"La culpabilité fait de la réalité un serrement de cœur à heure fixe."
Makina vit au Village, près d’une Petite Ville métisse que la folie tellurique menace régulièrement d’engloutir. Comme nombre de ses compatriotes, elle projette de traverser la frontière. La différence, c’est qu’elle compte bien revenir, et le plus vite possible : attachée à son territoire, elle a en charge la petite centrale où se trouve l’unique téléphone à des kilomètres à la ronde, et s’efforce de remplir cette mission, capitale à ses yeux, avec constance et célérité. Si elle veut passer "de l’autre côté", c’est uniquement pour satisfaire la demande de Cora, sa mère, qui souhaite qu’elle en ramène leur frère et fils, parti y réclamer le terrain soi-disant hérité d’un père qu’ils n’ont jamais connu.
Son périple est rendu possible grâce au réseau, fondé sur l’entraide et le sens de la débrouille indispensables à la survie dans ces régions de violence et de pauvreté, que s’est constitué Cora. En échange de son passage, on lui demande de porter un paquet, "un petit rien à remettre à un compère". La traversée, succession d’épreuves périlleuses, acquiert une dimension quasi initiatique. Makina se révèle bien plus solide que son allure discrète ne le laisse supposer, et surprend par sa capacité à recourir à la brutalité pour se défendre.
A son arrivée dans la "plaine de béton et de métal" qu'est le pays des "gavaches", elle constate l’invisibilisation de ses compatriotes exilés, cantonnés à des emplois précaires, et qui à force de discrétion et d’humilité, en viennent à s’oublier eux-mêmes.
Le texte revendique d’emblée un caractère allégorique, dont témoigne entre autres la manière de désigner lieux et personnages secondaires par un anonymat toutefois suffisamment référencé pour que le lecteur comprenne immédiatement où il se trouve, et en quelle compagnie : truands laconiques au sourire sinistre, migrants assujettis à leur sentiment d’illégitimité... Les étapes du parcours de Makina sont elles-mêmes fortement imprégnées d’un symbolisme qui renvoie à un imaginaire mythologique. Si ce choix narratif confère au texte une étrangeté séduisante, il nuit à mon avis à la force du propos, en nous mettant à distance d’une violence qui reste souvent abstraite.
Je scrute la couverture, ah roman du Mexique.
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