"On dit parfois que le temps guérit toutes les blessures. Un cliché terrible, que les gens sortent quand ils ne savent vraiment plus quoi dire. C'est strictement faux en plus. Il y a des gens qui meurent de leurs blessures et, quand vous êtes mort, il n'y a plus grand-chose à guérir."

Depuis le départ de la mère, leur cellule familiale est devenue exclusivement masculine. Elle est partie à l’étranger, paraît-il, avec un autre homme, sans doute en Italie, d’où elle leur envoie, cinq fois par an, à l’occasion de Noël ou des anniversaires, des cartes postales. Même le chien Daan, qui a tant pleuré son absence -comme pour les garçons, elle était sa préférée -, a fini par comprendre qu’elle ne reviendra pas. C’est donc leur père Gerard qui s’occupe d’eux, assurant le quotidien, les visites aux grands-parents dan leur maison au bord d’un lac et l’organisation des grandes vacances, dans une région de France chaque fois différente où ils se rendent à bord d’une vieille guimbarde à la couleur indéterminée. Eux, ce sont les jumeaux Klaas et Kees, et leur cadet Gerson, que leur relation fusionnelle rend parfois un peu jaloux. Gerson est aussi le plus beau de la fratrie, ou du moins il l’était…
Voilà. Il me semble qu’il ne faut pas en dire plus sur l’intrigue, même si le drame qui vient soudain fracasser l’existence de ces protagonistes survient assez rapidement.
Evoquons plutôt d’abord cette étrange et séduisante narration, majoritairement portée par les jumeaux en une osmose qui fait d’eux une entité à deux têtes, entremêlent le "il", le "je" et le "nous" d’une manière au départ déstabilisante pour le lecteur, qui ne sait pas toujours qui parle, mais après tout peu importe, puisque cela ne gêne aucunement la compréhension de l’intrigue.
Et attardons-nous surtout sur ce qui, au-delà des faits, hante chaque ligne du roman : l’expression des résonnances de la perte, la difficulté voire l’impossibilité de la reconstruction après un drame qui fait de vous un autre, l’incapacité des proches à vous consoler de l’insondable et irrémédiable détresse que cela génère, sans même parler de vous en consoler. La solitude, donc. Et le tabou et le poids qu’instaure un drame dont on ne parle pas mais qui prend toute la place, vampirisant les relations, le quotidien.
La parole des jumeaux laisse par moments la place à celle de Gerson, voire à celle du chien Daan -ce qui m’a déplu- et si les événements relatés le sont parfois a posteriori, l’ensemble est empreint d’une sobriété et d’une sincérité qui donnent une sensation d’immédiateté, et qui ne laisse par ailleurs aucune place à l’enjolivement ou à la sensiblerie. L’auteur trouve ainsi le juste équilibre entre candeur et crédibilité, notamment par l’art de faire parler le prosaïque, d’évoquer les détails, petits gestes, et situations a priori anodines qui, témoignages incongrus de la dévastation, disent beaucoup.
Un titre que j'ai déjà noté pour continuer à lire l'auteur. J'avais beaucoup aimé "Là-haut tout est calme".
RépondreSupprimerBravo pour cette note où tu réussis à ne pas utiliser ce fameux terme de "Résilience" qui m'énerve au plus haut point à force d'être agité comme un diktat ... D'ailleurs, même si tu dis peu de chose du drame, on dirait bien qu'il n'est justement pas dépassé, ce qui parait plus crédible que cette fameuse "reconstruction".
RépondreSupprimerUn roman en douceur, qui laisse un beau souvenir
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