auteur s'est inspiré pour son intrigue d'un mythe maya dont il reprend certains éléments.

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  3. Je ne suis pas tentée par cette histoire et je sens une déception de ton côté.

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    1. Oui, je suis un peu déçue car je n'ai pas été du tout emportée par cette lecture. L'aspect allégorique fait que le récit reste toujours un peu opaque, et ça m'a un peu perdue.

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  4. pas trop fan du genre , je préfère les romans ancrés dans la réalité

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    1. Dans ce cas, il n'est clairement pas pour toi !

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  5. Je ne pense pas que j'y trouverais mon compte.

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  6. Quel beau titre! Mais j'ai besoin de romans plus "terre à terre" ces temps-ci, même s'il fait bon sortir de sa zone de confort parfois (ce que tu fais très bien et très régulièrement !). Je parle pour moi bien sûr.

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    1. Oui, je suis d'accord pour le titre, et le traitement atypique du sujet me tentait... mais ça n'a pas vraiment pris.

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  7. PHILIPPE20.11.24

    Je crois que, malheureusement, les signes qui précèdent la fin du monde sont là et bien là ! Du monde ou d'un monde en tout cas !
    Je ne suis pas attiré par ce livre.

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    1. C'est un roman assez spécial, dont j'ai aimé l'idée de départ.. mais je cris que j'aurais aimé qu'à un moment, l'auteur nous ramène dans une réalité plus concrète.

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  8. ah je l'ai lu en anglais il y a environ un an, une expérience que cette lecture ! comme Piranèse. J'ai accroché, très bon souvenir !

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    1. Je peux comprendre, comme je l'écris dans mon billet, il y a quelque chose de séduisant (voire d'envoutant) dans la proposition narrative. Mais je n'ai pas vraiment réussi à m'impliquer dans le récit...

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