"Orphelins" - Charles D’Ambrosio
"Je voulais un forum pour mes doutes, aussi ai-je laissé mes errances sur la page." (Avant-propos à l’édition française)
L’aspect personnel des récits est fortement marqué par la perte et les tragédies vécues par les hommes de la famille de Charles D’Ambrosio. L’un de ses frères s’est suicidé, l’autre est atteint de troubles psychiatriques, son père était agoraphobe… l’évocation de ces drames est exempte de toute sensiblerie -mais non de sensibilité-, et donne lieu à des textes touchants et riches de réflexions qui dépassent l’individualité, comme lorsqu’il philosophe sur l’addiction au jeu en partant de l’exemple de son frère, explique son goût pour les voyages clandestins dans des trains de marchandises, ou décortique les mécanismes de l’attachement au lieu de notre enfance.
Les autres textes nous emmènent dans la salle du tribunal où l’on juge Mary Kay Letourneau, cette institutrice qui eut une aventure avec un élève de 13 ans dont elle tomba enceinte -affaire qui défraya la chronique à la fin des années 1990-, sur le théâtre d’une opération policière visant à désamorcer une violente scène conjugale, ou dans un orphelinat russe, dont l’auteur côtoie les jeunes occupants pendant plusieurs semaines. Il sera aussi question de la culture de la chasse à la baleine dans la tribu des Makahs et de la détestation de Charles D’Ambrosio pour Paul Watson, des réflexions que lui inspirent ses visites de modèles de maisons préfabriquées Fleetwood, d’une maison de l’horreur, ou de l’immense friche expérimentale texane où Dave Santos, dont on ne sait trop s’il est un visionnaire ou un gourou, explore de nouveaux modes de vie.
La narration se déroule sur un mode qui souvent paraît digressif, voire en roue libre, mais elle suit en réalité une logique rigoureuse, que structure toujours une analyse acérée des faits et des comportements, révélant un esprit indépendant, observateur et ouvert. Charles D’Ambrosio ne se soumet ni aux diktats de la bien-pensance, ni à la facilité de jugements à l’emporte-pièce. Quel que soit le sujet qu’il aborde, il s’efforce à l’objectivité, et à la réhabilitation de sa complexité, s’intéresse à l’aspect inclassable, insaisissable des choses, va à l’encontre des opinions que les influences médiatiques et sociétales rendent simplistes et versatiles. Sincère et lucide, il est aussi souvent drôle, d’un humour décalé et ironique qui paraît presque involontaire.
"Les baleines grises n’ont pas l’air spécialement maniables. On n’aimerait pas avoir à en garer une."
De nombreux pans de la société américaine en prennent pour leur grade… sa dictature de l’apparence, son rigorisme et sa culture de l’interdiction, l’approche rétrograde, superficielle et manichéenne des médias sur les événements, et de manière plus générale l’hypocrisie, l’intransigeance et le manque de discernement qui président à tous les débats.
Voilà qui m'intrigue et me tente ; le genre de texte qui peut être assez captivant même si c'est en apparence brouillon. (je vais participer à la lecture commune de "c'est bon pour mon ego". C'est bien le 31 Janvier ?)
RépondreSupprimerC'est vrai, la diversité des textes (je ne sais d'ailleurs pas comment a été fait le choix de leur compilation) peut donner un aspect brouillon. Mais ce n'est pas vraiment gênant, et ce qui finalement lie l'ensemble, c'est le regard que porte l'auteur sur tous ces sujets qu'il aborde. Certains textes sont moins intéressants que d'autres mais peu importe, je me suis régalée..
SupprimerEt oui, pour la LC, j'avais proposé le 30 ou le 31, c'est comme tu veux... Et je suis ravie que tu m'accompagnes !
O.K. pour le 31, ce sera la clôture :-)
RépondreSupprimerC'est noté !
SupprimerAu tout début de ton billet, je n'étais pas plus enthousiaste que ça mais tu es très convaincante. Merci pour cette intéressante suggestion de lecture
RépondreSupprimerC'est une lecture assez surprenante, la voix de l'auteur est prégnante, un peu comme si on écoutait lire un journal de bord où s'insèrent des observations personnelles...
Supprimerah je me disais, je l'ai lu et beaucoup aimé et je vois que tu as pioché l'idée chez moi :-) oui, je voudrais d'ailleurs mettre la main sur d'autres nouvelles de lui si ça existe
RépondreSupprimerOui, oui, je l'avais repéré chez toi, et commandé parce qu'il n'est pas évident à trouver en librairie.. merci pour le conseil !
SupprimerJe ne connaissais pas et la couverture n'aurait pas attiré mon regard à l'inverse de ta prose inspirée qui a attiré mon attention ! En plus de la multitude des thèmes abordés, l'approche de l'auteur semble offrir cette nuance et subtilité qui font actuellement défaut chez beaucoup et qui assurent de découvrir une pensée construite, pertinente et intéressante. Merci pour ton avis.
RépondreSupprimerC'est typiquement le genre de titre qu'on ne peut repérer que sur les blogs !! Et il vaut le détour, oui, le moment passé en compagnie de Charles D'Ambrosio est aussi nourrissant qu'agréable...
SupprimerUn auteur que je ne connaissais pas et qui est malheureusement inconnu aussi de mes médiathèques...dommage je vais le noter pour l'année prochaine, tu en parles avec enthousiasme.
RépondreSupprimerJe ne suis pas très étonnée, j'ai dû le commander en librairie...
Supprimerun billet qui donne envie de découvrir ce livre même si la lecture doit être éprouvante parfois
RépondreSupprimerJe ne l'ai pas trouvée éprouvante, car même quand l'auteur évoque des situations tragiques, c'est sans insistance sur les événements eux-mêmes. C'est son analyse de ces événements qui prime, et ça fait du bien !
SupprimerJe ne connais pas dut tout, mais ça pourrait bien m'intéresser.
RépondreSupprimerIl n'est pas facile à trouver .. je viens de vérifier : même ma médiathèque, qui est très bien achalandée, ne le propose pas. Mais on peut le commander en librairie (indépendante, bien sûr !)..
SupprimerJ'aime la citation ! Et ton avis donne bien envie de suivre la pensée vagabonde de l'auteur.
RépondreSupprimerC'est typiquement le genre de livre dont on sort avec une forte envie de rencontrer l'auteur... son indépendance d'esprit fait un bien fou, en ces temps de débats haineux et simplistes...
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