"Requiem" - Gyrðir Elíasson
"Ce pourrait être instructif de parler à une baleine, de musique par exemple. Ce serait sans doute plus révélateur pour moi que pour elle."
Les raisons de ce séjour ne sont pas très claires. Le narrateur indique y être venu pour composer de la musique, mais il n’est pas compositeur. Du moins pas de métier. Seulement, depuis l’enfance, il éprouve pour les sons, qu’il perçoit avec une extraordinaire acuité, une passion qu’il concrétise en les transformant en notes. Constamment armé d’un carnet où il les griffonne, il élabore ainsi une œuvre qui, n’étant jamais interprétée -il n’a aucun lien avec le monde musical- reste confidentielle, et s’inspire du sifflement d’une bouilloire, du froid fredonnement d’un congélateur, ou du grincement d’une scie sur un morceau de bois. Pour assurer sa subsistance, il conçoit par ailleurs des textes de réclame pour une agence de publicité. Les échanges téléphoniques avec sa compagne Anna laissent deviner qu’une distance s’est installée dans leur couple.
La voix de Jónas, étrange osmose de spontanéité et de pudeur d’où surgit parfois un humour involontaire, nous accompagne dans son quotidien, succession d’événements banals -promenades, incursions au bourg pour y faire quelques courses…-, dont l’intensité culmine avec la réparation d’une clôture, la perte de son carnet avec toutes ses notes (un "grave accident"), ou la mort de l’épicier du village.
Au fil de pensées plus ou moins vagabondes et d’observations plus ou moins triviales, se dessine le portrait d’un homme introspectif, peu attaché au matériel et au conformisme, affrontant la vie avec une apparente passivité qui traduit sa difficulté à formaliser, y compris pour lui-même, l’angoisse qui le hante, et qu’il n’évoque que pour indiquer qu’elle l’empêche de finir ses compositions ou de réaliser la commande qu’attend le publiciste pour lequel il travaille.
Apprivoisant la solitude et la sécurité que lui apporte son exil volontaire, il circonscrit les drames qui jalonnent son existence à un affleurement fugace aux lisières de sa conscience, les rendant supportables en partie par l’oubli de soi que lui procure son obsession pour la musique.
Encore une tentation aux éditions La Peuplade ! J'ai beaucoup aimé Au bord de la Sanda, mais pas encore relu l'auteur.
RépondreSupprimerJe le relirai sans doute, car j'ai vraiment été charmée par son écriture, et sa capacité à faire récit avec une intrigue minimaliste...
SupprimerJ'ai l'impression que l'auteur est un spécialiste du roman introspectif (je suis allée voir sa biblio sur Babelio).
RépondreSupprimerC'est introspectif mais pas ennuyeux, du moins en ce qui concerne ce titre. Il évoque les pensées du personnage avec un naturel qui les rend crédibles, et nous attache à ce héros peu laconique, même intérieurement..
SupprimerJe trouve que les écrivains islandais ont l'art de nous surprendre et de nous livrer de petites pépites
RépondreSupprimerJ'en lis très peu, mais c'est sans doute un tort. Encore une fois, merci les blogs !!
SupprimerAssez particulier, je ne sais pas du tout si ce genre de lecture serait pour moi.
RépondreSupprimerMerci pour ta participation au challenge et aussi pour la découverte.
A priori, je n'étais pas sûre que cette lecture soit pour moi non plus, et j'ai pourtant été conquise...
SupprimerJe suis heureuse qu'il t'ait plus, ce n'est pas évident avec ce genre de livre. J'ai lu les trois parus et espère qu'il y en aura d'autres. J'ai pu rencontrer l'auteur à un festival des Boréales, il est très sympathique.
RépondreSupprimerJe reviendrai vers cet auteur, c'est certain, il faut un immense talent pour accrocher ainsi le lecteur avec apparemment si peu... un grand merci pour cette découverte !
SupprimerUn titre qui ne prête pas à la légèreté.
RépondreSupprimerNon, c'est vrai, mais en même temps il n'est pas si plombant, car le narrateur garde ses émotions à distance..
Supprimerje ne connais pas cet auteur, et j'avoue que ça ne me tente pas vraiment mais j'aime beaucoup l'Islande
RépondreSupprimerEt ce n'est pas vraiment un titre qui fait découvrir le pays...
SupprimerAifelle me tente souvent à propos de romans vers lesquels je n'irai pas spontanément , celui-ci doit avoir une charme bien particulier car visiblement l'intrigue est mince et pourtant, il retient l'attention des lecteurs.
RépondreSupprimerC'est exactement ça, et être charmé par ce genre de titre a une saveur particulière...
SupprimerJe lis peu de romans introspectifs mais tu m'as rendu le personnage attachant et sa passion pour la musique des bruits le rend également atypique et donc intéressant.
RépondreSupprimerTu as raison de souligner cette manière si particulière qu'il a d'appréhender les sons, omniprésente dans le récit. On suppose qu'elle signifie quelque chose, ou qu'elle constitue comme un écran entre le héros et le monde..
SupprimerC'est fou comme certains auteurs savent capter notre attention à partir de petits riens, et donc d'une grande écriture. Je note la trilogie 😃.
RépondreSupprimerIl faut en effet un grand talent pour y parvenir, et s'il y a une chose qui peut me revenir vers un auteur, c'est bien sa plume...
SupprimerJe viens de relire mon commentaire chez Aifelle et j'étais tentée et là il me paraît un peu trop introspectif pour me plaire, mais j'aime toujours quand même les livres dans lesquels il ne se passe pas grand chose et qui réussissent à maintenir l'intérêt.
RépondreSupprimerIl est introspectif mais ni ennuyeux ni abscons, parce que le personnage reste à la surface des choses, et on devine qu'il s'agit là d'un subterfuge pour ne pas se laisser atteindre.. et c'est vraiment bien écrit.
Supprimerla citation de départ est accrocheuse, pourquoi pas!
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup cette citation, elle est assez représentative du ton de l'ensemble, un peu décalé, un peu mélancolique..
SupprimerScandinave sans être un polar, très bien ! Tu m'intrigues en tous cas.
RépondreSupprimerUne jolie découverte en ce qui me concerne, en effet aux antipodes du polar !
SupprimerJ'ai bien envie de goûter à cette saveur particulière !
RépondreSupprimerIl s'y passe encore moins de choses que dans "Olive", mais là, pour le coup, on pénètre l'intimité du personnage, même si c'est une intimité qui se dérobe..
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