"Plus haut dans les ténèbres" - Sequoia Nagamatsu

"La mort était devenue un mode de vie."

Voilà un roman qui ne nous emmène pas là où on s’y attend…

Cela commence avec la découverte du corps, âgé d’environ 60 000 ans, d’une fillette, en Sibérie, en 2030. Clara, la scientifique qui en est à l’origine, est décédée en chutant dans la grotte où se trouvait celle qu’elle a prénommée Annie. Elle laisse derrière elle sa fille Yumi, qu’elle avait confiée à ses propres parents, afin de pouvoir se vouer à un travail dans lequel elle plaçait l’espoir d’un avenir meilleur. Annie, porteuse d’un génome mêlant origines néandertaliennes et ADN d’étoile de mer, est un mystère. Serait-elle le chaînon manquant ? Son corps héberge également un virus que la glace a conservé durant ces milliers d’années.

Cette première partie est comme un prologue. Ce qui suit pourrait passer pour un recueil de nouvelles, se déclinant en quatorze épisodes aux liens souvent ténus, qui lui sont plus ou moins postérieurs -de quelques années à des siècles plus tard-, la plupart se déroulant néanmoins au XXIème siècle. 

Le virus qu’abritait la fillette préhistorique s’est propagé sur la Terre, commençant par décimer les enfants. Il provoque une étrange maladie qui intervertit la fonction des organes, et dont l’issue est forcément fatale. 

On suit d’un chapitre à l’autre divers personnages aux prises avec la maladie et le deuil, devenus omniprésents. 

On visite ainsi un parc d’attractions où l’on euthanasie les enfants pour leur éviter une triste fin dans un hôpital bondé, un laboratoire de recherches où l’on élève des cochons en vue de prélever leurs organes pour les greffer sur des malades, des entreprises de pompes funèbres…

L’ensemble se focalise sur les aspects psychologiques et relationnels qu’induit le contexte, sur les différentes manières d’appréhender la perte dans un monde où l’on n’est plus capable de gérer le nombre de cadavres, où chacun est le ou l’un des survivants de sa famille. 

Il sera à un moment question de voyage interstellaire, mais la plupart des épisodes, même lorsqu’ils se déroulent dans plusieurs décennies, dépeignent un monde qui nous reste familier, où les avancées technologiques, mineures, ne compensent pas l’impression de délabrement généralisé rendue par les environnements souvent décrépis ou se déroule l’action, les inégalités sociales qui perdurent même face à la mort, et l’état d’une planète dont nous prenons connaissance de manière fortuite, à l’évocation de détails du quotidien ou en captant des bribes d’actualités télévisées. Il est alors question d’incendies de forêts, de montée des eaux ayant transformé des cités en archipels, d’extinctions d’espèces animales, de migrations de populations dues à la chaleur… 

Des échos, sous la forme d’objets ou de lieux que l’on retrouve d’une partie à l’autre, ou la réapparition de certains personnages, lient plus ou moins l’ensemble, qui garde quand même une dimension assez hétéroclite, qu’accentuent quelques incursions dans un registre fantastique. Et si le traitement des personnages et des situations résonne d’une sensibilité qui crédibilise les personnages et les situations, on se demande souvent où veut nous emmener l’auteur, d’autant plus que le roman, assez long, finit par souffrir de redondances, donnant l’impression d’une fin du monde se prolongeant indéfiniment.

C’est toutefois un peu rattrapé par la fin, qui referme joliment la boucle du récit, et donne en effet quelque liant à l’ensemble.


C'est une dernière participation à l'Objectif SF, chez Sandrine.

Commentaires