"Retour à Harlem" - Claude McKay

"Harlem, c’est le péché à l’état pur."

Jake est de retour à Harlem. Parti en Europe comme engagé volontaire, il a fini par déserter, déçu d’être utilisé comme manutentionnaire alors qu’il pensait combattre sur le front (de la Première Guerre mondiale). La nuit qu’il passe en compagnie d’une jeune femme aussi belle que pétillante le rend aussitôt amoureux. Las, lorsqu’il tente, le lendemain, de la revoir, il est incapable de retrouver son adresse.

À sa suite, le lecteur s’immerge dans la frénésie -notamment nocturne- de Harlem, avec ses tripots clandestins où de pauvres diables engloutissent leur paie, ses clubs en sous-sol et ses cabarets où de belles et voluptueuses chanteuses noires vêtues de robes brillantes ou colorées accompagnent le gémissement des saxophones. C’est un univers de fêtes, de musique et de flirt, d’injures promptes et de verbe haut, où la menace de la bagarre, pour une femme ou pour une susceptibilité froissée, est constante. 

Un peu hâbleur mais sympathique et insouciant, Jack papillonne… Il picole, joue au poker, s’amuse tout en se fixant des limites, motivé par son refus de se soumettre à quelque dépendance, qu’elle soit au sexe, au jeu ou à la drogue.

Ayant trouvé un emploi (sous-payé) dans les wagons-restaurants, il y devient ami avec Ray, jeune haïtien que son manque de moyens a contraint d’interrompre, momentanément espère-t-il, ses études. Ray est érudit, c’est aussi un révolté, qui met en mots ce dont Jake avait conscience de manière sous-jacente : l’injustice et la dureté de sa condition et de celle de ses semblables, et la violence des impacts psychologiques, sociétaux et moraux, de la ségrégation.

"Retour à Harlem" est un texte énergique et sensuel, qu’infusent aussi une brutalité et une idée de la virilité que le lecteur d’aujourd’hui jugera d’un autre temps. Les appétits sexuels qui obsèdent - Jake a pu le constater en Europe- tous les hommes, semblent exhaussés par la promiscuité et la pauvreté qui sévissent à Harlem, dont le "petit peuple", à l’image du blues qui sait se faire aussi nostalgique que joyeux, a une "propension aussi étrange que puérile aux rires et à la mélancolie"...

A noter par ailleurs la qualité de l'objet livre (Nada Editions), d'un format intermédiaire très pratique, et agrémenté de chouettes illustrations.


Commentaires

  1. Ray sera un personnage essentiel de Banjo ! Billet à paraître prochainement.

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  2. Dis donc, tu vas devenir la spécialiste de la littérature afro-américaine ! Je me rends compte grâce à toi que je ne lis pas assez sur le sujet.

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    1. Disons que comme, les précédentes années, je n'ai pu participer à l'activité d'Enna pour cause de mois latino, j'avais mis de côté pas mal de titres. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Il y en a encore un à paraître..

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  3. Je découvre un auteur et aussi un éditeur... coup double intéressant !

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  4. je suis intéressée par ce sujet je vais regarder s'il est en médiathèque.

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  5. Encore un auteur que je ne connais pas ; ma bibliothèque n'a pas "retour à Harlem" mais il y a un "banjo" qui se passe à Marseille. A voir ... mais quand ?

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    1. Nathalie va justement bientôt publier un billet sur ce "Banjo", où l'on retrouve le personnage de Ray, le haïtien. Ca te permettra d'avoir un avis (je crois qu'elle a aimé...)

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  6. hum, ce titre a tout pour me plaire. Dommage que je ne le trouve pas à ma BM.

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    1. Oui, dommage, d'une manière générale, que les bibliothèques ne sortent pas davantage des sentiers battus... après, j'imagine qu'il y a une question de budget..

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  7. Joli objet en effet, j'aime beaucoup sa couverture programmatique. Tu réussis à trouver des romans très différents sur ce thème, et tous ont l'air très intéressant !

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    1. Ce sont des idées piochées ici et là, c'est l'avantage des blogs. Et Enna propose une énorme liste de suggestions sur son blog !

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  8. La couverture est déjà très sympa et j'imagine les illustrations intérieures. Dommage qu'il ne soit pas dans mes médiathèques, je le note dans mon carnet car tu me donnes envie d'en savoir plus.

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    1. C'est décidemment un titre qui se fait désirer, mais je ne suis pas très étonnée, il a paru dans une toute petite maison d'éditions... sinon, tu peux peut-être le suggérer à ta bibliothèque comme achat.

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  9. j'ai lu beaucoup de romans à une époque sur la question des Noirs aux USA mais maintenant je suis en Asie - et dur de retrousser chemin, du coup te lire me permet de me garder informée !

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    1. La plupart des titres lus pour l'activité d'Enna ne sont pas récents : celui-là est une réédition, il est originellement paru en 1928. Mais il a très bien vieilli...

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  10. La rencontre entre les deux personnages et ce qui en ressort semble intéressant et tu titilles ma curiosité quant à l'objet livre.

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    1. Les éditions Nada font vraiment un travail soigné, en matière de qualité de papier, de typographie... c'est peut-être un détail, mais ça rend la lecture encore plus agréable... et c'est aussi à lire pour le contenu, ce titre est considéré comme "le plus fameux" de Claude McKay, et il a eu selon Wikipédiar un impact majeur sur les intellectuels noirs de la Caraïbe, de l'Afrique de l'Ouest et en Europe.

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  11. Ca ma semble vraiment intéressant! merci pour ta participation!

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    1. Ca l'est, oui : je ne crois pas qu'il existe pléthore de romans sur le Harlem des années 20, c'est en tous cas la première fois que j'en lis un. Et j'ai vraiment aimé l'énergie qui se dégage de ce titre.

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  12. Visiblement, tu as déniché une perle rare ! Jack et Ray semblent être des personnages dynamiques, qui permettent de sortir d'une vision misérabiliste du "petit peuple" de Harlem. Je connais peu la littérature afro américaine, je note donc ce titre (d'ailleurs, j'ai appris hier dans un posdcast d'Affaires sensibles sur le Black power, qu'on dit maintenant, "africains américains")

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    1. Une perle dénichée sur un blog, mais je ne sais plus lequel... j'ai en effet beaucoup aimé le point de vue, le dynamisme de la narration, et le ton enlevé, qui n'empêche pas l'émergence d'un propos social, culturel, et historique. Et tu me rends curieuse de ce podcast, je vais y jeter un oeil..

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  13. Je ne connais pas non plus la Maison d'édition... mais je viens de participer chez Enna avec une BD de Guido Crépax titrée L'homme de Harlem!
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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    1. J'aurais lu ton billet avec plaisir, mais je n'ai toujours pas accès au blog de Dasola (et a priori, tant que je ne change pas d'ordi, ce sera le cas...).

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