"Terres promises" - Bénédicte Dupré La Tour
"Dans la grande salle, les hommes s’abreuvaient comme des bœufs en urinant sous les tables, se battaient puis payaient des tournées générales."
En s’attachant à sept figures, dont nous suivons successivement des parcours a priori distincts les uns des autres, elle construit une fresque à la chronologie perturbée où tout finalement s’emboite, chacun y prenant sa place.
Le décor s’inscrit dans un ouest mythique à l’immensité intimidante, qui ravale l’homme à sa petitesse. Une immensité que l’homme pourtant, dans sa folle arrogance, armé de rêves plus grands que lui, entend conquérir. C’est avec une frénésie brutale qu’il progresse sur ces terres sauvages, où les villes construites à la hâte naissent plus vite que les êtres, avant d’être désertées et de se recouvrir de poussière. Le temps, alors, y devient permanent.
C’est l’époque de la fièvre de l’or. Ouvriers, marins, cafetiers, fermiers… ne peuvent résister à son appel, et désertent, souvent du jour au lendemain, leur poste et leur famille. Ils sillonnent alors, au gré des nouveaux filons, d’une petite ville aurifère à l’autre, ces territoires inexplorés où les attendent, plus que la fortune, l’épuisement et la démence.
Nous y suivons Eleanor Dwight, femme à la nature sauvage, de celles que les hommes n’aiment rien tant que faire plier à leur volonté, que porte un farouche désir de vengeance ; l’amérindienne Kinta, au caractère tout aussi rebelle, qui se lie dans la forêt avec ce qu’elle croit d’abord être un homme-animal ; Morgan Bell, qui a quitté un foyer où son épouse et ses filles ne faisaient que tolérer sa présence, Mary Framinger, infirmière qui cherche son fils parmi les champs de bataille… et d’autres.
La rudesse de la survie -les épidémies, la faim, le froid- s’ajoute à la violence perpétrée par les hommes : pendaisons, viols, décapitations, toxicités familiales… C’est un récit ténébreux à la langue puissante, empreint de sauvagerie, une épopée où se mêlent dimension tragique et trivialité des bas appétits humains. On est à la fois porté par le sombre bouillonnement que constituent cette somme de haines, de vengeances, de perversions, mais aussi mis à portée de l’humanité de chaque personnage, introduit à sa singularité.

il est dans ma liste je vais vraiment le lire . Les avis sont tous enthousiastes.
RépondreSupprimerC'est un roman très fort, peuplé de personnages mémorables... tu ne devrais pas être déçue...
SupprimerAaaah, j'aime beaucoup cette époque dans les romans, la fièvre de l'or, ça me fascine toujours. Je l'adore chez Jack London, d'ailleurs. Je me le note, et, à l'occasion, je répondrai à ta question ;)
RépondreSupprimerJ'ai eu entretemps une réponse assez précise (ci-dessous), de Cath L, et qui me plait bien ! J'espère que ce titre te plaira. C'est un premier roman assez impressionnant de maitrise et de puissance d'évocation.
SupprimerExcellent, oui!
RépondreSupprimerTa question, oui j'ai remarqué, enfin, de mémoire, mais je n'ai pas de réponse...
Je ne sais pas si tu as vu celle de Cath L...
SupprimerMoi j'ai pas lu le livre mais il a l'air très bien, mais j'ai lu des trucs sur les USA au 19e et je peux te dire qu'il y avait beaucoup de cowboys noirs (parce que c'est un métier très difficile et pauvre), mais si tu es certaine que les personnages sont blancs de peau, sache que les WASP avaient tendance à parler des irlandais et des juifs comme des noirs (donc pas en bien). J'ai découvert ça dans ce livre
RépondreSupprimerhttps://chezmarketmarcel.blogspot.com/2020/04/je-crois-que-je-ne-pourrais-pas-etre.html
mais j'en ai entendu parler ailleurs. Je ne sais pas si ça t'aide.
En tout cas merci pour l'idée de lecture !
Il est mieux que bien ! J'ai vu, l'an dernier je crois, un documentaire sur arte sur ces cow-boys noirs, complètement invisibilisés dans les films, notamment.. et je ne savais pas pour cette pratique WASP. Toutefois, l'explication de Cath L me semble la plus logique, car elle colle assez bien à la manière dont l'auteure glisse ces éléments presque comme par inadvertance, et comme si elle se livrait à une sorte de jeu de piste..
SupprimerMerci pour ce billet sur ce roman que j'ai adoré.
RépondreSupprimerPour répondre à ta question, je l'ai interprété comme ça : Comme il s'agit d'un far west imaginaire, les rôles y sont inversés, ce sont les noirs qui sont les maîtres et les blancs leurs serviteurs ou même esclaves... Lors des premiers avis parus, j'ai lu que l'autrice s'amusait d'une particularité de son roman que peu de lecteurs avaient remarquée, je pense que c'est de cette inversion qu'il s'agit.
J'ai adoré aussi... j'ai parlé de ce titre avec Marie Vingtras, sur un salon, parce je lui parlais de La grande Librairie où elle avait été invitée en même temps que Bénédicte Dupré La Tour. Elle a été elle aussi très impressionnée par ce roman, que je n'avais alors pas encore lu, c'est elle qui m'a incitée à le sortir au plus vite de ma pile.
SupprimerEt merci pour l'explication sur cette "bizarrerie", qui me rend ce texte encore plus attachant...
Je le note ça me semble bien....
RépondreSupprimerComme précisé ci-dessus en réponse à Nathalie, c'est plus que ça, c'est un excellent premier roman, et une plume à suivre, assurément...
SupprimerVous semblez toutes conquises par ce roman.
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