"La fureur de la rue" - Thomas H. Cook

"Puis il se souvint du jour où petit garçon, il s'était rendu compte que les Noirs s'asseyaient toujours au fond du tramway. Il avait demandé à sa mère qu'elle en était la raison, et elle s'était contentée de lui répondre : "Parce que ça leur plaît"

Birmingham, Alabama. En ce printemps 1963, l’ambiance y est explosive. Comme tant d’autres, la ville est le théâtre de manifestations du Mouvement pour les droits civiques, et la présence de Martin Luther King, galvanisante pour la population noire, y exhausse les tensions. Au gré de défilés silencieux, de blocages de la circulation, ou d’occupations de de self-services, les militants du Mouvement s’efforcent à la non-violence. Les forces de l’ordre n’ont pas tant de scrupules : la brutalité policière -arrestations arbitraires, matraquages, manifestants repoussés au jet d’eau…- est permanente. La situation menace peu à peu de basculer dans le chaos…

C’est dans ce contexte que nous suivons le sergent Ben Wellman. Affecté, comme nombre de ses collègues, à surveillance de Martin Luther King, il est bientôt appelé à enquêter sur un crime sordide : le cadavre d’une fillette noire, violée et abattue d’une balle dans la nuque, est retrouvé sur le terrain de sport d’un des quartiers les plus miséreux de Birmingham, où vivait la victime. L’affaire, qui habituellement n’aurait guère mobilisé les autorités, est sensible. Il s’agit d’éviter les récupérations politiques, et d’étouffer les éventuelles rumeurs de crime raciste. L’enquête de Ben a ainsi pour seul but de prouver la bonne volonté de la police. Mais si le sergent s’investit totalement dans ses investigations, c’est davantage par véritable quête de justice que pour s’adapter aux directives politiciennes de ses supérieurs.

Ben Wellman est un solitaire, un personnage laconique, discret mais tenace, que le spectacle de la répression des militants noirs fait douter de son engagement dans la police. Désarçonné par la violence et le racisme haineux de la plupart de ses collègues, il se retrouve brutalement confronté à l’iniquité de cette société américaine ségrégationniste où deux mondes, chacun appliquant ses propres codes et ses propres lois, se côtoient et s’affrontent, sans jamais chercher à se comprendre. Au cours de son enquête, il doit composer avec des confrères crispés sur leur sentiment de domination et de supériorité dont les mauvais penchants peuvent s’exprimer en toute impunité, des témoins rendus méfiants par la terreur que leur inspire les blancs -d’autant plus s’ils sont flics- et qui refusent de coopérer, mais aussi avec une pègre noire qui voit d’un mauvais œil l’agitation, mauvaise pour les affaires, que provoque le Mouvement pour les droits civiques…

Thomas H. Cook nous immerge dans une atmosphère aussi sombre que nerveuse, agençant avec habileté tous les pans -historique, social et intime- de son intrigue. Il joue par ailleurs, de même avec maîtrise, sur l’ambivalence de certains de ses personnages, pour l’étoffer d’une belle complexité et nous réserver quelques surprises qui la pimentent.

A lire.





Commentaires

  1. Malheureusement, le contexte semble parfaitement bien rendu dans ce polar. Le genre s'y prête bien aussi. Je note que c'est à lire.

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  2. J'aime souvent les romans de ThomasH Cook (certains sont meilleurs que d'autres), je n'ai pas lu celui-là. Il a souvent écrit sur le racisme aux Etats-Unis.

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