"Portrait huaco" - Gabriela Wiener
"Une famille est une île fictive sur une mer de réalité."
Gabriela Wiener est l’arrière arrière-petite-fille de Charles Wiener, autrichien juif naturalisé français, explorateur de renommée internationale dont les recherches permirent la future découverte du Machu Picchu. Il laissa derrière lui, en quittant le Pérou, le fruit de ses amours avec une indigène, Carlos, dont il ne prit même pas le temps de faire la connaissance. Il ne manqua pas en revanche d’en rapporter quantité de trésors andins que l’on peut aujourd’hui retrouver, comme le fait l’auteure, dans une salle du Musée Branly qui porte son nom.
Sa descendance péruvienne a toujours été partagée entre fierté et rejet envers ce prestigieux aïeul dont les écrits révèlent l’eurocentrisme et le racisme. Cet héritage familial, expression à la fois de métissage et de la domination occidentale exercée sur les peuples colonisés, charrie avec lui tout ce que suppose l’asservissement longuement subi : l’infériorisation, l’assimilation d’une hiérarchisation selon la couleur de peau, qui déterminent aujourd’hui encore les rapports entre noirs et blancs, mais influencent aussi profondément la propre conscience de soi, les autochtones eux-mêmes peinant à se détacher des représentations qui font de la blancheur un synonyme de privilèges et de beauté. Gabriela Wiener, que sa peau noire a souvent soumise au racisme, réalise ainsi qu’elle a beau comprendre ces mécanismes, il s’avère bien difficile de lutter contre le cadre de références inculqué depuis plusieurs générations. Alors elle tente d’oublier son manque d’amour pour elle-même dans un désir sexuel permanent, s’oppose aux carcans de la morale puritaine en menant une vie de trouple -elle a une femme et un mari, dit-elle- ou s’inscrit dans un groupe réservé aux femmes racisées nommé "Décoloniser mon désir", où elles tentent de créer d’autres cadres conceptuels que ceux hérités du colonialisme.
Une dimension encore plus personnelle s’ajoute aux questionnements identitaires qui hantent l’auteure, amenée par le décès de son père, à l’occasion duquel elle revient, depuis l’Espagne où elle s’est installée depuis plusieurs années, à Lima. Le défunt a pendant trente ans vécu une double vie, avec une autre compagne, et une autre fille. Que signifie alors d’être celle de l’épouse officielle, qui est aussi la femme trahie ? Et comment trouver sa propre vérité quand notre passé a été en partie bâti sur des mensonges, ceux d’un père dissimulateur, et ceux d’un aïeul qui pour dorer son image, a embelli le récit de ses actes et à l’inverse en a occulté certains pans, notamment celui qui a initié la lignée dont est issue Gabriela ?
"Portrait huaco" se présente comme le processus par lequel l’auteure cherche, en transformant la fiction familiale en autofiction, les clés de sa singularité, se demandant dans quelle mesure celle-ci dépend de ce que nous ont laissés ceux qui nous ont précédés, que ce leg soit personnel ou collectif. On y emprunte de nombreux chemins de traverse, navigant entre passé et présent, traversant les frontières, dans un entremêlement d’Histoire et d’intime. Il y est ainsi question des déboires sentimentaux de l’auteure, aux prises avec une jalousie qui ne devrait pas avoir de place dans sa manière d’envisager le couple, d’un détour par le Champ de Mars où l’aïeul Wiener reçoit la Légion d’honneur, du triste destin des indigènes des colonies exposés à la foule dans le zoo humain du jardin d’acclimatation…
Voilà qui semble très intéressant! Je vérifie sur le champ qu’il se trouve dans ma médiathèque. Bon dimanche ! ( Une Comète)
RépondreSupprimerIl n’y est pas …:( ( Une Comète)
RépondreSupprimerDommage... mais je ne suis pas très étonnée, à vrai dire, je n'ai pas l'impression que ce titre ait eu une grande visibilité.
SupprimerJe vais gentiment passer, j'ai besoin de stabilité en ce moment :)
RépondreSupprimerSi tu cherches des textes clairement structurés, il vaut mieux en effet passer ton chemin...
SupprimerJe le lirai. Portrait huaco,on voit bien sur la couv que c’est une pièce de céramique qui reproduit le visage indien et qui s’appelle comme ça. Donc Gabriela descendrait d’un pilleur de tombes . Il y a des descendance qui sont lourdes à porter.
RépondreSupprimerOui, elle explique en effet ce qu'est un portrait huaco dans le livre, et lorsqu'elle visite le Musée du quai Branly, elle tombe sur un qui lui ressemble... je ne sais pas si son ancêtre a pillé des tombes, mais il a en tous cas soustrait au Pérou des trésors qui n'auraient pas dû le quitter...
SupprimerIl me semble avoir déjà vu ce roman chez Sunalee mais, si je me souviens bien, elle était trop peu enthoisiaste pour me donner envie de le lire. Les sujets abordés pourraient m'intéresser mais, le côté foutraque et autofiction me refroidissent.
RépondreSupprimerJ'ai cherché sur son blog, sans succès... peut-être ailleurs ? Je comprends que ce titre puisse déplaire, la narration en roue libre est déstabilisante, et on peut le refermer avec la sensation que l'on ne sait pas vraiment où l'auteure a voulu nous emmener.
Supprimerah, j'ai dû confondre...
SupprimerUne déception pour ma part, mais j'aurais dû me méfier d'emblée de la nature autofictionnelle du récit.
RépondreSupprimerC'est peut-être chez toi qu'Alexandra a vu ce titre, donc.. comme je le précise en réponse à son commentaire, je ne suis pas étonnée de lire à son sujet des avis plutôt tièdes, ou déçus. Une fois dépassée la gêne face à son absence des structure, je me suis laissé porter sans peine, ayant beaucoup aimé l'écriture de l'auteure.
SupprimerPas facile en effet d'avoir une telle ascendance. Les thèmes sont intéressants mais ton billet ne me paraît pas assez enthousiaste pour que je note (je ne retiens plus que les coups de coeur ...)
RépondreSupprimerJe comprends, je fais comme toi... et j'ai bien aimé, mais ce n'est pas un coup de cœur, en effet.
SupprimerUn livre qui semble en effet intéressant mais sans plus pour moi, je ne suis pas certaine qu'il me plairait car je me méfie un peu des autofictions...A voir donc
RépondreSupprimerLe genre autofiction est ici clairement assumé, et l'auteure l'utilise de manière intelligente, en débordant sur des questionnements universels. Ce qui peut gêner, ici, c'est la dimension assez chaotique de la narration.
SupprimerLe défi du lecteur est de se laisser emporter par la plume de l'auteure, alors.
RépondreSupprimerTu as tout compris, et en ce qui me concerne, ça a bien marché !
Supprimerun petit peu peur du côté foutraque !
RépondreSupprimerDisons qu'on a l'impression que l'auteure suit le fil de ses réflexions, qui partent sur des sujets divers, tantôt génériques et tantôt personnels..
SupprimerSi l’autofiction possède une portée plus générale, ça me va, c’est plutôt le côté désordonné et dispersé qui me retiendrait, mais je le tenterai et te remercie pour ta lecture tout en finesse.
RépondreSupprimerJe lirai ton avis avec grand intérêt..
SupprimerToujours en écrémage de PAL, j'évite de noter les livres présentant un fort risque d'abandon. C'est le cas de celui-ci pour son côté "éclaté".
RépondreSupprimerSage décision... ce n'est pas un indispensable, mais j'ai apprécié la plume de l'auteure, et ses réflexions pertinentes.
SupprimerLa multitude des sujets abordés promet une lecture riche en réflexions mais ça semble peut-être un peu trop déstructuré pour moi... Je garde quand même en tête pour un moment où j'aurai envie de sortir des sentiers battus et de me tourner vers une lecture plus exigeante que ce que j'ai l'habitude de lire.
RépondreSupprimerDisons que le pré-requis est d'accepter de suivre le fil un peu chaotique de l'auteure, mais si la structure est quelque peu foutraque, le propos est en revanche limpide.
SupprimerMerci pour ta participation ! Je crois que je l'ai lu l'an dernier. Un livre que j'avais trouvé à la fois riche et déroutant.
RépondreSupprimer"Riche et déroutant", oui, c'est très bien résumé... cette lecture m'a en tous donné envie de suivre l'auteure de près.
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